La Cour d’appel de Paris a été encore amenée à juger de la pratique qui consiste à imposer un prix minimum de revente à son franchisé. Elle considère que ce dernier n’apporte pas la preuve de l’existence d’une telle pratique, le franchiseur pouvant librement imposer un prix maximum, de même que conseiller son franchisé sur ses prix. Par Simon Associés, cabinet d’avocats d’affaires.
En l’espèce, en 2009, la société D. « franchisé »,
a conclu un contrat de franchise avec la société G. « franchiseur » à la tête d’un réseau ayant pour activité la conception d’articles d’art de la table commercialisés en France et à l’étranger. Le franchisé a procédé à l’ouverture de la boutique sous franchise en 2010. Néanmoins, celui-ci a très vite rencontré des difficultés d’exploitation.
De 2009 à 2012, le franchisé n’était pas parvenu à couvrir ses charges et à procéder au paiement à échéance des factures émises par le franchiseur. En raison des difficultés de la société franchisée, les parties sont parvenues en 2011 à un accord amiable et ont fixé un échéancier pour le règlement des factures impayées par cette dernière. Malgré la survenance de cet accord, les difficultés du franchisé ont persisté. En 2013, le franchisé a résilié le contrat de franchise conclu avec le franchiseur, ce dernier contestant cette résiliation, selon lui, prétendument fautive. Par la suite, en 2016, la société franchisée a été placée en liquidation judiciaire.
Le liquidateur a soutenu que le franchiseur pratiquait une politique de prix imposés à l’égard de ses franchisés, privant le franchisé de la possibilité de baisser ses prix de vente par rapport aux prix de vente fixés par le franchiseur. Il a affirmé ainsi que les marchandises étaient livrées préétiquetées et préenregistrées dans le logiciel de gestion de caisse. Il a prétendu ainsi que cette pratique, qui contrevient aux dispositions des articles L.442-5 du code de commerce, L. 420-1 du code de commerce et 81 du Traité CE, constituait une faute contractuelle à l’égard du franchisé.
Le franchiseur, répliquait, quant à lui, que le contrat de franchise se contentant de faire état de la mise en place de prix conseillés applicables, lesquels demeuraient facultatifs, le franchisé conservait une entière latitude pour pratiquer des prix soit inférieurs soit supérieurs. La société franchisée ne démontrait pas, en tout état de cause, l’existence d’une « police de prix ». Il ajouta que le grief formulé par le franchisé relatif à un niveau de marge insuffisant pendant les périodes de soldes, était inopérant, l’objectif des soldes n’étant pas la réalisation d’une marge importante mais l’écoulement des stocks. Il en a conclu que les griefs formulés par le liquidateur judiciaire du franchisé à l’encontre du franchiseur n’étaient ni sérieux ni motivés, aucun préjudice n’étant par ailleurs démontré.
Le franchiseur « conseille » ses franchisés
Après avoir procédé à une interprétation littérale des termes du contrat de franchise, la cour en a déduit qu’il ressortait de ces stipulations que le franchiseur ne fixait aucun prix minimum ou maximum de vente mais conseillait ses franchisés par le biais de prix de vente conseillés ou indicatifs. Elle a estimé que c’est donc en vain que le liquidateur judiciaire de la société franchisée allègue que le franchiseur lui imposait les prix, alors qu’il apparaît que :
- le franchisé a organisé des événements promotionnels et a notamment informé le franchiseur de la mise en place d’une remise de 10% sur tout le magasin en février-mars 2011 à l’occasion d’une campagne publicitaire organisée par le bailleur de la boutique,
- de nombreux franchisés du réseau pratiquaient des remises,
- il n’est aucunement démontré que le franchiseur avait accès au logiciel de gestion de caisse du franchisé, ni de ce que celle-ci n’avait pas la maîtrise de ce logiciel.
La Cour en a conclu qu’il n’était pas démontré que le franchiseur aurait, dans les faits, imposé des prix de revente des produits à son franchisé, lequel a « librement déterminé les prix de revente des produits commercialisés dans sa boutique ».
S’agissant du moyen soulevé par le liquidateur qui consistait à dire que le franchiseur exerçait un contrôle des marges du franchisé, en période de soldes, en violation des dispositions de l’article L. 442-5 du code de commerce, la cour a considéré également que ce grief n’était pas fondé. Selon elle, il apparaît qu’à la lecture du contrat de franchise, le fait que le franchiseur prévoyait que le franchisé devra fournir un certain nombre d’informations relatives aux marges pratiquées ne préjugeait pas de l’exercice d’un contrôle par le franchiseur sur ces marges. C’est donc à juste titre que le franchiseur objecta qu’elle n’a jamais contrôlé les marges de son franchisé en période de solde.
« Le franchisé doit être libre de fixer le prix de revente des produits ou service qu’il distribue »
La question relative à l’interdiction des prix imposés n’est pas nouvelle. En effet, cette pratique est l’une des premières sanctionnées par le droit de la concurrence. Le présent arrêt est ainsi l’occasion de revenir sur la caractérisation de cette pratique et s’inscrit sur la ligne droite de la jurisprudence en la matière. En effet, le franchiseur ne peut imposer un prix fixe ou un prix minimum à son franchisé. Le franchisé, en qualité de commerçant indépendant, doit être libre de fixer le prix de revente des produits ou service qu’il distribue. Ainsi l’article L. 442-5 du code de commerce (devenu l’article L. 442-6 du code de commerce à la suite de l’ordonnance n°2019-539 du 24 avril 2019) dispose qu’« Est puni d’une amende de 15 000 euros le fait par toute personne d’imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale ».
Toutefois l’article 4 du Règlement UE 330/2010 du 20 avril autorise le fournisseur à imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, « à condition que ces derniers n’équivalent pas à un prix de vente fixe ou minimal sous l’effet de pressions exercées ou d’incitations par l’une des parties ». Dans la présente décision, objet du commentaire, la Cour ne fait que nous rappeler qu’il est donc tout à fait possible pour le franchiseur d’adresser aux franchisés du réseau un barème de prix conseillés de vente des produits ou des services, et ce, afin d’assurer une homogénéité tarifaire au sein du réseau de franchise. Pour autant, il appartient au franchiseur d’être vigilant et de veiller à ce que ces prix conseillés ne constituent pas en pratique des prix minimum imposés prohibés, et de veiller à ce que les franchisés restent libres dans la fixation du prix de revente.
Il est donc fortement conseillé de prévoir dans le contrat de franchise une clause stipulant que les prix conseillés communiqués au franchisé n’ont aucun caractère obligatoire et que le franchisé conserve toute liberté pour fixer ses prix. Dans la pratique, le franchiseur doit être également précautionneux et ne pas adopter un comportement contraire aux stipulations contractuelles prévues en la matière, à peine d’être sanctionné. En l’espèce, le contrat ne prévoyait pas de dispositions contractuelles contraires à l’article L. 442-5 du code de commerce et en pratique, le franchiseur n’a nullement adopté un comportement contraire aux stipulations contractuelles en respectant, dans les faits, la liberté du franchisé.