Christian Letienne a fait toute sa carrière chez Quick. Aujourd’hui directeur de la franchise, il nous explique ce qu’il affectionne tant dans ce mode de développement, revient sur quelques étapes de sa carrière et nous livre les ingrédients d’une franchise réussie. Propos recueillis par Innocentia AGBE*.
Quel a été votre parcours avant d’occuper le poste de directeur de la franchise du groupe Quick ?
Quick est mon premier et seul métier. En fait, je suis entré dans l’enseigne en 1984 comme équipier tout en faisant mes études. Ensuite, j’ai gravi les échelons en devenant manager, directeur et directeur régional. Puis en 1999, j’ai intégré la gestion du réseau de franchise, dans un premier temps comme consultant. Chez Quick, il s’agit des animateurs de réseau pour les restaurants en franchise. Suite à cela, j’ai occupé la fonction de directeur adjoint de la franchise avant de prendre le poste que j’ai aujourd’hui, celui de directeur du réseau de franchise.
Vous avez fait des études de biologie. Pourquoi avoir finalement choisi le secteur de la restauration ?
C’est le hasard. En fait, j’ai fait un Deug de biologie, puis l’École française des attachés de presse. En même temps, j’étais équipier chez Quick. Donc quand j’ai raté mon diplôme, j’ai décidé de rester.
Comment s’est faite votre première prise de fonction dans le monde de la franchise ?
En 1999, je pense que j’avais fait le tour du métier de directeur régional. Je me suis donc posé la question de ce que j’allais faire ensuite. Mon challenge a été de partir dans la franchise. Le produit, Quick, m’était déjà très familier, par contre je ne connaissais pas du tout le monde de la franchise. C’est cette découverte qui m’a intéressé. Quand j’ai commencé à bien m’immerger dedans et à comprendre en quoi cela consistait, j’ai su que c’était dans cette voie que je voulais continuer.
Justement, qu’appréciez-vous dans le système de la franchise ?
Ce qui me plaît est que l’on travaille avec des chefs d’entreprises. En tant que patron de réseau, je ne suis pas dans une relation hiérarchique. Je suis dans une relation de chef d’entreprise à chef d’entreprise, basée sur le respect, la confiance. On y fait entrer peu d’affectif mais beaucoup de faits et de constats. Il y a un contrat qui nous lie. Comme dans un contrat de mariage, il y a des hauts et des bas mais il faut le faire vivre. C’est cela qui m’intéresse. C’est un plaisir de discuter avec des chefs d’entreprise, de les amener à ce qu’ils développent au maximum la marque et le chiffre d’affaires de leur unité. En échange, ils m’apportent des idées, du lobbying dans les régions où ils sont et une vision de chef d’entreprise qui est forcément différente de celle que l’on peut avoir au siège. C’est cet échange là qui m’intéresse.
Et dans votre métier plus précisément, quels sont les aspects qui vous plaisent particulièrement ?
Il y a deux pôles dans ce métier. En premier, il y a le management de mon équipe qui quadrille le terrain au quotidien. La deuxième chose extrêmement intéressante est qu’à travers mes différentes missions, je vais du recrutement des franchisés à l’ensemble du cycle. C’est-à-dire que je les recrute, je les mets en formation et je les accompagne. On vit ensemble plusieurs années. Et éventuellement, cela fait partie de mon métier, certains partent à la retraite ou souhaitent changer d’orientation. Donc ma mission va jusqu’à la négociation de sortie avec ces franchisés.
Selon vous, quels sont les ingrédients d’un système de franchise réussi ?
Une franchise qui réussit, c’est d’abord une marque forte. La marque est capitale. Si elle est forte, elle va être capable d’apporter une notoriété, une sécurité et un potentiel de développement client important au futur franchisé. Ensuite, il faut que les contrats soient équilibrés. Il doit y avoir de la confiance et une relation de chef d’entreprise à chef d’entreprise au quotidien avec les franchisés. Le franchisé n’est pas un salarié, ni un numéro. C’est un véritable partenaire qui développe auprès du franchiseur la marque. Donc, cela inclut des notions de respect, de déontologie… On ne doit jamais avoir à ouvrir le contrat de franchise. C’est-à-dire qu’on le signe, et ensuite, 15-12 ans après en fonction des différents types de contrats, on le rouvre pour regarder comment va se passer la sortie. Mais entre ces deux périodes-là, on ne doit pas avoir à l’ouvrir.
Que voulez-vous dire par “on ne doit pas avoir à ouvrir le contrat” ?
On ne doit pas chercher dans un contrat ce que l’on doit faire. Cela doit être intuitif et inné dans la culture d’entreprise.
Pensez-vous qu’il y a des points bien spécifiques à la restauration dans le développement en franchise ?
