Le chiffre d’affaires des enseignes d’optique a reculé de -10,4 % en raison de la crise sanitaire (pour s’établir à 6,5 milliards d’euros en 2020, soit le niveau de 2015), selon le cabinet Xerfi Precepta. Et si elles ne retrouveront pas leur niveau d’avant-crise d’ici 2023, ces enseignes ne ménagent pas leurs efforts pour s’adapter aux exigences des Français en matière de santé visuelle.
Crise sanitaire, augmentation du temps passé sur les écrans : force est de constater que les enseignes d’optique sont devenues essentielles et sur-sollicitées. Pour rester agiles, elles doivent repenser leur modèle de distribution, se développer sur le digital ou encore regrouper les expertises optique et audio pour satisfaire les exigences. C’est le cas notamment du Groupement Optic 2000 qui accélère sur la prise de rendez-vous en magasin (avec plus de 80 000 rendez-vous enregistrés par mois), comme sur le digital. “Nous comptabilisons 100 000 essayages mensuels grâce à l’offre d’essayage virtuel. Un tel système évite, par exemple, le déplacement des personnes âgées“, souligne Benoît Jaubert, directeur général du Groupement Optic 2000 (CA 2021 : 1,01 milliard d’euros). Illustrant la bonne santé du secteur, il avance par ailleurs, pour les enseignes Optic 2000 (1 153 magasins) et Lissac (240 magasins dont 22 succursales), une croissance de 6 % versus 2019. Gadol (219 magasins), Audio 2000 (218 centres dont 12 succursales) et Optic Swiss Services (99 magasins) complètent le groupement. Soit autant de marques prêtes à bénéficier du dynamisme de l’optique et de l’audio, poussé par de nouvelles habitudes de consommation. En effet, le directeur général est persuadé de “l’essor de l’optique à domicile pour les trois à cinq ans à venir. Ce qui devrait représenter 5 à 10 % du chiffre d’affaires au cours des prochaines années.“ En 2021, par exemple, 965 magasins Optic 2000 proposaient déjà Optic 2000 à Domicile, un service innovant et digital permettant à la marque d’être encore plus proche de sa clientèle.
De plus en plus, les enseignes cherchent aussi à regrouper l’optique et l’audio en magasin. Cela permet entre autres, à la demande du marché et à l’instauration début 2021 d’offres d’aides auditives sans reste à charge dans le cadre du 100 % Santé, de contribuer à la hausse des ventes. Xerfi Precepta fait en effet état d’une croissance de 40 % en début d’année en comparaison à 2020. Benjamin Tzafa, fondateur du réseau d’opticiens indépendants Optical Factory, peut témoigner de cette dynamique. Disposant de trois magasins d’optique en région parisienne, il envisage de lancer Audio Factory.
“Il s’agira d’un espace pour le son, pouvant être installé sous forme de corner chez les opticiens ou bien en centre exclusif, affirme-t-il. Des travaux sont d’ailleurs prévus pour ouvrir prochainement un corner audio à Paris. Quant aux magasins entièrement dédiés à l’audio, nous ne les ouvrirons que si le lieu s’y prête : inutile d’être trop près d’un point de vente similaire.“
Groupement Optic 2000 joue également la carte du double savoir-faire. “Lissac propose aussi de l’audio, rappelle Benoît Jaubert. L’idée est de faire cohabiter, sous un même toit, deux expertises, sachant que, pour l’audio, la majorité de nos points de vente sont en franchise, en rachats et en succursales.“ Enfin, pour une meilleure complémentarité des offres, Optic 2000 cherche à séduire sa clientèle avec la création d’un atelier sur-mesure. Cette initiative s’accompagne d’un grand projet : “Nous voulons réinventer le magasin de Rivoli, à Paris. Il deviendra une vitrine de l’expertise en basse vision, à la manière d’un flagship qui pourra inspirer d’autres magasins sur le maillage territorial“, indique Benoît Jaubert.
Innovation et écoconception pour faire décoller les ventes
Entre diversification des services et multi-expertises, l’heure est donc à l’innovation… et à l’écoconception. De manière générale, la tendance est au made in France et à une juste utilisation des ressources : le secteur de l’optique ne fait pas exception. “Nous mettons un point d’honneur à privilégier des labels comme Origine France Garantie en vendant, en propre, des montures écoresponsables et des verres fabriqués en France. C’est le cas par exemple du modèle Sea2See, distribué dans les magasins du réseau Optic 2000. Il est conçu à base de déchets marins et de filets de pêche recyclés, précise Benoît Jaubert. Quant à l’enseigne Lissac, elle innove en proposant un service de fabrication de lunettes en bois, sur-mesure.“
Chez Optical Factory, les lunettes ont perdu de leur aspect prothèse pour devenir un accessoire de mode à part entière. Conçues par des créateurs, vendues en licence de marque, elles répondent aussi bien à des problématiques médicales qu’à des désirs de style. “Matsuda, Cutler and Gross ou encore la marque française Lesca sont des noms très recherchés car difficiles à trouver“, souligne Benjamin Tzafa. Son autre grand projet ? Favoriser l’accès à tous à la santé visuelle autour d’une démarche solidaire : une collecte de montures usagées pour en faire bénéficier les personnes dans le besoin. L’initiative est réalisée en partenariat avec plusieurs associations telles que Vision France, Medico Lyons Club de France ou encore Idee Madagascar. De son côté, Krys Groupe veut aussi contribuer à chouchouter le porte-monnaie des Français.
