Tribune – Si depuis quelques années, la question de faire une étude de marché avec prévision de chiffre d’affaires avant l’ouverture d’une unité en franchise ne fait plus débat… La question de « qui fait ? » et de manière induite de « qui paie ? » est encore malheureusement d’actualité. Par Laurent Kruch, fondateur et dirigeant de Territoires et Marketing.
Il appartient au franchisé de se renseigner en sa qualité de commerçant indépendant sous enseigne.
Ce sujet est désormais entendu tant par des aspects de décisions de justice (la fameuse jurisprudence) que par la répartition juste des responsabilités entre la tête de réseau (le partenaire) et son candidat à la franchise (c’est-à-dire à la signature d’un contrat de partenariat avec son enseigne). J’utilise le terme de besoin impératif du candidat franchisé à se renseigner qui est l’effet miroir de l’obligation légale d’informer qui est faite au franchiseur qui se voit tenu par la loi (art. L330-3 et décret R330-1 du Code de Commerce) de vous fournir préalablement à la signature de tout contrat et donc dans le cadre du DIP (Document d’Information Précontractuelle) un état général de marché (étude France entière sur le secteur d’activités que vous visez) et un état local du marché (état sur le secteur géographique restreint que vous visez). L’étude de marché d’implantation avec prévision de chiffre d’affaires est donc non seulement de votre responsabilité mesdames et messieurs les candidats que vous la fassiez vous-mêmes ou que vous la fassiez faire par un spécialiste du sujet.
C’est l’enseigne qui en sait plus long que moi sur le business que je vais ouvrir et c’est pourtant à moi de réaliser mon étude de marché. Ce n’est pas un peu contradictoire ?
C’est indiscutable. Vous ne pouvez pas faire votre étude de marché avec prévision de chiffre d’affaires vous-mêmes. Trois raisons à cela. Premièrement, vous n’y connaissez rien encore dans le business dans lequel vous allez vous lancer en franchise. Comment pourriez-vous donc connaître les prix moyens pratiqués, les niveaux de CA moyens de votre future enseigne dans des emplacements identiques aux vôtres, etc. Deuxièmement, vous n’avez pas le bagage technique pour procéder aux analyses marketing et encore moins l’expérience de quelques centaines d’études de marché déjà réalisées. Troisièmement, il n’y a pas pire analyste que celui qui analyse les choses pour lui-même, parce que vous allez vous retrouver tiraillés entre positivisme et prudence. Vous risquez de voir moitié plein ce qui est moitié vide et moitié vide ce qui est moitié plein.
Donc, si ce n’est pas moi qui fait ma propre étude de marché. Qui est-ce ? Eux (l’enseigne) ou Toi (l’institut d’études de marché) ?
L’enseigne a deux contraintes expliquant pourquoi elle ne peut pas faire l’étude de marché à votre place. La plus importante à mes yeux est que ce n’est pas son métier. Elle n’a pas de spécialistes aguerris ayant réalisé plusieurs centaines d’études de marché dans toutes les villes pour plusieurs enseignes et secteurs confondus. Et, c’est malheureusement ce point qui prend le dessus, la jurisprudence le lui « interdit ». Si l’enseigne prévoit un CA que vous n’atteignez pas (même de votre fait…), l’avocat qui vous défendrait contre l’enseigne si vous vous retourniez contre elle aurait vite fait de l’attaquer sur la base du vice du consentement en soutenant que cette étude trop positive vous a incité sans nuance à signer votre contrat.
Mais alors que doit me fournir l’enseigne comme informations pour faciliter l’étude de marché ?
L’enseigne a pour obligation de vous fournir tout un ensemble d’indicateurs, qu’il faut souhaiter les plus détaillés et honnêtes possibles. Ce sont très souvent des ratios de gestion (le CA représente X % de la masse salariale, le loyer Y %, les achats de matières premières Z %, …), ainsi que des indications de charges (coûts moyens des travaux, prix moyen du mobilier, coût des formations…). L’enseigne vous transmettra parfois un guide pour vous aider à faire votre étude de marché (c’est de plus en plus rare et quand c’est fait, c’est souvent mal fait). Ce dernier point est un héritage d’anciennes pratiques en franchise ou d’anciens avocats ou cabinets de conseil avait adopté une lecture de la loi et de la jurisprudence fort discutable. Pour autant, si votre franchiseur vous demande cet exercice qui consiste à remplir une grille d’informations sur votre futur marché local, n’hésitez pas ! Faites-le. Vous ne le fâcherez pas et cela vous aidera à découvrir certains éléments utiles à votre réflexion.
Il faut donc faire appel à un institut d’études de marché reconnu et tant qu’à faire connu de la Fédération Française de la Franchise ou d’autres fédérations avec contrat de partenariat.
L’enseigne aura mis en place un accord cadre avec cet institut, favorisera la mise en relation, aura négocié pour vous le tarif de la prestation comme avec tout fournisseur, fera son affaire de s’assurer que la méthodologie d’étude est bien appliquée, lui transmettra très régulièrement et au moins annuellement ses CA, tendances et informations de marché, communiquera avec le cabinet pendant la réalisation de l’étude, la recevra en copie à son terme pour pouvoir l’analyser avec vous et la contrôler.
C’est donc un institut d’études de marché qui doit réaliser votre étude de marché.