La vente en ligne constitue depuis plusieurs années un sujet épineux au sein des réseaux de distribution. Un avis rendu par la Commission d’Examen des Pratiques Commerciales laisse espérer une évolution des pratiques. Par Monique Ben Soussen, avocat à la cour et fondatrice du cabinet BSM Avocats
En l’état actuel du droit, rien n’interdit au franchiseur d’avoir un site Internet marchand et de vendre des produits directement au consommateur final, y compris à des clients qui sont situés sur le territoire exclusif d’un franchisé. Concrètement, cette situation peut conduire à vider de sa substance la clause d’exclusivité territoriale accordée au franchisé (ou du moins à en réduire considérablement la portée). Cette situation semble d’autant plus injuste que le franchiseur qui vend en ligne n’a pas de loyer ni de redevances à payer, si bien que ses coûts sont nécessairement plus faibles que ceux du franchisé. Dans ce contexte, il n’est pas rare que le franchiseur propose en ligne des prix plus attractifs que ceux pratiqués en magasin… La situation se corse encore lorsque le franchisé, qui voit ainsi sa clientèle se détourner progressivement au profit de la vente sur Internet, doit néanmoins assurer en boutique le service après-vente et/ou l’échange du produit. Les coûts en termes de personnels reposent sur le franchisé, alors même qu’il n’a rien perçu sur le prix de vente du produit.
Si ces difficultés ne sont pas nouvelles, elles se sont accentuées au cours de l’année écoulée alors que de nombreux magasins ont été contraints de fermer et que nous avons tous adopté de nouvelles habitudes de consommation.
Cette situation est manifestement contraire à l’équité et à la bonne foi qui doivent en principe régir les relations contractuelles. C’est sans doute ce qui a incité la Commission d’Examen des Pratiques Commerciales (CEPC), dans un avis rendu le 15 avril 2021 à apporter quelques précisions sur les modalités de la vente en ligne par le franchiseur.
Deux points principaux ont été soulignés par la Commission concernant les sites Internet marchands exploités par le franchiseur.
– La Commission a tout d’abord estimé que si le client va chercher le produit dans un magasin franchisé (modalité de vente souvent appelée click and collect) alors un “mécanisme de compensation peut être prévu entre franchiseur et franchisé”. La Commission n’a en revanche pas spécifié les modalités de compensation. La méthode la plus intuitive consisterait à reverser au franchisé un pourcentage du prix de vente.
– La CEPC a par ailleurs souligné que “la remise du produit par le franchisé au client doit participer à la réussite économique du franchisé”. Autrement dit, la vente par le franchiseur d’un produit en click anc Collect (issu du stock d’un magasin franchisé) ne devrait en aucun cas représenter un coût net pour le franchisé. Cela semble évident… La précision de la CEPC n’est pourtant pas inutile au regard des pratiques de vente dans de nombreux réseaux.
L’avis de la CEPC n’a qu’une valeur consultative et ne lie ni les juges ni les justiciables. Il peut toutefois servir de guide et de source d’inspiration, que ce soit dans le cadre d’un litige ou de négociations. Cet avis a le mérite d’oser suggérer, quoique trop timidement, que les fruits tirés de la vente par internet devraient être partagés entre la tête de réseau et le franchisé. Il s’agit d’une réelle avancée, dont on ne peut qu’espérer qu’elle ouvrira la voie vers une évolution progressive de la position des juridictions et de la doctrine et vers un rééquilibrage des relations au sein des réseaux de distribution.