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Parcours clients : prêts pour de nouvelles expériences ?

Challengés par le développement inexorable du e-commerce et les comportements cross-canal des consommateurs, les points de vente font feu de tout bois pour imaginer de nouveaux parcours clients placés sous le sceau de la créativité et de l’innovation.

L’équation est simple… “Dans la distribution spécialisée, 80 % des clients se renseignent d’abord sur Internet avant d’aller en magasin, rappelle Frank Rosenthal, consultant expert en marketing du commerce. Et comme le e-commerce a lui aussi repris à son compte le triptyque, choix, prix et services, les points de vente doivent impérativement se réinventer afin de proposer une expérience que les sites Internet ne pourront jamais offrir.” Pour inciter les clients à franchir les portes de leurs magasins, les enseignes imaginent de nouvelles scénographies. Des parcours qui commencent toujours en vitrines, avec deux grandes tendances qui se côtoient. “Vous avez des enseignes qui misent sur la transparence afin de gommer la frontière entre intérieur et extérieur, l’objectif étant que le magasin s’intègre parfaitement à l’espace public, observe Monique Large, consultante en innovation chez Pollen Consulting. L’exemple le plus emblématique est l’Apple Store de Chicago qui, avec son design tout en verre, offre une vue extraordinaire sur la Chicago River.” D’autres misent sur le contenu. C’est le cas de Nature & Découvertes dans ses 95 magasins implantés en France, en Allemagne et au Benelux. “Nos boutiques ayant vocation à vivre au même rythme que nos clients, nos vitrines sont habillées avec des mises en avant mensuelles qui peuvent être thématiques ou de pure découverte”, confie David Lachaud, directeur général adjoint de Nature & Découvertes.

Limiter le temps passif

Une fois l’entrée passée, la construction du parcours client doit viser à limiter autant que faire se peut le temps passif : la recherche d’un rayon, l’attente en caisse… “Pendant longtemps, c’est le croisement entre le taux de pénétration des différentes catégories, le chiffre d’affaires généré et la rentabilité qui déterminait le cheminement à travers les différentes catégories, rappelle Frank Rozenthal. Mais si vous ne raisonnez que sur ces trois critères, vous oubliez la logique du client qui, en fonction de son temps disponible ou de son besoin, veut pouvoir déterminer son propre cheminement sans être contraint par un parcours imposé ou un vendeur trop pressant.” La plupart des nouveaux parcours clients jouent désormais la carte de la segmentation des flux. “Dans notre nouveau flagship de la Porte de la Villette à Paris, qui est pensé comme un atelier, nous proposons désormais des parcours rapides aux clients ’produits’, qui viennent simplement chercher un robinet ou un accessoire, confie François Rollet, directeur général de Lapeyre Distribution qui fédère 126 magasins en France, et qui a entamé en 2017 une démarche de repositionnement global de sa marque avec une nouvelle signature : ‘Le savoir bien faire’. N’étant pas une enseigne de libre-service, ces clients doivent se diriger vers les comptoirs de vente installés dans les différents univers où un conseiller finalisera leur achat. Et après avoir réglé en caisse, ils n’ont plus qu’à aller chercher leur produit au point de retrait des marchandises.” Pour les clients dits à “projet”, l’enseigne a aménagé une matériauthèque et des tables de projets où ils peuvent effectuer des simulations sur plan, échanger avec un expert sur le choix des produits, des matériaux et des finitions… Pour les inspirer, des cuisines, salles de bains et menuiseries sont mises en ambiance tout au long du parcours. Cette segmentation entre projet et produit est déclinée tout au long du cheminement. La menuiserie et tout ce qui est utilitaire sont positionnés à gauche de l’allée centrale. Les produits à plus fort contenu émotionnel comme la salle de bains ou la cuisine, sont, eux, exposés à droite.
“La plupart des nouveaux parcours clients jouent désormais la carte de la segmentation des flux”

