Fondée en 1997 par Christophe Fargier, l’enseigne Ninkasi a été précurseur sur le domaine de la bière artisanale. L’objectif du réseau : proposer un lieu de consommation hybride, mêlant brasserie, restauration et concerts. Avec 21 établissements au compteur, l’enseigne a adopté un mode de distribution hybride et mise notamment sur la grande distribution.
Vous avez fondé l’enseigne en 1997, bien avant la mode des bières artisanales. Pouvez-vous nous raconter la genèse de Ninkasi ?
Ninkasi est né d’une rencontre avec un ami américain. À la fin de mes études, je lui ai demandé de me trouver un travail aux USA, avec l’idée de dénicher une idée à développer en France. C’est là qu’il me parle des micro-brasseries. J’apprends le métier de brasseur pendant un an là-bas et je visite plein de concepts. À mon retour en France, en 1996, je me mets à la recherche d’un lieu à Lyon pour ouvrir mon établissement. Je déniche alors un emplacement de 1 500 mètres carrés, une ancienne usine de transport, tout près du stade Gerland. C’était idéal pour faire le lieu dont on rêvait avec mon associé. Un lieu qui mêle musique, restauration simple mais généreuse et bière brassée sur place.
Le nom de votre concept, aux consonances asiatiques de prime abord, a une autre signification. Pouvez-vous nous l’expliquer ?
Vous n’êtes pas les premiers à me faire la remarque. Mais ce n’est pas du tout asiatique. En fait, Ninkasi, c’est la déesse de la bière chez les Sumériens. Adopter ce nom s’est fait naturellement. Car à l’époque, la bière était encore consommée majoritairement par des hommes. Notre volonté était d’élargir notre clientèle, notamment en s’adressant plus aux femmes.
Face à votre développement, d’abord en propre, puis en franchise, comment vous êtes-vous structurés pour produire vos propres bières ?
Les débuts ont été un peu compliqués, car il a fallu se faire connaître et surtout faire apprécier nos bières. Car le plus dur n’était pas de faire de la bière. Mais de les faire connaître aux consommateurs, peu habitués à l’époque aux bières artisanales, et qui ont un goût plus prononcé que les références industrielles. Jusqu’en 2012, l’usine attenante à notre premier point de vente suffisait. Mais l’outil de production est arrivé à saturation et nous avons dû trouver une solution. Nous avons déménagé notre production à Tarare, ville réputée pour la qualité de son eau et située à une quarantaine de kilomètres de Lyon. Sur place, nous avons construit une usine de 2 500 mères carrés. Mais dès l’année prochaine, l’outil va une nouvelle fois arriver à saturation. Une nouvelle usine, de 6 000 mètres carrés, devrait donc voir le jour en 2023. Cela va nous permettre de passer de 40 000 hectolitres produits par an à 120 000 hectolitres. Et d’ainsi diversifier notre production.
Effectivement, vous ne produisez pas uniquement de la bière. Vous proposez une gamme de whisky. Comment être légitime quand on est à la fois producteur de bière, restaurateur et franchiseur ?
Ce qu’il faut savoir c’est que pour faire du whisky, il faut commencer par faire de la bière. Concernant le whisky français, il y a une vraie carte à jouer car les producteurs sont passés complètement à côté de ce produit alors que nous avons tout sur notre territoire pour en faire. Aujourd’hui, il y a une vraie effervescence autour du whisky français dont on souhaite se saisir. Mais pour que cela fonctionne, il faut que l’on soit dans l’excellence et il ne faut pas que l’on copie ce que font les autres. La création de notre nouvelle usine permettra de repositionner l’ancienne sur une production plus premium et de notamment intensifier nos gammes whisky.
Vous vendez vos produits dans vos établissements, mais pas seulement. Vous avez une forte présence en grande distribution. En quoi est-ce essentiel ? Et comment ne pas brouiller le message auprès des consommateurs ?
Ninkasi c’est un vrai projet industriel global. Au début, il a fallu trouver nos propres débouchés pour construire notre marque, cela passait forcément par notre propre réseau et nos restaurants. Mais avec le temps, le marché est devenu mature et nous avons réussi à trouver des débouchés externes. Notamment chez les cavistes, qui représentent 10 % de notre activité, mais aussi en grande distribution. Cela amène clairement de la notoriété. Nous sommes notamment référencés au niveau national chez Monoprix, Casino ou encore Franprix. De manière plus locale, nous sommes distribués chez Super U, E.Leclerc et Intermarché. Ce pan de notre activité a progressé de 20 % l’année dernière et représente désormais 50 % notre chiffre d’affaires. Cette stratégie cross selling est importante. L’idée est qu’un client puisse découvrir nos bières dans un de nos établissements et prolonger son expérience chez lui en retrouvant des références en grande distribution. Ou inversement. Nous menons ces canaux de distribution en parallèle, ce qui amène de la notoriété. Nous réservons cependant certaines références à notre propre réseau. Il y a des bières que vous ne trouverez que chez Ninkasi et pas en grande distribution. La vente externe est là pour que les clients mettent un pied dans notre univers et viennent ensuite découvrir nos établissements.
Vous avez une forte présence dans la région lyonnaise. Qu’en est-il de votre développement à long terme ?
Nous avons effectivement 21 établissements dont 9 en propre. Parmi ces restaurants, un point de vente est situé en dehors de la région Auvergne-Rhône-Alpes, à Dijon. Nous avons plusieurs ouvertures prévues à Bordeaux, Valence, Aix-les-Bains ou encore près de Clermont-Ferrand. Notre volonté est d’ouvrir 5 à 7 restaurants par an, en priorité en franchise, et nous souhaitons conserver, à terme, 20 % du parc en propre.
La musique est aussi un pan important de votre concept. Pourquoi est-ce essentiel pour un restaurant Ninkasi ?
Quand nous avons ouvert le premier établissement, l’objectif avait été de proposer un lieu dans lequel nous aurions aimé aller étant étudiant. Et cela passait par la musique. On a tout de suite proposé des concerts et cela a rapidement fonctionné. Mais il était hors de question de faire payer l’entrée à ces concerts. Nous avons donc construit, au début des années 2000, une salle de spectacle de 700 places juste à côté de ce premier établissement. À l’époque, cela a été économiquement difficile. Car la musique c’était bien pour l’image et se faire connaître, mais c’était difficilement rentable. Cela a fragilisé un peu l’entreprise et nous a aiguillé sur un développement en réseau pour pouvoir assumer cet investissement. Nous avons donc ouvert des établissements dans le centre de Lyon, toujours pour élargir notre assise commerciale et notre notoriété. Petit à petit, nous avons eu des demandes de candidats à la franchise. C’est comme ça que nous avons mis un pied dans la franchise. Nous avions une appréhension car on se demandait si cela allait dénaturer le concept et nos valeurs. Mais à force d’être sollicités, nous avons passé le cap.
Propos recueillis par Camille Boulate et Nicolas Monier.