Quand l’information précontractuelle manque de franchise, le préjudice n’est pas à la hauteur du gain espéré. Appâter le franchisé par des comptes prévisionnels trop enthousiastes n’est pas sans risque. La Cour de cassation vient de le rappeler dans une récente décision. Par Fanny Roy, avocat associé, cabinet Piot-Mouny & Roy Avocats.
Les articles L. 330-3 et R. 330-3 du Code de Commerce encadrent l’obligation précontractuelle d’information que doit respecter le franchiseur à l’égard du futur franchisé : la communication de comptes prévisionnels n’est pas prévue par le législateur. Cependant, le franchiseur qui fournit à son futur franchisé des comptes prévisionnels, préalablement à la conclusion du contrat, engage sa responsabilité si ces derniers ne sont pas sérieux. Les juges examinent si le chiffre d’affaires prévisionnel annoncé par le franchiseur comporte un écart non négligeable entre le chiffre d’affaires prévu et celui réalisé.
Prévisionnel chimérique
Dans son arrêt du 25 juin 2013, la Chambre Commerciale de la Cour de cassation considère que la cour d’appel a valablement jugé que le franchisé avait été victime d’un vice du consentement en étant trompé par le prévisionnel qui lui avait été fourni, qualifié d’irréaliste et chimérique.
Pour ce faire, la cour d’appel avait relevé que le chiffre d’affaires prévisionnel annoncé par le franchiseur, s’était révélé deux fois supérieur à celui réalisé par le franchisé, qui même après plusieurs années d’exploitation, n’avait jamais réussi à atteindre le montant annoncé pour la première année.
La Cour avait en outre relevé que le franchiseur ne fournissait aucun exemple de centres franchisés (en l’espèce, des centres de lavage) implantés dans des agglomérations de tailles similaires qui auraient réalisé au cours des années d’exécution du contrat, des chiffres d’affaires comparables aux prévisions annoncées. Le prévisionnel était donc “chimérique”. La Cour de cassation valide par conséquent la caractérisation par la cour d’appel d’un vice du consentement, le franchisé ayant été trompé sur l’élément déterminant dans le calcul des risques pris pour ouvrir le centre.
Quel préjudice ?
Toutefois, dans un arrêt du 31 décembre 2012, la Cour de cassation revient sur l’évaluation du préjudice que peut alors solliciter le franchisé qui invoque une violation par le franchiseur, de son obligation d’information précontractuelle. En effet, la Cour de cassation, juge que le préjudice qui résulte du manquement à cette obligation, est constitué non pas par la perte de chance d’obtenir les gains attendus, mais “la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses”. Cela signifie que les franchisés ne peuvent, pour établir leurs préjudices, calculer le différentiel entre les gains réalisés au titre de leur exploitation et ceux prévus.
Le franchisé à qui l’on a communiqué des chiffres irréalistes ou chimériques, devra alors, pour justifier du préjudice subi, établir les pertes qui auraient pu être évitées en ne contractant pas ou, les sommes perdues du fait de conditions financières contractuelles non avantageuses (royalties moins élevées, droits d’entrée moins élevés, à titre d’exemple).
Il en résulte de plus grandes difficultés d’évaluation du préjudice pour le franchisé mais aussi pour les juges.
En tout état de cause, le préjudice ne pourra être à la hauteur du gain espéré.
(Cour de cassation, 25 juin 2013, n° 12-20815)
(Cour de cassation, 31 janvier 2012, n° 11-10834)
Article publié dans L’Officiel de la Franchise de novembre 2013.