Réputé cher en loyer, le centre commercial n’a pas forcément la cote auprès des franchisés, mais rapporté à sa fréquentation élevée, ne serait-ce pas la meilleure rentabilité ? Et puis, tous les centres commerciaux n’ont pas le même potentiel ni le même coût locatif : à étudier et comparer avant toute prise de décision. Par Denis Caminade, Directeur des Stratégies d’Agence Shops.
Des chiffres comparables ou pas ?
Les records de rendement au m2 se partagent entre les implantations en hyper centre-ville, les galeries marchandes des gares et des centres commerciaux d’envergure régionale. Il n’y a donc pas de vérité absolue départageant ces typologies de lieux de commerces, et dans les 3 cas les coûts locatifs sont très élevés : l’emplacement n°1 en hyper centre d’une métropole nécessite un lourd apport en droit au bail, et celui en grande gare tutoie les sommets de loyer, mais les niveaux de vente peuvent être également himalayens (> 10 000 euros / m2). Étant donné l’investissement de départ et les loyers hauts, peu de chances donc que vous choisissiez ces emplacements premium très recherchés, mais cette montée de l’investissement dans un lieu pour générer un maximum de vente pose la bonne question : quelle est la meilleure formule pour votre future installation d’une franchise ?
Des ventes à l’impulsion ou réfléchies ?
Une première réflexion renvoie à l’activité envisagée : nécessite-t-elle un bon ou un très bon emplacement – le cas pour une enseigne de mode, beauté, alimentation, et pour tous les achats d’impulsion – ou est-elle si recherchée – par exemple pour une activité très spécialisée, les achats réfléchis – qu’un emplacement même caché, en cour ou en étage peut faire l’affaire ? C’est le premier critère à renseigner : dans le cas d’une activité dépendante du passage, le cas de la plupart des commerces, la question de s’implanter en centre-ville/quartier ou en centre commercial se pose. Dans les autres cas, il faudra compenser la discrétion de l’implantation par une communication massive et régulière pour être identifiée et parfaitement localisée.
Un concept magasin de centre commercial ou de centre-ville ?Dans les 2 cas, la concurrence sera présente, mais dans le cas d’un grand centre régional, elle peut être multipliée : avec un total de 100 à 300 boutiques, la bataille est rude, même si la fréquentation est là et la visite orientée shopping (plus de 80 % d’achat). L’attractivité de l’enseigne mérite donc d’être étudiée à ce stade. Si nombre d’enseignes fonctionnent très bien en centre commercial, d’autres ne s’y frotteront pas : conçues pour s’épanouir dans des centres de petites villes, elles supportent mal la concurrence frontale des hauts lieux du commerce et visent une autre typologie de clientèle, souvent plus « classique ».
Un beau centre shopping & loisirs ou un vieux centre commercial ?Autre difficulté : tous les centres commerciaux ne se ressemblent pas ! Entre le petit centre de quartier ou le retail parc périphérique regroupant une dizaine de boutiques, ceux plus importants pouvant proposer une trentaine ou une cinquantaine de magasins en centre-ville ou en périphérie, et les centres hors normes comme Beaugrenelle ou Westfield les Quatre-Temps, il y a des mondes et aussi plus ou moins de monde…et les loyers seront en général à la mesure de leur fréquentation. De plus, il y a des purs centres commerciaux (concept traditionnel de l’hyper avec ses boutiques autour) et des nouveaux centres shopping, des vrais centres de vie, avec un cadre exceptionnel et beaucoup de loisirs (jusqu’à un mini-parc comme le nouveau centre Eden à Servon) et un pôle restauration développé (parfois une vingtaine de restaurants proposés). La dynamique créée n’est forcément pas la même : il faudra donc évaluer le potentiel du lieu dans le temps (existe-t-il des projets concurrents à venir ?) et son évolution prévisible.
