Devenir franchisé ne passe pas uniquement par la création d’entreprise. Si les candidats n’y pensent pas d’emblée, reprendre une franchise peut être une bonne opportunité. Cela vous permet notamment de vous lancer plus vite et de bénéficier d’une notoriété déjà existante en local. Mais, des précautions sont à prendre.
Lorsque les candidats s’orientent vers la franchise, ils pensent d’emblée à créer leur entreprise. Plus simple de prime abord. Et du côté des enseignes, le discours est bien souvent axé sur le développement, négligeant parfois les opportunités qui peuvent exister au sein des réseaux. En bref, la reprise est bien souvent délaissée par les futurs franchisés. Ce qui est bien dommage car des opportunités existent assurément au sein des réseau.
“La reprise d’entreprise, les candidats n’y pensent pas. Ce n’est clairement pas mis sur le même pied d’égalité pour le porteur de projet qui ira plus naturellement vers la création, estime Olga Romulus, expert-comptable chez Fiducial.
De leurs côtés, les franchiseurs vont être aussi plus facilement axés sur l’occupation de zones libres pour mailler le territoire.” Et bien souvent, la possibilité de reprendre une franchise est étudiée par les candidats dans un second temps, notamment lorsqu’il est impossible pour eux de s’installer sur la zone géographique visée initialement.
“Les candidats s’y orientent un peu par défaut”, constate Olga Romulus. Pour l’ensemble des experts que nous avons interrogés dans le cadre de cet article, les têtes de réseau ont d’ailleurs leur rôle à jouer.
“Nombreuses sont les enseignes à ne pas avoir anticipé les choses, insiste Sylvain Bartolomeu, président et dirigeant associé du cabinet Franchise Management. Du côté de la tête de réseau, il y a en effet plusieurs choses à prévoir : comment le passage de mains entre le franchisé existant et le nouveau franchisé va-t-il se faire ? Est-ce que les choses sont prévues contractuellement ? etc. C’est un sujet qui est de plus en plus fréquent, car les réseaux viennent à se développer.”
On le constate, certaines enseignes ont fait de la reprise un axe essentiel de leur développement. A l’instar de Diet Plus et de L’Onglerie.
“Nous avons 40 ans d’existence, nous avons forcément beaucoup de franchisés qui arrivent à la retraite. Avec donc des opportunités de rachat sur toute la France. C’est d’ailleurs ce qui a freiné notre développement pendant un temps. Car dès qu’une candidate souhaitait nous rejoindre – nos franchisés sont majoritairement des femmes – il y avait forcément une opportunité de reprise sur la zone visée”, détaille Marie Roger, chargée de développement chez L’Onglerie. Chez Diet Plus, une entité est consacrée à la reprise de centres depuis quelques mois. Pour Nicolas Bernard, directeur du développement et de l’animation au sein de l’enseigne, cela était essentiel pour anticiper au mieux les départs de ses franchisés.
“Avant, la reprise de centres on ne s’en préoccupait pas. C’était une erreur car nous avons des franchisés qui veulent partir pour diverses raisons (maladie, retraite, etc.). Et une reprise de centre, c’est beaucoup d’anticipation. Car il faut avoir le bon porteur de projet, au bon moment et au bon endroit. Ce n’est techniquement pas plus long qu’une création mais il faut que toutes les planètes soient alignées”, explique-t-il.
Étude de marché et audit social
On l’a compris, des opportunités de reprise existent dans de nombreux réseaux. Mais avant de se positionner sur un point de vente, il est nécessaire de se poser les bonnes questions et de prendre quelques précautions. Avant de faire une offre tête baissée, il y a un vrai travail à réaliser.
“D’abord, il faut se renseigner sur la cause de la vente, conseille Clémence Casanova, avocat au sein du cabinet Linkea.
Regardez également ce que prévoit le contrat de franchise. Très souvent, il y a un droit de préemption au profit du franchiseur qui pourra, s’il le souhaite, se porter acquéreur. Il y a aussi un droit d’agrément, ce qui signifie que le franchiseur a un droit de regard sur le futur franchisé.” Dans la majorité des cas, ayez en tête que vous ne reprendrez pas le contrat de franchise de l’ancien franchisé et que vous en signerez un nouveau avec la tête de réseau.
