Deuxième volet de notre dossier consacré au plan de relance économique présenté jeudi dernier par le gouvernement : les prêts garantis par l’État (PGE) et la fiscalité. Ou comment les fonds propres des entreprises deviennent une des priorités de “France Relance”.
Baptisé “France Relance”, le plan économique du gouvernement devrait mettre 100 milliards d’euros sur la table. Si les TPE/PME font l’objet de toutes les attentions, (25 % du plan leur est destiné),
il s’agit surtout pour le gouvernement de sécuriser les fonds propres des entreprises, un certain mal français. Retour sur ces mesures vues par l’œil critique de plusieurs experts.
“Ce plan de financement va dans le bon sens car il pallie le manque de ressources financières des TPE/PME et les difficultés d’accès au crédit. Son ampleur nationale permettra aux entreprises de desserrer une contrainte bancaire forte, leurs demandes de crédits n’étant pas toujours acceptées. Via les fonds d’investissement publics ou privés, les TPE /PME augmenteront leur surface financière (leurs fonds propres) et bénéficieront d’un effet de levier auprès des banques pour les investissements qu’elles souhaitent faire. Le plan de relance repose également sur les prêts participatifs, des instruments pour lesquels l’État apporte une garantie aux établissements de crédits”, note Frédéric Destal, associé chez De Gaulle Fleurance & Associés.
De son côté, Simon Francon, expert-comptable, dirigeant et associé chez In Extenso Valence tempère cet enthousiasme :
“Nous restons un peu sur notre faim sur les annonces relatives au renforcement des fonds propres des entreprises. La création de fonds d’investissement semble une bonne chose. L’objectif de 10 à 20 milliards d’euros de prêts participatifs qui pourraient être accordés aux entreprises semble également élevé mais cela ne sera pas suffisant. Je crains d’abord que cette mesure bénéficie principalement aux PME et ETI structurées (à compter de 3 à 5 millions d’euros de CA), moins aux TPE”, note ce dernier avant d’ajouter :
“J’estime ensuite qu’environ la moitié des entreprises ne pourront pas rembourser leur PGE sur une durée de 5 ans. Si ces prêts ont permis de renforcer la trésorerie des entreprises, ils ne permettent pas contrairement à un prêt classique, de créer de la valeur permettant son remboursement. On aurait aimé entendre qu’un étalement sur 10 ans de ces PGE (et des différents différés de paiement Urssaf par exemple) soit plus systématique.” Au sein de Sadec-Akelys Lyon, bureau d’expert-comptable/commissaire aux comptes, on attend de juger sur pièce :
“Les mesures d’accompagnement directement liées à la sortie de la crise sanitaire liée au Covid-19, notamment celles des PGE, sont proposées mais restent, dans cette phase de présentation, peu précises. Mais la possibilité de convertir les prêts garantis en prêts participatifs pourra être une solution efficace pour limiter la fragilité financière de l’entreprise et même pour consolider leurs fonds propres”, précise Jacques Maureau, directeur du bureau.
Jacques Creyssel, directeur général de la Fédération du Commerce et de la distribution (FCD), déplore le fait que le secteur des services n’ait pas été au cœur des préoccupations du gouvernement. Un plan de relance volontairement orienté vers sa fiscalité sur les secteurs primaires et secondaires : la baisse des impôts de production, CVAE en tête [cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises] en est la parfaite illustration.
“On aurait souhaité qu’il soit orienté un peu plus vers les commerces, qui sont concernés indirectement. Les impôts comme la tascom (taxe sur les surfaces commerciales) et qui posent des problèmes de compétitivité des commerces n’ont pas été évoqués. Nous aurions aimé que cela le soit.” Un constat partagé par Simon Francon :
“Pour que la relance de l’économie soit effective, nous avons besoin d’entrepreneurs qui investissent et de consommateurs qui consomment. Les ménages français ayant épargné quelques 100 milliards d’euros depuis le 15 mars, quelques mesures incitatives, telles que la baisse de TVA dans certains secteurs, auraient sans doute été bienvenues.”
Pour plusieurs experts, la TVA a donc été la grande oubliée de ce plan de relance économique.
“Seule une véritable réforme de la fiscalité des entreprises et de la politique de l’emploi aurait été en mesure de les aider ; la baisse de la TVA notamment aurait permis de relancer la consommation et ainsi l’économie de proximité (cumulable d’ailleurs avec une fiscalité des foyers incitative). Même si elles sont citées dans la présentation de ce plan de relance, les TPE semblent quelque peu oubliées. En effet, les mesures proposées n’auront finalement que peu d’incidence sur leur rentabilité directe et ne les aideront pas franchement à se sortir des difficultés qu’elles rencontrent déjà ou qu’elles vont rencontrer à plus ou moins court terme”, poursuit Jacques Maureau.
Article réalisé en collaboration avec Camille Boulate.