Des conditions favorables ou peu encourageantes ?Il y a donc une étude approfondie à mener prenant en compte la dynamique d’attraction du lieu, la concurrence sectorielle sur place, l’image du centre, sa typologie de fréquentation, son nombre de visiteurs et son évolution récente, ses zones de passage (n’oubliez pas qu’il y a des points chauds et des points froids dans une galerie) et bien sûr ses conditions de location : droit au bail (rare), loyer (toujours), charges, participation aux dépenses marketing et communication du centre (selon les cas), prise en charge d’une partie de l’aménagement (surtout pour des locomotives, des pop-up ou des concept stores) sous forme de remise de loyer, signalisation de l’enseigne…
Un impact financier trop lourd ou envisageable ?
L’obsession du plus bas prix s’avère rarement être la clé du meilleur raisonnement économique : si un loyer 2 fois moins cher génère 3 fois moins de clients, il est clair qu’il faut privilégier le loyer 2 fois plus élevé pour obtenir 3 fois plus de clients et de ventes. Et le raisonnement tient même pour un loyer 2 fois plus cher mais qui rapporterait 2 fois plus de ventes (voire moins de 2 fois) : en effet, compte-tenu des coûts incompressibles d’activité, à commencer par le personnel mais aussi l’aménagement et l’entretien du lieu, sa gestion, sa communication, le raisonnement doit toujours être tenu à la marge. Passé le point mort, le magasin dégage quasiment 100 % de la marge et le coût locatif devient secondaire : la rentabilité peut ainsi être multipliée une fois passée ce pallier. 2 autres éléments à prendre en compte : il n’y a pas de droit au bail en centre commercial (contrairement à certains emplacements en centre-ville) mais les loyers sont plus élevés qu’en bas d’immeuble ; plus le centre commercial est important, plus en général sa fréquentation est élevée et plus le loyer est élevé.
Le ratio de 10 % du CA est généralement avancé comme plafond du coût locatif : une étude des ventes prévisionnelles réalisée par un cabinet d’études spécialisée est ici des plus recommandées pour éviter de raisonner sur des suppositions et hypothèses qui s’avèreront souvent trop approximatives. L’analyse des chiffres de la chaîne selon les implantations des magasins devraient également vous renseigner – non pas sur votre potentiel local qui réclame une étude spécifique, mais – sur le potentiel général de l’enseigne que vous souhaitez ouvrir : est-elle souvent implantée en centres commerciaux, dans des gros centres modernes, des petits, y réalise-t-elle des ventes très supérieures à celles des centres-villes ? Ces magasins comptent-ils parmi les plus rentables du réseau ?… En fonction du potentiel de chiffre d’affaires réalisable, vous pourrez opter pour une formule en bas d’immeuble ou en centre commercial et minimiser votre prise de risque. De plus, vous pourrez vous servir de cette étude pour trouver plus facilement des financements à votre projet.
Une décision en fonction des opportunités
Un très bon emplacement à un prix raisonnable ne se refuse pas, mais encore faut-il trouver le local à louer, et bien connaître les conditions du marché. Au-delà de l’emplacement, le local lui-même peut faire la différence : certains vieux magasins une fois remis au goût du jour peuvent avoir un charme fou qui attire magnétiquement la clientèle, d’autres magasins ultra-design peuvent venir toucher avec force les jeunes actifs, et à l’inverse certains lieux auront du mal à dégager une belle ambiance, celle qui donne envie de s’y rendre et d’y flâner. Trouver la bonne affaire correspondant à l’ambiance de votre projet marquera la première étape de la réussite. Bonne recherche !
Qui est l’auteur ?
Denis Caminade est Directeur des Stratégies d’Agence SHOPS. Expert en stratégie de communication (Y&R, Venise, Publicis…), diplômé ESC Reims et Sciences Po Paris, professeur au CELSA, il a conseillé plus de 200 sociétés, dont de nombreuses chaînes de magasins et une trentaine de centres commerciaux.