Tribune – La lecture d’un contrat de franchise n’est pas une tâche aisée pour un non spécialiste : les termes techniques, la longueur du document, les nombreux renvois entre les clauses etc. sont autant d’éléments pouvant décourager le candidat à la franchise de lire et analyser l’ensemble du contrat. Il est pourtant indispensable de bien comprendre toutes les clauses du contrat qui vous est proposé avant d’y apposer votre signature. Voici quelques règles à respecter pour faciliter une lecture efficace… et pour éviter les déconvenues. Par Sophie Bienenstock, avocat au Barreau de Paris, Cabinet BSM.
Ne pas s’arrêter à la dénomination du contrat
La notion de franchise est à la mode, à tel point qu’elle est parfois victime de son succès : de nombreux contrats sont intitulés à tort « contrat de franchise », alors qu’il s’agit en réalité d’une autre forme de distribution.
Il serait dangereux de penser que le « franchise » bénéficie toujours d’une assistance et d’une formation solide sous prétexte que le contrat est intitulé « contrat de franchise ». Il convient au contraire de lire minutieusement chaque clause afin de bien mesurer les obligations des deux parties.
En résumé, l’intitulé du contrat ne préjuge en rien de son contenu. Soyez plutôt vigilant à son contenu réel.
Le tout n’équivaut pas à la somme des parties
La lecture de chaque clause indépendamment les unes des autres peut donner une vision erronée de l’équilibre contractuel. On comprend aisément que pour évaluer le coût global de la franchise il serait naïf de se limiter à la redevance de franchise. Il est indispensable de prendre également en considération la redevance de communication, la redevance publicité, les éventuels abonnements obligatoires à des services fournis par le franchiseur etc. Si cet exemple paraît enfantin, il est fréquent que le candidat à la franchise, sans doute aveuglé par son optimisme et séduit par les propos du franchiseur, sous-estime le montant total des sommes devant être reversées au franchiseur.
D’autres combinaisons de clauses tout aussi dommageables sont moins faciles à déceler. Prenons par exemple les clauses de non-concurrence, de préemption et d’agrément. La mise en œuvre simultanée de ces trois clauses peut conduire le franchisé à ne plus pouvoir disposer librement de son fonds de commerce : il ne pourra ni céder son fonds avec l’enseigne (clause d’agrément), nie le céder avec l’enseigne en cours de contrat sans prendre le risque de se voir reprocher une résiliation anticipée, ni enfin poursuivre lui-même l’exploitation (clause de non-concurrence).
La situation se corse encore si le franchisé est amené à signer plusieurs contrats en vue d’exploiter le fonds de commerce. Il est fréquent dans certains secteurs d’activité (par exemple dans la distribution alimentaire) que le franchisé régularise également des contrats de location-gérance et d’approvisionnement. Toutes les clauses de cet ensemble contractuel doivent alors être étudiées les unes par rapport aux autres.
Le diable se cache dans les détails
Malgré la longueur parfois décourageante des contrats de franchise, il est indispensable de lire chaque clause attentivement. En cas de litige, le juge est tenu d’appliquer le contrat signé par les parties et ne pourra en aucun cas modifier ou remplacer des dispositions contractuelles.
Un exemple suffira à mettre en lumière la nécessité absolue de décortiquer minutieusement les clauses du contrat. Examinons les clauses relatives aux obligations du franchiseur. Il est très fréquent que le contrat prévoie que « le franchiseur pourra organiser des formations à destination du franchisé» ou qu’il « pourra assister le franchisé dans la gestion de son point de vente ». Or ce type de formulations ne fait peser aucune obligation ferme et définitive à la charge du franchiseur. Par cette rédaction volontairement évasive, le franchiseur évite soigneusement de s’engager à quoi que ce soit. Par conséquent, il sera impossible de soulever une quelconque inexécution contractuelle en cas de litige.
L’argent ne fait pas le bonheur
Le lecteur a naturellement tendance à se focaliser sur les clauses qui lui paraissent importantes. Le candidat à la franchise ne déroge pas à cette règle et se concentre souvent sur un petit nombre de clauses, dont en particulier les dispositions financières. Or les clauses ayant trait aux obligations financières du franchisé ne suffisent pas à apprécier l’équilibre du contrat et la viabilité de l’opération.
D’autres aspects déterminants sont parfois ignorés par le candidat à la franchise. Ce dernier prête souvent peu d’attention aux clauses qui régissent la période post-contractuelle. Motivé et confiant dans son projet, le futur franchisé n’envisage pas les difficultés qui pourraient survenir à la fin du contrat.
Ainsi en est-il par exemple des clauses relatives à la résolution des litiges. Une clause d’arbitrage, généralement placée en fin de contrat, fera obstacle à toute action devant un tribunal étatique. Or le recours à la justice arbitrale a un coût très élevé, souvent prohibitif pour un franchisé. Concrètement, la présence d’une clause d’arbitrage peut conduire à faire obstacle à toute action en justice. Une fois le contrat signé, les possibilités de contestation de la clause d’arbitrage sont extrêmement limitées.
En résumé, il ne faut pas se laisser aveugler par des modalités financières attrayantes. Essayer plutôt de percevoir à travers les clauses du contrat la volonté du franchiseur à long terme. Essaye-t-il de uniquement de percevoir les droits d’entrée dans une perspective de court terme, ou bien est-il soucieux de la pérennité de l’activité des membres de son réseau ?
La parole est d’argent et le silence est d’or… surtout pour le rédacteur !
Si les clauses contractuelles sont importantes, l’absence de certaines mentions peut l’être tout autant. Rappelez- vous que le juge est lié par le contrat et uniquement le contrat. En d’autres termes, le juge ne pourra en aucun cas suppléer à la volonté des parties.
Parmi les problèmes fréquents dans la relation franchiseur-franchisé, figure la question des marges arrière. A qui reviennent les marges arrière reversées par les fournisseurs à la fin de l’année et calculées sur le volume d’achat du franchisé ? Certes, la liberté contractuelle permet ici aux parties de répartir comme elles l’entendent les remises fournisseurs. Mais si le contrat ne prévoit rien, le franchiseur ne sera a priori pas tenu de restituer les marges arrière au franchisé. Tout dépend de la façon dont le contrat est rédigé !
Il en va de même en ce qui concerne les obligations à la charge du franchiseur, dans la mesure où les parties ne sont liées que par le contrat. En d’autres termes, si les dispositions contractuelles relatives aux obligations du franchiseur sont évasives ou simplement inexistantes (ce qui n’est pas si rare), il sera difficile de soutenir que le franchiseur est lié par une obligation générale d’assistance et de formation. Si tel est bien l’esprit de la franchise, les juges se cantonnent malheureusement trop souvent à une lecture très littérale du contrat.
Gardez donc à l’esprit que les parties doivent appliquer le contrat, mais… que le contrat !
Par Sophie Bienenstock, avocat au Barreau de Paris, Cabinet BSM.