Souvent présente dans les contrats de franchise, la clause de tacite reconduction implique que le silence des parties suffit au renouvellement du contrat. Celles-ci peuvent en revanche y mettre un terme sous réserve d’un simple préavis.
De nombreux contrats de franchise comportent une clause dite de tacite reconduction. Celle-ci suppose que si franchiseur et franchisé ne se manifestent pas au préalable, le contrat sera automatiquement reconduit. Un système qui peut s’avérer rassurant pour le candidat mais qui ne fait pas toujours l’unanimité auprès des spécialistes.
Quel intérêt pour le franchisé ?
“Lorsque l’on parle de tacite reconduction, des parties prévoient simplement dès signature que le contrat pourra se reconduire pour la même période ou moins. Ainsi, sauf dénonciation d’une des parties par exemple six mois avant le terme, le contrat continue sans nouveaux droits d’entrée”, explique Charlotte Bellet, avocat associé au cabinet Méresse (TBM Avocats). Pour elle, il s’agit quelque part d’apporter une garantie que la relation va s’inscrire dans la durée si tout se passe bien entre le franchiseur et son franchisé.
En revanche, elle indique que cette clause implique une justification plus poussée en cas de non reconduction. “On affiche ici une volonté de s’engager sur le long terme. Si, par exemple, le franchiseur devait attendre la dernière minute pour prévenir son franchisé de sa volonté de cesser leur collaboration, il y aurait peut-être un abus”, vient-elle ajouter. Mais elle tient à mettre en avant le fait que plus les investissements nécessaires à l’intégration du réseau sont lourds, plus cette clause peut s’avérer intéressante. “La plupart des contrats affichent une durée de cinq ans. En revanche, les prêts bancaires vont au-delà. C’est donc plus intéressant de mettre toutes les chances de son côté pour pouvoir rembourser”. Toutefois, elle souligne qu’en aucun cas la clause n’oblige les parties à reconduire le contrat.
“Pour moi, le franchisé n’a aucun inconvénient à accepter cette clause. C’est le franchiseur qui a plus à perdre. Et quoi qu’il en soit c’est un système qui œuvre dans l’intérêt des deux parties. Lorsque tout se passe bien, tout le monde est content de repartir pour cinq ou sept ans”, lance-t-elle. Mais pour d’autres, la tacite reconduction n’est pas si simple et ne doit pas faire oublier certaines obligations au franchiseur.
Se réengager
En effet, la tête de réseau ne doit pas oublier quels sont ses devoirs lorsqu’il y a tacite reconduction. C’est pourquoi Rémi de Balmann, associé gérant, cabinet D, M & D et membre du Collège des experts de la FFF, appelle à la méfiance de la part des candidats. “J’ai autour de moi beaucoup de clients qui s’étonnent lorsque que je leur dis que, même en cas de renouvellement tacite du contrat de franchise, il faut délivrer un DIP au franchisé. À partir de là, si le document doit être communiqué une seconde fois, on peut se demander quel est l’intérêt réel de cette clause”. Selon l’avocat, certains franchiseurs ont tendance à imaginer, à travers ce système qu’ils n’auront rien à faire une fois le contrat arrivé à son terme.
En outre, Rémi De Balmann estime qu’il est plutôt sain, après quelques années de collaboration, de se poser la question de se réengager, pour les deux parties. “Cela me semble tout sauf illogique de reconclure un second contrat, insiste-t-il. En outre, ce n’est pas parce qu’on veut éviter de payer de nouveaux droits d’entrée qu’il faut accepter cette clause. Ce n’est pas lié puisque certains réseaux fonctionnent sans tacite reconduction, et ne font pas payer leur franchisé une seconde fois à terme”.
L’avocat ajoute qu’un renouvellement tacite n’implique pas que ce soit le cas et, étant donné que les deux parties peuvent de toute façon mettre un terme au contrat, il n’y voit donc pas un gage de sécurité particulier pour le candidat. “C’est un peu un renouvellement sans qu’il y ait lieu d’y réfléchir finalement. Pour moi, dans une telle collaboration, il est normal de renouveler son engagement et sa confiance, c’est un symbole fort”, estime-t-il
Bien sûr, il concède que la tacite reconduction n’est évidemment pas dangereuse pour les parties et qu’il ne s’agit jamais que d’un mode de reconduction du contrat. “Les modalités valent ce qu’elles valent, mais en ce qui me concerne, je suis convaincu que la plupart des franchiseurs qui ont recourt à la tacite reconduction ignorent qu’ils devront délivrer un DIP. C’est pourquoi nous ne prônons pas particulièrement cette clause”.
Que dit la Cour de cassation ?
– “La société HFS avait manqué à son obligation d’information en ne les avertissant pas, lors des reconductions successives du contrat, du nombre des franchisés qui avaient pu quitter le réseau alors que cette information était selon eux de nature à les convaincre de ne pas renouveler le contrat (…) La cour casse et annuelle la demande en résolution du contrat de sous licence en date du 18 juin 1996 et de ses tacites reconductions des 27 décembre 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005” (chambre commerciale du 1er mars 2011).
– “Ayant constaté l’existence d’un nouveau contrat postérieur au 1er janvier 1991, fût-il la reproduction du contrat initial par tacite reconduction, la cour d’appel a justement retenu que la société Hygiène Diffusion devait se conformer à l’obligation d’information résultant de l’article 1er de la loi n°89-1008 du 31 décembre 1989 pour ce contrat (…) L’arrêt retient que la société Hygiène Diffusion ne conteste pas ne pas avoir délivré d’information précontractuelle à mme X et que cette obligation, pénalement sanctionnée, présente un caractère d’ordre public dont l’inexécution suffit à entraîner la nullité du contrat” (chambre commerciale du 14 janvier 2003).