En signant avec une enseigne, vous adhérez aux potentiels changements que celle-ci pourrait apporter au long terme. Et c’est d’ailleurs l’un des avantages à rejoindre un réseau de franchise. Mais avant de vous engager, regarder de près votre contrat et interroger l’enseigne sur les prochaines évolutions peut être opportun.
Rejoindre un réseau de franchise, on ne le dira jamais assez, apporte un certain nombre d’avantages. Notoriété, accompagnement ou encore facilité d’approvisionnement. Mais devenir franchisé, c’est aussi respecter quelques devoirs. S’astreindre à suivre les évolutions du concept fait partie de ceux-là. Pour bien comprendre ce que cela implique, il est primordial de bien décrypter son contrat. Car l’évolution du concept est, normalement, bien détaillée dans le document que vous signerez.
“Vérifiez le contenu du contrat. Est-ce qu’il est évasif ou est-ce qu’il y a les engagements spécifiques de préciser sont des questions auxquelles vous devez trouver des réponses”, explique Alexandra Guidicelli, avocat au sein du cabinet Linkea. Votre réseau peut ainsi prévoir que vous investissiez un pourcentage annuel de votre chiffre d’affaires chaque année afin d’anticiper d’éventuels changements.
“Dans ce cas précis, cela permet au franchisé de mesurer les investissements qui pourraient lui être demandés et d’ainsi anticiper”, insiste Alexandre Guidicelli. De son côté, Alissia Zanette, avocat au sein du cabinet Simon Associés, précise toujours le prévoir dans les contrats de ses clients.
“Il faut qu’il y ait un budget de prévu entre les parties. Cela évitera toutes discussions. Ce budget étant difficile à anticiper, je me fonde, dans les contrats que j’élabore, sur un prix au mètre carré. Dès de départ, le franchisé saura ce qu’il devra dépenser annuellement”, souligne l’avocate.
Pour les experts que nous avons interrogés dans le cadre de cet article, le franchisé n’a donc pas le choix. Si son réseau prévoit un nouveau concept de point de vente, un nouveau service ou une évolution de son offre, il sera dans l’obligation de suivre ces évolutions.
“En intégrant un réseau, le franchisé s’oblige à suivre les évolutions apportées par son franchiseur. C’est lui qui est détenteur du savoir-faire, c’est lui le “sachant”, analyse Olga Zakharova-Renaud, avocat associé au sein du cabinet BMGB et Associés.
Et c’est aussi pour cela qu’un entrepreneur rejoint une franchise : pour profiter des connaissances du franchiseur et des avantages concurrentiels qu’il peut apporter. Cela ne veut pas dire que la tête de réseau peut faire n’importe quoi.”
Peu de marge de manœuvre
En effet, le franchiseur doit laisser un temps nécessaire pour que les membres du réseau puissent s’adapter. Selon les avocats, ce délai se situe généralement entre 6 mois et un an, en fonction des évolutions apportées. Surtout si vous avez intégré le réseau il n’y a pas longtemps, un délai supplémentaire pourrait vous être d’ailleurs accordé.
“Ce n’est pas raisonnable de demander au franchisé qui vient d’ouvrir de remodeler son point de vente, c’est certain”, insiste Olga Zakharova-Renaud.
“Si jamais un nouveau concept est en préparation au moment où vous signez, il est peut-être plus sage d’attendre qu’il soit opérationnel pour rejoindre le réseau”, ajoute de son côté Emmanuelle Courtet, directrice générale du cabinet Progressium.
Mais tout dépendra aussi de la nature de l’évolution. Car elles n’ont pas toutes le même impact en matière d’investissement mais également en délai de déploiement. C’est pour cela qu’il est nécessaire que le contrat précise les différentes évolutions possibles au sein du réseau. La plus évidente reste les améliorations visuelles (changement de logo, de concept architectural, de couleurs, etc.). Mais il peut exister des évolutions immatérielles.
“Le contrat doit donc être clair sur ce point et préciser de manière non-limitative ce qu’il entend par évolution du concept. Car cela peut être les méthodes d’application du concept, les systèmes d’information, la marque, le mobilier spécifique pour l’aménagement, etc., cite Alissia Zanette.