“Il ne doit pas y avoir de compromis sur la santé visuelle des Français, insiste Jean-Romain Dupont, directeur développement, agencement et international pour le groupe. C’est pourquoi les verres personnalisés Signature Krys ont un prix unique, quelle que soit la correction. Ce qui permet d’améliorer la transparence des prix et d’aller dans le sens du pouvoir d’achat.“
Reste que le secteur est ultra-concurrentiel. Alors pour innover, il faut s’avoir s’entourer des bonnes équipes et des bons partenaires et, surtout, étendre sa visibilité en maillant le territoire. “Nous finirons, en décembre 2022, avec plus de 2000 points de vente, annonce Benoît Jaubert, du Groupement Optic 2000. 230 postes sont à pourvoir dans les magasins actuels et au sein de ceux qui ouvriront. Nous sommes aussi très attachés à la culture de la marque employeur et de la marque entrepreneur auprès des franchisés et des associés de coopérative. Ils pourront, à terme, devenir leur propre patron.“ Il se dit par ailleurs “confiant dans le développement du Groupement Optic 2000 et dans ses parts de marché, en augmentation sur les trois prochaines années.“
Optical Factory, dont les objectifs ont été freinés par la crise (à savoir ouvrir 50 magasins en cinq ans), ambitionne de son côté d’ouvrir prochainement en Bretagne, à Reims, Annecy, Beauvais, Toulouse, Lyon et Bordeaux, Grenoble et Rouen. Mais aux côtés de candidats issus du paramédical et attentifs à la relation-client : “Si vous n’inspirez pas une atmosphère chaleureuse aux clients, vous ne serez pas un bon retailer“, assure Benjamin Tzafa.
En parallèle, de grands groupes sont passés à la vitesse supérieure, tant pour produire en propre que pour recruter en nombre. C’est le cas de Krys Groupe qui compte sur son usine de fabrication de verres dans les Yvelines pour produire 400 000 verres supplémentaires par an. De même, Essilor, filiale du groupe EssilorLuxottica, implantera d’ici 2024 son site industriel à Wissous, en Essonne. Soit un futur bâtiment de plus de 16 000 m2.
Vigilance et opacité
Quant à l’enseigne Afflelou (785 magasins en optique, 330 en audio), elle consolide ses bases et ses ventes, satisfaisantes sur les offres Magic, Tchin Tchin et les verres en polycarbonate pour enfants (nés il y a vingt ans, ils sont un classique de la maison). Elle mène, toutefois, une réflexion sur le rôle de l’opticien.
“L’expérience vécue à travers le prisme de nos franchisés nous a fait examiner nos implantations. Durant la crise, les plus gros centres commerciaux étaient fermés, soit 130 de nos magasins, alors qu’ils génèrent d’importants chiffres d’affaires, témoigne Laurent Afflelou, directeur du développement chez Alain Afflelou Opticien et Acousticien. Dans certaines villes où nous ne sommes situés qu’en centre commercial, nous n’avions aucun magasin à proposer à nos clients. Nos concurrents situés à l’extérieur des galeries avaient, eux, l’autorisation d’ouvrir. Il y a eu une distorsion de concurrence entre les opticiens de centres et ceux à l’extérieur, à quelques dizaines de mètres.“ Aussi, rien n’est écrit dans le marbre. “Notre stratégie de développement prévoit de modéliser toutes les options possibles“, assure Laurent Afflelou. Ainsi, malgré un rythme d’ouverture moyen de 20 magasins en optique et 30 en audio par an, l’avenir reste un challenge.
Du côté de Krys Groupe, le chiffre d’affaires a progressé de 18,5 % par rapport à 2020, pour s’établir à 1,199 milliard d’euros en 2021. Malgré la fermeture de 180 magasins en centre commerciaux, le groupe aura gagné un demi-point de parts de marché (pour atteindre les 16 % de parts de marché). Il compte maintenir ses objectifs annuels. “L’année a été historique avec l’ouverture de 73 nouveaux magasins. Toutefois, nous restons vigilants quant à l’avenir, faisant en sorte d’anticiper et de gagner des parts de marché“, explique Jean-Romain Dupont, qui s’impatiente de l’ouverture d’un flagship Krys (le 1 000e magasin) à Cap 3000 à Saint-Laurent-du-Var (06). Pour rappel, le parc comprend 1500 magasins indépendants, dont une succursale à Nanterre, 954 magasins Krys, 29 magasins sous les enseignes Vision Plus et le Collectif des Lunetiers (399 magasins) et un magasin Lynx Optique You Do. À chacun, donc, de redessiner son avenir et son savoir-faire.