De vrais lieux de vie

Autre nouvelle tendance : l’hybridation de l’offre et des usages est en train de s’inviter dans les parcours clients. “Le Super Brand Mall à Pudong (en Chine), juste en face de la Pearl Tower, me paraît un bon exemple de cette mixité qui va permettre aux points de vente de devenir de vrais lieux de vie, ajoute le designer Hubert de Malherbe. Dans un seul et même espace, les clients disposent d’une salle de gym, d’une librairie et de nombreux restaurants. Vous pouvez donc, après avoir fait votre sport, déjeuner avec un copain puis aller acheter le dernier roman salué par la critique.”
L’entrée, un moment clé “L’entrée est le seul point de passage obligé pour tous les clients sur un point de vente, lance le consultant Frank Rosenthal. Elle doit donc être traitée comme le prime time sur TF1, avec une offre en phase avec le moment, au bon prix, et qui s’adresse à un large public.” Pour Hélène Lafourcade, présidente de l’agence en global merchandising Good2know, “une entrée réussie repose sur l’outpost, la table où sont exposés des promotions, des idées cadeaux, des produits en phase avec le calendrier commercial…” C’est aussi là que se joue la qualité de l’accueil. “Il est aujourd’hui essentiel de bien accueillir les clients, rappelle Frank Rosenthal. S’ils ont le sentiment de ne pas être pris en compte, ils se diront : ‘j’aurais mieux fait d’acheter sur Internet’.” Une enseigne comme Nature & Découvertes a très bien compris ce nouvel enjeu. “Pendant longtemps, nous n’avions pas de procédures particulières pour accueillir nos clients, confie David Lachaud, le directeur général adjoint. Aujourd’hui, lorsqu’une personne pénètre dans un magasin, il y a toujours quelqu’un pour la saluer et lui demander si elle a besoin de quelque chose.”
Les parcours mobilisent de plus en plus les sens. “En général, les enseignes qui investissent dans le marketing olfactif diffusent autour de l’entrée une senteur qui incarne les valeurs et l’univers de la marque, souligne Pascal Charlier, directeur général de ScentAir France. Le groupe Mariott diffuse par exemple dans tous ses hôtels à travers le monde la même signature olfactive.” Pionnier en la matière, Nature & Découvertes concocte toujours pour ses clients une expérience sensorielle qui fait encore référence. “Nous diffusons à l’entrée de nos magasins des huiles essentielles avec des senteurs qui évoluent au fil des saisons : des agrumes en été, du cèdre en hiver…, rappelle David Lachaud. Une musique douce ou entraînante accompagne le client sur l’ensemble du point de vente, des sons naturels – le bruit de la mer pour le voyage, des chants d’oiseaux pour l’outdoor -, étant diffusés autour des tables de présentation déployées dans chaque univers.” Cet investissement dans le marketing sensoriel peut parfois déboucher sur de belles surprises. “Billabong, la marque de surfware nous a demandé de plancher sur une senteur qui transporte les clients en vacances sur une plage ensoleillée…, raconte Pierre Vialle, directeur commercial de Mood Media, une agence spécialisée dans le marketing sensoriel en point de vente. Nous avons donc conçu avec notre partenaire expert en olfactif une fragrance à base de monoï et de coco qui est diffusée dans toutes les boutiques du réseau. Cela a été un tel succès, que la marque a décidé de commercialiser des bâtonnets imprégnés avec cette senteur, et elle réfléchit actuellement au lancement éventuel d’un parfum.”
Nature & Découvertes ponctue le parcours de ses clients en l’agrémentant d’une expérience sensorielle qui fait encore référence.

