Le secteur du recrutement et de l’intérim reprend du poil de la bête, en même temps que la croissance française. L’occasion de se pencher sur un domaine pour lequel il est conseillé d’être commercial et à l’écoute.
Quand le bâtiment va, tout va”. Cette expression peut tout à fait s’appliquer au marché du recrutement et de l’intérim : quand ce secteur se porte bien, le reste de la France aussi, en matière d’emploi en l’occurrence. Et c’est le cas en ce moment. Véritable indicateur de la reprise économique dans l’intérim, les améliorations, ou dégradations en cas de crise, interviennent 6 à 12 mois avant que les mouvements d’emploi des autres secteurs ne soient perceptibles. “C’est un marché en bonne santé, avec une belle évolution”, confirme Anaïs Matonnier, responsable développement Temporis. Effectivement, les voyants sont au vert depuis quelques années, selon Prism’emploi, organisation professionnelle du secteur.
En 2016 et 2017, les agences d’emploi ont créé successivement 50 000 emplois équivalents temps plein supplémentaires, 130 000 depuis la reprise de 2015. La croissance est positive pour la troisième année consécutive, intervenant après une période de baisse continue, l’intérim retrouvant son niveau d’avant la crise de 2008/2009. L’année 2017 a été particulièrement bonne, à tel point que le chiffre d’affaires global a grimpé de 8,5 %. Sont également concernés les secteurs utilisateurs de l’intérim : transports et logistique (+ 16,2 %), industrie (+ 8,7 %), services (+ 6,2 %), commerce (+ 5,6 %) et BTP (+5,4 %). Quant aux catégories professionnelles, elles ont toutes évolué également, + 7, 5 % pour les employés et + 8,3 % pour les ouvriers non-qualifiés.
Les cadres et professions intermédiaires tirent leur épingle du jeu avec + 12 %. Toutes les régions françaises ont vu leur chiffre de l’emploi intérimaire augmenter, plus particulièrement la Bourgogne-Franche-Comté (+ 14,6 %) et la Bretagne (+ 13,5 %). “C’est un secteur porteur, dans une phase ascendante. Mais nous sommes aussi dépendants des lois qui allègent les charges et influent sur nos marges”, prévient Sophie Thomas, animatrice de réseau chez Inpole.
Sourcing et CDI intérimaire
Si les chiffres de l’intérim fluctuent parallèlement à l’économie, le secteur s’adapte aux besoins des entreprises pour combler leurs compétences manquantes, à la fois sur le court terme mais aussi les moyen et long termes. Les agences d’intérim apportent la flexibilité nécessaire au système économique, aux entreprises, pour réagir aux mouvements des marchés. C’est pour mieux répondre aux exigences des clients que le secteur se structure de deux manières : des spécialisations selon le secteur (hôtellerie-restauration, espaces verts, sport, architecture…), ou bien horizontalement avec des niches (cadre, handicap…). Autre temps, autre outil pour travailler.
L’arrivée d’Internet a changé la manière de trouver des candidats, ce qu’on appelle le sourcing. Le réseau Temporis a développé en interne plusieurs outils : une application pour les candidats et une interface Web pour optimiser le travail des franchisés sur la partie commerciale. “On se rend surtout compte que notre positionnement fortement tourné vers les intérimaires n’a jamais été aussi pertinent qu’aujourd’hui. Sachant que l’enjeu est d’être identifié en tant qu’agence intérimaire et de capter les bons profils. Le numérique nous permet de nous adapter et de créer de nouveaux outils pour fluidifier l‘étape permettant de trouver de nouveaux intérimaires”, explique Anaïs Matonnier. “Le métier s’oriente de plus en plus vers le digital, qui a aussi ses limites. Il ne faut pas oublier le côté humain et rencontrer les gens”, nuance Sophie Thomas.