“Dans certains cas, l’enseigne peut prévoir un simple avenant au contrat pour le repreneur. Cela signifie que vous serez tenu par le contrat existant. Donc dans cette hypothèse regardez quelle est la durée du contrat pour vous assurer que le temps qui reste vous permettra d’amortir les investissements”, insiste Clémence Casanova.
Aussi, faire une étude de marché, même si l’entreprise a des bilans et donc des données fiables sur lesquelles s’appuyer, peut s’avérer très opportun.
“C’est vraiment un bon réflexe de réaliser une étude marché car des évolutions ou des habitudes de consommation ont peut-être impacté la zone. Par exemple, la concurrence peut clairement avoir évolué et l’étude de marché permettra de le déterminer mais aussi d’appréhender l’avenir”, pointe Olga Romulus. Bien évidemment, effectuer un audit financier avec votre expert-comptable s’avère essentiel et vous permettra de comprendre les performances financières de l’entreprise. Mais aussi de déterminer si le point de vente affiche les ratios mis en avant par l’enseigne.
“C’est cet audit qui permettra de donner la valeur au fonds de commerce, prévient Olga Romulus.
Il n’y a pas que les bilans qui sont intéressants à étudier.” Regardez de près si l’outil de travail – four et frigo sont-ils en état de fonctionnement par exemple – ou si le point de vente est au dernier concept. Si des travaux sont à effectuer, il faudra se mettre d’accord si c’est au cédant ou au repreneur de les assumer. Car lors d’une cession de point de vente, le franchiseur demande bien souvent au repreneur de mettre à niveau le concept.
“Il faut avoir à l’esprit que pour le repreneur, c’est dans son intérêt d’afficher le dernier concept dans son point de vente. Cela peut toutefois représenter un gros investissement et il peut demander au franchiseur un décalage des travaux par exemple”, souligne Emmanuelle Courtet, directrice générale de Progressium.
Il est également important de réaliser un audit social. Car racheter une entreprise implique de reprendre les salariés qui y travaillent. Il est donc important d’avoir accès aux dossiers du personnel pour avoir une vision précise des effectifs. “
Cela vous permet de connaître l’ancienneté des salariés mais aussi s’il y a des collaborateurs absents (temps partiel, maladie, congés parentalité ou maternité, etc.) C’est essentiel pour éviter les mauvaises surprises”, insiste Olga Romulus. Ce volet social n’est à surtout pas négliger. S’il n’y a pas de profils types, avoir une expérience de management et une capacité de fédérer les équipes apparaissent comme des compétences primordiales.
“C’était l’aspect le plus difficile pour moi”, insiste Jérôme Mulot, qui a repris les agences Tryba de Clermont-Ferrand et d’Issoire il y a quatre ans. Pourtant déjà franchisé dans un autre secteur d’activité et donc habitué de manager du personnel, Jérôme Mulot l’assure : en tant que repreneur, il faut faire preuve de pédagogie pour faire comprendre sa vision.
“Les salariés que j’ai repris étaient là depuis 25 ans, avec le même patron. Quand je suis arrivé, forcément il y avait de la méfiance. La problématique a été de faire comprendre que l’on ne pouvait pas rester dans la même dynamique pour faire croître le chiffre d’affaires de l’entreprise. Certains le comprennent, d’autres non. Quand vous créez, vous recrutez des personnes qui sont dans vos valeurs et qui ont votre vision. Donc, il faut l’avouer, cela est plus simple”, confie le franchisé.
Même discours pour Brice Boucher qui a repris deux points de vente Cash Express à Rouen il y a deux ans. Le jeune franchisé, également habitué de la franchise, travaillait jusqu’alors avec son père, lui-même à la tête de plusieurs boutiques Cash Express. “
Sur les points de vente de Rouen, le personnel a représenté un vrai challenge. Nous avons ramé pendant presque deux ans pour remettre tout à plat, confie Brice Boucher
. Quand vous rachetez une entreprise, vous récupérez une équipe avec un mode de fonctionnement qui n’est pas forcément le vôtre. Et il faut parvenir à adapter les équipes à votre façon de fonctionner. Il y a de la pédagogie à adopter pour réussir à faire comprendre que si vous mettez en place des process, il y a des raisons.” Pour Stéphanie Le Goff, qui a repris l’agence Aveo de Metz en septembre 2018, en tant que repreneur, il ne faut pourtant pas tout révolutionner.