Actuellement, je fais face à un cas particulier. Une enseigne de restauration souhaite revoir fondamentalement son concept en réduisant la carte de plus de 50 %. Les franchisés, eux, ne sont pas forcément d’accord car ils pensent que cela ne sera pas bénéfique au concept. C’est un exemple concret. Mais malheureusement, les franchisés n’ont pas de marge de manœuvre et devront appliquer cette évolution. D’où la nécessité de bien regarder ce que prévoit le contrat.”
Phase de test
Mais les experts conseillent : toute évolution doit être testée et éprouvée. Au même titre que lorsque vous rejoignez l’enseigne, il est préférable que l’enseigne ait le recul nécessaire pour vous communiquer des chiffres montrant l’efficacité de ces évolutions
. “Si le franchiseur a expérimenté le concept et qu’il a des performances concrètes, effectivement cela est en mesure de rassurer et d’inciter les franchisés à suivre ces évolutions”, analyse Emmanuelle Courtet, directrice générale de Progressium. Et généralement, les têtes de réseau procèdent pas à pas et prennent le temps de tester les nouvelles idées sur des sites pilotes ou avec des franchisés volontaires. C’est notamment le cas de Pomme de Pain. L’enseigne de sandwicherie, avec ses 42 ans d’existence et ses 120 points de vente, souhaite se réinventer. Outre le travail sur l’offre effectué depuis quelques mois en collaboration avec une ancienne candidate de Top Chef, le réseau se penche depuis un an et demi sur l’élaboration d’un nouveau modèle de restaurant. Celui-ci devrait être plus moderne, davantage en accord avec les attentes des consommateurs et au parcours client repensé, plus axé sur le digital.
“Pour le moment il est trop tôt pour en dire plus. Nous aurions aimé présenter ce concept sur Franchise Expo Paris, mais nous avons pris un peu de retard. Nous subissons les aléas de la crise sanitaire qui impacte les coûts et les approvisionnements en matériaux”, affirme Nicolas Papageorgopoulos, directeur général de Pomme Pain.
Et ce dernier d’ajouter : “Nous
espérons que notre premier pilote sous ce nouveau modèle sera opérationnel fin août. Cela sera un magasin tenu en propre, situé en région parisienne. Il est important que nous éprouvions ce nouveau concept avant de le mettre dans les mains des franchisés.”
Relookings intermédiaires
Un discours similaire adopté pas l’enseigne Comtesse du Barry qui teste depuis quelques mois un nouveau modèle de magasin, lui aussi plus moderne et chaleureux. Le premier point de vente rénové, tenu en propre, est opérationnel depuis mai 2021 à Saint-Germain-en-Laye. D’autres points de vente en succursales, situés à Aix-en-Provence, Marseille et Vélizy devront également être rénovés dans les prochaines semaines. La tête de réseau souhaiterait harmoniser l’ensemble de son parc (53 magasins, dont 23 franchises), d’ici deux ans.
“Nous irons clairement plus vite dans la rénovation de nos succursales. Car même si on prouve à nos franchisés la pertinence de ce nouveau modèle, nous ne sommes pas dans leurs portefeuilles. C’est difficile de dire à un partenaire d’investir dans une rénovation si son point de vente est en bon état, admet Stéphanie Moussel, directrice marketing, commercial et communication des enseignes retail de Maïsadour, maison-mère de Comtesse du Barry. Nous allons travailler en bonne intelligence avec nos franchisés. Quoi qu’il en soit, toutes les prochaines ouvertures se feront sous ce nouveau modèle.”
Et l’enseigne a fait le choix d’optimiser un maximum la rénovation des boutiques, afin que le coût soit le moins important possible pour les franchisés. Ainsi, Comtesse du Barry a misé sur le home-staging.