D’ailleurs, certaines innovations se placent du côté des travailleurs, avec notamment le CDII, le CDI Intérimaire. L’intérimaire est embauché à durée indéterminée par son agence d’intérim. On en compte environ 20 000 en France. Entré en vigueur en 2014, ce nouveau contrat s’est imposé sur le marché du travail comme une alternative permettant de bénéficier de la sécurité d’un CDI mais aussi de formations. Alors que l’entreprise cliente profite toujours d’une certaine flexibilité, la société de travail temporaire rémunère le salarié pendant les périodes creuses, dites d’intermission.
Des franchises heureuses
Forcément, si les chiffres du secteur sont bons, ceux de la franchise le sont également. Même si quelques enseignes ont, entre-temps, décidé de ne plus travailler via ce mode de développement à l’heure où nous écrivons ces lignes, les années 2017 et 2018 ont été de bons crus. Avec 13 unités au compteur, l’enseigne Inpole s’est lancée en franchise en 2015. Les deux premiers contrats de franchisés sont signés, les ouvertures sont prévues pour septembre prochain. “C’est toute la difficulté d’un réseau qui se lance. Il a fallu nous roder au métier de franchiseur, cela nous a pris du temps, explique Sophie Thomas. Notre objectif est d’ouvrir cinq nouvelles agences franchisées par an.” Le réseau Temporis a opéré 16 ouvertures l’année dernière. “Une très bonne année, puisque nous ouvrons en moyenne entre 15 et 20 agences, commente Anaïs Matonnier, et 2018 s’annonce encore meilleure puisque le premier trimestre a aussi été exceptionnel en matière de candidatures, notamment de nouveaux franchisés”.
Chez Temporis, le seuil de rentabilité est atteint à la fin de la première année. Au bout de trois ans, une agence franchisée rejoint le seuil d’une agence d’intérim moyenne en France, avec, à savoir environ 3 millions d’euros de chiffre d’affaires. “Une fois développé, le franchisé peut grandir et devenir un acteur incontournable de l’emploi sur sa zone”, rajoute Anaïs Matonnier.
Local et humain
Se lancer dans le secteur du recrutement et de l’intérim signifie s’implanter localement, dans une ville, un bassin d’emploi ou un département. L’agence devient alors un acteur engagé dans l’économie locale. “Souvent, ils s’installent d’abord dans la ville la plus dynamique puis veulent s’étendre sur un bassin d’emploi secondaire ou une ville plus petite pour capter d’autres profils. Ils ont la liberté de pouvoir appliquer leur propre stratégie”, analyse Anaïs Matonnier. Tisser des liens avec les entreprises locales, identifier leurs besoins et trouver des candidats adéquats sont les bases du métier. “Un directeur d’agence est une personne de territoire et de réseaux”, renchérit l’animatrice du réseau Inpole.
En plus d’être implanté localement, il faut surtout aimer l’humain mais connaître le domaine des ressources humaines n’est pas forcément nécessaire pour se lancer en franchise dans le recrutement et l’intérim. Même s’il faut avoir un bon relationnel, ce sont plutôt des compétences commerciales qui sont demandées, pour justement sortir de son agence et aller démarcher des futurs clients. Et pour recevoir tout ce beau monde, le local est tout de même important. La vitrine doit inviter à entrer et le mobilier doit être chaleureux. Encore mieux, une grande amplitude horaire pourra satisfaire à la fois les candidats et les entreprises. “Ce n’est pas un métier pour tout le monde. Il faut aussi être curieux et savoir vendre. Toute la journée, le dirigeant aiguise sa curiosité, rencontre des intérimaires, identifie leurs besoins en matière d’emploi et fait exactement la même chose pour les entreprises”, révèle Anaïs Matonnier.
Pour Inpole, la difficulté est de trouver des profils bien particuliers car une agence de l’enseigne propose également d’autres services comme des solutions RH, des recrutements en CDI et des formations en management. “Une posture de dirigeant est nécessaire, avec un profil de commercial. Ce sont souvent des directeurs de centres de profits ou des anciens directeurs commerciaux en reconversion. Quelques personnes de la grande distribution qui ont envie de donner du sens à leur métier”, raconte Sophie Thomas. Le sens de l’intérim.