“Si j’avais un conseil à donner : ne pas tout casser pour mettre obligatoirement sa patte. Mais vraiment conserver ce qui fonctionne. On a toujours tendance à vouloir obligatoirement changer les choses. Alors que pour rassurer les collaborateurs, conserver ce qui fonctionne rassure énormément.”
Potentiel de développement
L’un des avantages de la reprise d’entreprise reste de vous permettre d’aller plus vite dans le développement de votre affaire. Que cela soit pour convaincre les banques ou vis-à-vis de la clientèle.
“C’est clairement plus simple de démontrer au banquier la rentabilité, l’existence d’un marché, etc. car vous partez de l’existant. Tout cela est rassurant pour les acteurs bancaires, par rapport à une création où l’on ne part que sur des hypothèses. Quand vous présentez des bilans, forcément, c’est concret. Mais cela n’est vrai que si le porteur de projet est de qualité”, pointe Olga Romulus. Quid d’une entreprise qui n’affiche pas de bonnes performances ? Si l’entreprise que vous souhaitez acquérir n’est pas rentable, cela ne veut pas dire pour autant que vous devez abandonner le projet ou passer votre chemin. Il faut avant tout comprendre pourquoi cela va mal. Interrogez-vous sur le concept : est-ce la raison pour laquelle cela ne fonctionne pas ? Est-ce une question d’emplacement ? Ou est-ce le franchisé qui est défaillant ?
“Autant de questions intrinsèques à l’entreprise qu’il faut identifier et y répondre pour expliquer, notamment au banquier, pourquoi avec vous cela ira mieux”, conseille Olga Romulus.
“Il faut surtout évaluer le potentiel de développement. Une entreprise mal gérée vaut moins cher, certes, mais il faut déterminer, grâce aux éléments comptables et juridiques, quel sera son potentiel”, affirme de son côté Emmanuelle Courtet.
Un conseil valable que l’entreprise soit, in fine, rentable ou pas. Car, pour qu’une reprise soit couronnée de succès, elle doit afficher un potentiel de développement et de chiffre d’affaires.
“Il doit y avoir clairement une création de valeur qui est détectée par le repreneur. C’est simple de reprendre une affaire qui fonctionne très bien, mais il faut y apporter de la valeur, confirme Naoual Merhfour, directrice du développement franchise chez Groupe Bertrand, maison-mère des enseignes Hippopotamus, Au Bureau, Léon et Volfoni.
Le schéma de la reprise est notamment opportun pour une personne qui ne vient pas du métier. Car on sait d’où on part et on sait quel sera le challenge à relever.”
Une prise de risque moins importante
Et l’un des avantages mis en avant par nos interlocuteurs reste qu’opter pour une reprise d’entreprise permet d’accélérer son développement.
“C’est un véritable gain de temps pour le repreneur qui, en principe, pourra être immédiatement rentable et se verser un salaire. Car tout le travail de lancement de l’activité a été effectué”, affirme Clémence Casanova. Autre point fort : cela permet de s’installer sur une zone déjà occupée par l’enseigne.
“Pour des gros réseaux, bien matures et en fin de couverture nationale, cela permet au franchisé de signer un contrat sur un territoire qu’il n’aurait pas pu viser en création”, insiste Emmanuelle Courtet. En revanche, il faut avoir les reins un peu plus solides financièrement puisque, selon les experts, cela nécessite entre 15 % et 20 % d’investissement supplémentaire par rapport à une création.
“Cela nécessite donc un apport plus important. Le fonds de commerce à reprendre a forcément une valeur. C’est un aspect qu’il ne faut pas négliger”, estime Sylvain Bartolomeu.
“C’est un point très important, confirme Clémence Casanova.
C’est une solution sécurisante mais qui a un coût.” Un constat partagé par la quasi-totalité Jean-François Martinez, directeur du développement de l’enseigne La Foir’Fouille.
“Acheter un fonds de commerce existant peut être plus cher au départ mais plus intéressant. Car vous achetez une machine déjà en place et bien rodée. La prise de risque est beaucoup moindre. Et aujourd’hui, même si on sécurise au maximum les projets, entreprendre reste toujours un risque”, insiste-t-il. Vous l’aurez compris, la reprise peut être un véritable accélérateur dans votre projet. N’hésitez pas à demander à votre futur franchiseur quelles sont les opportunités au sein de l’enseigne. Et bien évidemment à vous faire accompagner par différents conseils dans tout le processus pour éviter toute déconvenue.