“On a fait le choix de customiser certains meubles, par exemple. Cela permet de montrer aux franchisés que notre volonté n’est pas de tout casser mais de faire bel et bien évoluer le concept”, insiste Stéphanie Moussel. Pour les experts, si votre point de vente n’est pas si vieillissant et que vous souhaitez tout de même le rénover sans pour autant tout révolutionner, des relookings intermédiaires peuvent être possibles, en fonction de la stratégie des enseignes.
“Cela peut être une solution pour que le franchisé y aille étape par étape. Cela montre aussi la bonne volonté du franchiseur de ne pas précipiter ses partenaires dans des investissements s’ils n’en ont pas les moyens et qui mettraient en péril leurs sociétés”, confirme Emmanuelle Courtet.
L’experte pointe aussi que certains réseaux accompagnent les franchisés dans le déploiement de nouveaux concepts : que cela soit en offrant du mobilier spécifique ou en agissant sur les redevances sur un temps court.
“C’est dans l’intérêt du franchiseur de donner un coup de pouce pour inciter les membres du réseau à faire évoluer le concept, même, si in fine, cela reste de la responsabilité du franchisé”, insiste Emmanuelle Courtet.
Intérêt du franchisé
Selon la structuration et la stratégie de l’enseigne, il est possible que celle-ci se charge de l’agencement via des prestataires internes. Si cela n’est pas le cas, il faut bien prendre le soin, en tant que franchisé, de demander l’ensemble du cahier des charges et de faire jouer la concurrence. “Avant même de signer le contrat, il est opportun de demander au réseau qui se charge de l’agencement en cas d’évolution conceptuelle. Si c’est le franchiseur ou non. Si c’est à vous, franchisé, de mener les travaux, faites appel à plusieurs agenceurs pour avoir des devis que vous soumettrez à la tête de réseau. Et assurez-vous que le prestataire sélectionné est sérieux”, insiste Emmanuelle Courtet. Globalement, tous les franchisés avec lesquels nous avons pu échanger soulignent l’intérêt de suivre les évolutions apportées par la tête de réseau.
“C’est important pour tout le monde, insiste Yannick Pastureau, franchisé Carrément Fleurs à la tête de plusieurs magasins à Cahors et Villeneuve sur Lot. En tant que franchisé, c’est essentiel pour l’accueil client. Rien ne nous était imposé finalement dans le réseau et je n’ai pas regardé dans le contrat ce qui y était précisé. Mais à partir du moment où un franchisé le fait, cela incite à passer le cap. Et cela donne incontestablement un coup de jeune aux points de vente.”
Du côté de Cyclable également, un nouveau concept d’atelier, baptisé Cyclable Services est déployé depuis un peu plus d’un an. Le but : désengorger l’atelier des magasins existants via une unité adjacente dédiée aux réparations et à l’entretien des vélos. Pour Martin Paviet, installé Annecy, adopter ce nouveau concept était une évidence.
“Cela répond clairement à un besoin. Quand on fait évoluer le modèle, il faut toujours se demander si cela est rationnel et si cela va apporter quelque chose. Clairement, là, c’était le cas.” Et le franchisé, qui a rejoint l’enseigne il y a maintenant 10 ans, estime pouvoir faire confiance à la tête de réseau.
“À partir du moment où votre enseigne, avec 70 magasins, tentent ce genre de chose, c’est que le marché est là. Il y a aussi la motivation économique. L’atelier permet d’être plus performant à la vente et de limiter les délais d’attente pour le côté atelier. Aujourd’hui, clairement, cela nous permet d’augmenter le chiffre d’affaires.”
Vous l’aurez compris, si vous devrez appliquer les évolutions amorcées par la tête de réseau, sachez que cela sera forcé majoritairement dans votre intérêt.
“Ce qui est à l’avantage du franchiseur est à l’avantage du franchisé. Et c’est aussi le devoir de l’enseigne de faire évoluer son modèle et de répondre aux nouvelles tendances du marché.”, affirme Alexandra Guidicelli. Et Olga Zakharova-Renaud ne dit pas autre chose :
“Les évolutions sont là pour moderniser, adapter, rajeunir le réseau et rester concurrentiel. C’est donc un plus pour le franchisé”, conclut l’avocate.