Oui, il faut que les franchisés soient des restaurateurs, mais pas forcément des professionnels. Il doit s’agir de personnes qui aiment la cuisine et qui ont conscience de ce que cela signifie. Nous avons une grosse responsabilité. On nourrit beaucoup de monde, des enfants, des familles. Et puis les grosses périodes de chiffre d’affaires sont réalisées le samedi soir, le dimanche, les jours fériés. Il faut donc une disponibilité physique et intellectuelle qui sont parfois en décalage avec ce que les autres peuvent vivre.
Où en est Quick en termes de développement et quelles sont les perspectives ?
Après avoir un peu ralenti notre développement pendant dix ans, nous repartons très fortement. Cette année nous prévoyons environ une douzaine d’ouvertures. Nous en aurons également une quinzaine par an les deux prochaines années. Nous avons repris notre rythme de croisière.
Malgré la crise économique et le marasme actuel, nous réalisons une excellente année 2013. Cela nous conforte dans l’idée de continuer à développer très fortement la marque.
En 2011, Quick a été confronté à une affaire d’intoxication alimentaire présumée dans un restaurant à Avignon, qui a été très fortement médiatisée. Comment gère-t-on ces moments d’échos négatifs sur un point de vente ?
Déjà, on ne gère pas cela tout seul. L’entièreté des forces de l’entreprise est tournée sur ce point. Avignon a été une crise médiatique extrêmement grave qui a bien évidemment impacté la globalité du chiffre d’affaires de la chaîne. Nous étions depuis le début persuadés de ne pas être responsables de l’accident qui s’était déroulé. Le procès va avoir lieu dans quelques mois. Tout laisse à penser, en tout cas de notre côté, que vous avions raison dès le départ. En ce qui concerne la gestion, en tant que responsable de la franchise, cela passe tout d’abord par de la communication. S’occuper de rassurer à l’externe, ce n’est pas le travail du directeur de la franchise. C’est celui du marketing et de notre agence de relations publiques. Moi, mon travail est en interne. Ma tâche est d’aller rassurer les franchisés en leur disant que cela va être un peu compliqué pendant quelques semaines, voire quelques mois mais que la marque est forte. Leur rappeler que nous sommes là pour les accompagner. Mon métier est aussi d’aider les entreprises à passer un cap difficile, soit en termes de trésorerie ou de résultats. Je trouve avec eux la meilleure solution. C’est un accompagnement, une réassurance, c’est cela la force d’une franchise. Aucun franchisé n’a quitté le réseau suite à cela. Au contraire, on s’est tous serré les coudes, les franchisés, les succursales et le siège social, et puis nous avons avancé.
Mais comment s’assurer de l’homogénéité des pratiques quand on a un vaste réseau comme celui de Quick ?
C’est un travail au quotidien. Ce n’est pas le plus difficile, mais c’est sûrement le plus fastidieux. Pour commencer, quand un franchisé entre chez nous, il suit un cursus de formation de 7 mois. Ainsi, quand un client lambda va dans un Quick, qu’il soit franchisé ou succursale, que cela soit à Marseille ou à Nantes, il ne s’apercevra pas de la différence. Cette formation s’adresse aussi bien aux franchisés qu’aux encadrants et équipiers qui travaillent avec lui. Le premier point consiste donc en un gros travail de formation et de suivi tout au long de la vie des restaurants. Et puis cela passe aussi par du contrôle. On a une équipe en franchise de 17 personnes sur le terrain. Tous les jours, ils sont dans les restaurants, ils effectuent des contrôles, regardent si les procédures et les normes sont respectées. Ils font du coaching ou de la formation s’il y a un point à travailler.
Après le drame d’Avignon, y a-t-il des mesures particulières qui ont été prises dans la franchise ?
Non, car nous avions déjà ce qu’il fallait. C’est d’ailleurs ce qui fait que l’on sortira la tête haute de cette affaire. Nous avions déjà traversé une crise un peu difficile quelques années avant, qui s’appelait la vache folle. Celle-ci avait permis à Quick, et d’autres marques de la restauration, d’assurer la traçabilité des viandes, de mettre en place de méthodes HACCP et différents points de contrôles dans tous nos restaurants, tous les matins.
Quick en chiffres :
Nature du contrat : franchise et location gérance.
Durée du contrat : 15 ans.
Montant du droit d’entrée : 50 000 euros hors taxes.
Redevances :
• 5 % du CA HT pour la redevance de marque.
• 4,5 % du CA HT pour les frais de publicité nationale.
Unités en France (au 31/08/13) : 380 dont 86 en compagnie et 294 en franchise.
* Interview réalisée le 20 septembre et publiée dans le numéro d'octobre de L'Officiel de la Franchise.