Alors que le gouvernement vient de publier une version définitive du protocole sanitaire en entreprise, différentes fédérations patronales appellent d’ores et déjà l’État à ne pas trop durcir les règles. Le risque de voir la reprise économique, déjà fragile, avoir un peu plus de plomb dans l’aile.
Article réalisé en collaboration avec
Camille Boulate
Selon la couleur épidémiologique du département, des dérogations pourront exister au port du masque obligatoire. En zone verte, les entreprises auront la possibilité de s’abstenir du port du masque mais ces dernières devront disposer d’une
“ventilation/aération fonctionnelle”. Elles devront placer des écrans de protection entre les postes de travail et équiper les salariés de visière. Dans les départements orange, là où la circulation du virus est encore modérée, une autre condition sera exigée : celle de disposer d’un extracteur par le haut dans les locaux de grands volumes. Pour les départements en zone rouge, la condition pour pouvoir déroger au port du masque sera bien plus contraignante. Les entreprises devront être équipées d’une ventilation mécanique tout en garantissant aux salariés un espace de 4 m². Pour les véhicules, la possibilité d’être à plusieurs dans un utilitaire sera conditionnée par le port du masque.
“Le premier document de travail prévoyait la présence d’une seule personne dans un véhicule utilitaire. Nous avions alors jugé cette décision intenable. Surtout pour les artisans qui sont généralement plusieurs, notamment pour décharger du matériel”, précise Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CPME.
Même constat dans les ateliers de production où il sera possible de ne pas porter de masque
si “les conditions de ventilation/aération fonctionnelles sont conformes à la réglementation, que le nombre de personnes présentes dans la zone de travail est limité, que ces personnes respectent la plus grande distance possible entre elles, y compris dans leurs déplacements, et portent une visière”, précise le protocole sanitaire gouvernemental. Pour l’U2P, un certain nombre d’assouplissements devraient être aménageables pour que la reprise économique du pays ne se fasse pas au détriment de la santé des salariés et des chefs d’entreprise.
“Nous avons demandé des dérogations car on ne peut pas juste dire que le port du masque est obligatoire. Il y a certaines situations de travail qui ne sont pas compatibles avec le port du masque. Aussi, dans certains espaces comme les garages où il y a 3 salariés sur 300 mètres carrés, l’utilité du port du masque ne s’impose pas”, note Laurent Munerot, président de l’U2P avant d’ajouter :
“Les dérogations sont assujetties aux différentes couleurs de zone (rouge, orange ou verte), ce qui complexifie fortement les choses. Ce n’est pas forcément très clair pour les chefs d’entreprise de s’y retrouver.”
Bien évidemment, les fédérations patronales craignent de voir ce durcissement sanitaire avoir un impact sur la reprise économique.
“Si nous n’avons pas les compétences sanitaires, nous souhaitons, en revanche, que la reprise économique puisse se faire durablement. On le voit les dérogations évoluent par critère en fonction de la circulation du virus. C’est une bonne chose”, note Jean-Eudes du Mesnil. Plus globalement, la Confédération des commerçants de France reste, de son côté, vigilante :
“Je m’inquiète des mesures qui peuvent renforcer le télétravail en entreprise car la chute des affaires et du commerce s’en font ressentir. Il faut que l’assouplissement soit judicieux et que ces mesures ne soient pas dissuasives auprès des salariés qui ne souhaiteront plus alors vouloir venir au bureau. Il faut bien mesurer les conséquences du télétravail sur la reprise économique”, note Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France. À la CPME, on estime également que
“l’obligation systématique de port du masque dans les espaces clos pour les clients des restaurants, les salles de sport ou les métiers de la parole (conférencier, présentateur, etc), par exemple, risquerait, en pratique, de condamner économiquement ces activités.” Lors de l’université d’été du Medef organisée les 26 et 27 août dernier, le président Geoffroy Roux de Bézieux, évoquant le nouveau protocole sanitaire, avait rappelé que “
tout est préférable au reconfinement” mais en espérant néanmoins que le gouvernement donne
“un peu de souplesse aux entreprises.”
Pour ces fédérations, le gouvernement de Jean Castex doit nécessairement participer au financement de ces mesures sanitaires. On se souvient en effet que la Commission des accidents du travail/maladies professionnelles (CAT-MP) prenait en charge, cela jusqu’à fin juillet, 50 % d’un investissement global de 10 000 euros par entreprise (de moins de 50 salariés).
“Ce dispositif devrait être prolongé aussi longtemps que l’on en aura besoin”, explique Jean-Eudes du Mesnil.
“Lors de notre dernier rendez-vous avec le gouvernement, ce dernier nous a renvoyé la patate chaude en expliquant que c’était à la CAT-MP de prendre en charge ces financements. Nous avons donc inscrit cette demande à l’ordre du jour de la prochaine réunion de la commission. Dans tous les cas, le gouvernement ne s’y opposera pas.”Du côté de l’U2P, il est souhaitable que les chefs d’entreprise bénéficient de subventions, de la part de l’État ou des Carsat (Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail), comme ce fut le cas pendant le confinement.
“Cela avait aidé les employeurs à financer des visières, des masques ou des plexiglass. Cela serait bien de réactiver cette aide. Nous allons formuler officiellement la demande auprès d’Elisabeth Borne”, remarque Laurent Munerot.
Même son de cloche à la Confédération des commerçants de France pour qui il est impératif que le gouvernement participe à ce financement du protocole sanitaire.