En quête de nouvelles expériences

La fin du paiement en caisses ? Avec ses supermarchés sans caisse Amazon Go, Amazon est en train de déployer aux États-Unis une solution qui pourrait bien régler une bonne fois pour toutes le problème de l’attente et du paiement en magasin. “Les clients n’ont qu’à scanner l’application Amazon Go sur l’un des portiques installés à l’entrée, explique le designer Hubert de Malherbe. Des centaines de caméras placées un peu partout se chargent d’identifier les produits saisis par le client pour les mettre automatiquement dans un panier virtuel. Celui-ci peut ressortir du magasin sans passer par la caisse puisqu’il est facturé et prélevé en repassant devant les portiques.”
Les réseaux rivalisent aussi d’imagination pour que le parcours client se transforme en véritable expérience. “Avec NikeID, Nike a investi dans la personnalisation en permettant à ses clients de composer leur propre modèle de chaussures à partir d’un écran”, rappelle Philippe de Mareilhac, directeur général de l’agence de design Market Value. D’autres permettent de tester les produits. “C’est le cas de la chaîne de sport chinoise Li-Ning, souligne Hubert de Malherbe. Dans ses magasins, les clients peuvent taper dans un ballon ou essayer les chaussures de running sur un tapis.” Dans le monde de la cosmétique, la grande tendance du moment, c’est le Do It Yourself (DIY). Dans son flahgship à Saint-Germain-des-Prés à Paris, Aroma-Zone propose, dès l’entrée de la boutique, un espace cosmétique où les clients peuvent puiser parmi une vingtaine de bases neutres pour composer à la maison leur propre savon ou crème visage. “L’enseigne a également aménagé au cœur du magasin un atelier où les clients peuvent suivre des sessions de formation délivrées par des experts”, complète Philippe de Mareilhac.
Lapeyre segmente désormais les flux entre les clients “produits” et les clients “projets”.
  Le digital s’invite aussi de plus en plus pour améliorer l’expérience en magasin. La marque de lingerie Undiz propose dans sa boutique Undiz-Etam des Champs-Élysées un dispositif qui produit toujours son effet auprès des clientes. “Celles-ci peuvent commander le maillot de bain qui les intéresse sur une borne digitale qui référence l’intégralité des produits en stock dans le magasin, des étiquettes RFID permettant de connaître en temps réel la disponibilité de chaque référence, explique Pierre Vialle. L’équipe en réserve se charge d’envoyer le produit concerné à la cliente dans une capsule à travers un tube à air comprimé.” Cerise sur le gâteau, lorsque cette dernière entre dans une cabine pour l’essayer, s’affichent sur l’écran tactile des suggestions : un accessoire, le même maillot, mais dans une autre taille ou dans une autre couleur… La vendeuse se chargeant de les amener en cabine si la cliente en fait la demande en cliquant sur l’écran. Le numérique est enfin appelé en renfort pour réduire les irritants d’un parcours client que sont l’attente et le paiement. “Dans ce domaine, en Europe, nous en sommes encore à l’âge de pierre avec nos cartes à puce, observe Hubert de Malherbe. En Asie, la question du paiement n’est déjà plus un sujet car tous les clients payent avec leurs smartphones via des applications comme Wechat ou Alipay.” En Europe, les premières expérimentations se limitent le plus souvent à de l’encaissement mobile. Celui-ci est en cours de déploiement chez Nature & Découvertes. “Aujourd’hui, nous avons dans chacun de nos magasins deux ou trois vendeurs dotés d’un iPod avec un terminal de paiement, confie David Lachaud. Ils peuvent ainsi procéder à l’encaissement une fois la vente finalisée. D’ici deux ans, tous les vendeurs seront équipés de ce dispositif très apprécié des clients.”
Le concept Undiz Machine, déjà testé à Toulouse, a été déployé dans le Popstore Etam-Undiz des Champs-Elysées.
  Encore plus innovant, les hologrammes en réalité augmentée commencent à s’inviter. La Start-Up Holooh et le directeur artistique Ezra Petronio viennent d’effectuer une opération qui a fait le buzz dans les 120 boutiques Zara à travers le monde au moment du lancement de la nouvelle collection Studio SS18. “Les passants qui téléchargeaient l’application conçue pour l’occasion pouvaient voir, sur l’écran de leur smartphone, des mannequins en réalité virtuelle défiler devant eux, dans la vitrine ou dans l’entrée du magasin”, explique Aymeric Delaroche-Vernet, président d’Holooh. Lapeyre étudie aussi cette technologie. “Le fait de pouvoir projeter le client en réalité augmentée dans sa future cuisine ou salle de bains nous intéresse, confie François Rollet. Nous en sommes encore au stade de la réflexion, mais la mise en production devrait intervenir assez rapidement, dans les 18 mois.”
De toutes les tailles… “On observe depuis quelques années chez certaines enseignes une volonté de se positionner sur de nouveaux univers, comme Leroy Merlin l’a fait avec l’équipement pour la maison et la décoration, note le consultant Frank Rosenthal. Cette tendance alimente une course à l’augmentation de la taille des magasins.” “Mais vous avez aussi des enseignes qui réduisent leurs surfaces de vente pour économiser sur les loyers ou pour s’installer en centre-ville. C’est le cas de Boulanger, Décathlon ou Ikea…”, observe Philippe de Mareilhac de Market Value. De son côté, Nature & Découvertes reste à l’affût de toutes les opportunités pour continuer à se développer. “Nous ne nous interdisons pas d’ouvrir des magasins plus grands, pour offrir encore plus d’expériences à nos clients, assure David Lachaud. Mais nous pouvons aussi investir dans des surfaces de vente plus petites afin de présenter une offre plus resserrée.”
 

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