Pour un franchisé, un changement de tête de réseau est souvent synonyme de remise en question, voire de stress. S’il est impossible de tout maîtriser lors d’une telle période, adopter une position de vigilance peut servir vos intérêts. Analyse.
Cela fait longtemps que vous travaillez en bonne intelligence avec
votre franchiseur. Processus maîtrisés, habitudes de travail confortables, confiance réciproque… Et, puis, un jour, vous apprenez par biais officieux ou officiel que votre tête de réseau va changer, voire que votre enseigne va être absorbée ! Comment aborder cette évolution ?
“L’annonce d’un changement de tête de réseau provoque souvent un mouvement de panique chez les franchisés. Pourtant, un rachat n’est pas forcément une mauvaise nouvelle car un franchiseur revendeur rencontre parfois des difficultés financières ou est usé”, analyse Gaëlle Toussaint-David, avocate d’affaires au sein du cabinet Simon et associés, spécialisé dans la défense des enseignes..
L’aspect psychologique joue pour beaucoup, ainsi que le timing. S’agit-il de rumeurs ou d’informations solidement sourcées ?
“Dans un premier temps, la meilleure solution, c’est d’en parler avec sa tête de réseau actuelle. Cela prouve que vous êtes ouvert et que vous refusez les postures de principe”, conseille Monique Ben Soussen, avocate du cabinet BSM, spécialisé dans la défense des droits des franchisés. Mais comment réagir avec habileté quand les informations arrivent au compte-goutte ?
“Souvent, les informations passent de bouche à oreille, avec la part de déformation que cela comprend. Prenez contact rapidement avec le repreneur supposé ou assistez vous-mêmes aux réunions. Les informations de première main sont toujours les meilleures!”, précise Gaëlle Toussaint-David.
Des franchisés pas tous égaux face aux négociations
Après l’officialisation, s’ensuit souvent des négociations souhaitées par le racheteur afin de rentabiliser plus rapidement son investissement.
“Parfois, le contrat doit être remis au goût du jour. Je pense notamment à la gestion des réseaux sociaux, des click & collect et aux canaux de distribution. Mais quand une tête de réseau veut durcir les conditions, les franchisés qui possèdent plusieurs magasins peuvent obtenir des contrats plus avantageux que leurs confrères isolés”, constate François-Luc Simon, du cabinet Simon et associés.
Légalement, sauf clause explicite, aucune modification des contrats n’est possible avant leur échéance. Mais dans les faits, les enseignes peuvent proposer d’emblée des avenants pour entamer en amont la mue de leur réseau.
“Théoriquement, les franchisés peuvent refuser cet avenant en raison de la protection apportée par leurs contrats. Mais ils ont souvent peur de ne pas être renouvelés… Les rapports de force sont déséquilibrés, sauf alliance entre franchisés”, détaille Monique Ben Soussen.
Ne pas hésiter à monter le ton pour lancer les négociations
Si ces nouvelles conditions sont vraiment trop dures, comment réagir ? Comment négocier sans compromettre l’avenir ?
“Bien que la tendance générale soit à un durcissement des clauses, le racheteur a tout intérêt à garder l’ensemble de son réseau car trouver de nouveaux franchisés implique des risques… On hésite forcément au moment de se séparer de bons éléments, rentables, rigoureux”, assure Gaëlle Toussaint-David. Ce constat rassurant n’est pas partagé par Monique Ben Soussen, pour qui il est impossible d’adopter un profil bas quand les conditions se durcissent brusquement.
“Certaines enseignes ligotent le franchisé de cette manière : ‘soit vous acceptez tout de suite une hausse modérée de votre redevance ; soit vous la refusez mais elle sera fortement augmentée lors du prochain contrat’.
S’il vous reste six mois de contrat, lutter ne vaut pas le coup et sortez du réseau. Mais si votre contrat court pendant encore trois ans, vous avez intérêt à vous positionner car une augmentation trop importante de la redevance nuirait à votre santé financière. Durcir le ton dans un premier temps via une alliance de franchisés n’empêche pas la négociation plus tard”. Ainsi, l’avocate cite le cas d’un racheteur qui a mis en place une commission de franchisés pour réfléchir au cofinancement de la rénovation des points de vente. Preuve que le dialogue, quand il est possible, peut satisfaire les deux parties.
Peut-on refuser la cession de sa franchise ?
Un franchisé peut être tenté de refuser la cession de son magasin. Deux cas de figure se présentent alors. En cas de cession des titres,
“la personne morale du franchisé (identifiée via son numéro de RCS) ne change pas et le franchiseur ne peut donc s’opposer à une telle cession, à moins que le contrat de franchise n’ait anticipé ce cas de figure en interdisant par avance une telle opération. C’est souvent le cas en pratique”, confie François-Luc Simon.
Enfin, en cas d’opération de fusion-absorption ou d’apport partiel d’actif,
“la personne morale du franchisé est modifiée… Auquel cas il peut s’opposer à une telle opération, à moins que le contrat de franchise n’ait anticipé ce cas de figure. Ce qui est rarissime car il est impossible de nouer une relation de confiance si on reconnaît par avance qu’une absorption est prévue à terme”.