Le licenciement d’un salarié : tout chef d’entreprise y sera confronté un jour ou l’autre. Mais qu’il s’agisse d’un motif économique ou personnel, attention à bien respecter la procédure et les règles. Car un licenciement non justifié pourrait vous coûter cher.
Dans votre expérience de dirigeant, vous serez amené à licencier un collaborateur pour deux motifs essentiels, auxquels correspondent deux procédures différentes : les motifs personnels et les motifs économiques.
Les premiers peuvent concerner une faute commise par le salarié, ou une insuffisance professionnelle que même un comportement irréprochable ne peut combler. Quand il s’agit d’une faute, un délai de prescription s’applique : l’employeur doit enclencher la procédure au maximum dans les deux mois suivant sa constatation. “Au-delà, les faits sont prescrits”, observe Pascale Dell’Ova, avocate au barreau de Montpellier. En revanche, en matière d’insuffisance professionnelle, aucune prescription ne s’applique.
La procédure légale qui suit s’applique dans tous les cas de licenciement, quel que soit le motif. L’employeur doit d’abord convoquer son collaborateur à un entretien préalable pour lui expliquer la raison de son éviction. Pour cela il doit lui remettre une convocation, en main propre ou par courrier recommandé. “Ce document permettra au salarié de se faire assister lors de l’entretien préalable, par d’autres salariés si l’entreprise a un CSE (Comité social et économique), ou par des conseillers extérieurs désignés par les organisations syndicales. Il dispose pour s’organiser dans ce but d’un délai de 5 jours ouvrables”, explique Pascale Dell’Ova.
Dans le cas d’un licenciement personnel, l’employeur ne peut pas non plus prendre sa décision immédiatement après l’entretien préalable. Il doit ainsi respecter un délai de réflexion de 2 jours ouvrables, avant de notifier son choix au salarié. “Ce délai est lui-même limité à un mois maximum, afin de ne pas laisser le collaborateur dans l’expectative”, note l’avocate.
Une cause “valable, réelle et sérieuse”
Quand le licenciement survient à la suite d’une faute du salarié, l’employeur doit faire attention au fait qu’il soit justifié par le caractère “réel et sérieux” de cette faute. “S’il s’agit d’absences injustifiées et répétées, encore faut-il qu’il l’ait averti par courrier. Dans le cas de retards fréquents, il doit aussi avoir vérifié que la cause n’est pas liée à un événement extérieur à la volonté du collaborateur”, précise Pascale Dell’Ova. Une faute, même justifiée (par exemple, de “mauvais comportements” vis-à-vis d’un collègue, ou encore la divulgation de secrets de l’entreprise), doit être expliquée au salarié à chaque moment de la procédure ; dans la lettre de convocation, pendant l’entretien préalable, et dans la lettre de licenciement.
Lorsqu’il notifie sa décision, le dirigeant doit décrire de façon concrète au salarié les raisons qui le motive. “Il ne s’agit pas juste de dire qu’il a commis une faute grave : il faut énumérer les faits, afin qu’il comprenne pourquoi il va être licencié”, note Pascale Dell’Ova. S’il licencie son salarié sans respecter le délai de réflexion de 2 jours minimum et d’un mois maximum, ou s’il n’explique pas suffisamment les raisons de sa décision, le licenciement peut être considéré comme sans causes réelles et sérieuses, et donc annulé.
Des précautions à prendre
Le dirigeant devra aussi prendre des précautions s’il décide de licencier un collaborateur pour “insuffisance professionnelle”, ou en raison de son état de santé. “La première raison signifie que le salarié ne correspond plus aux standards attendus dans la profession, mais encore faut-il que l’employeur parvienne à étayer que le fait de ne pas atteindre un chiffre fixé est révélateur de cette insuffisance. Car le salarié peut très bien réussir à démontrer que les objectifs fixés étaient irréalisables, ou qu’il n’a pas été correctement formé en interne”, remarque Pascale Dell’Ova.
Selon l’avocate, l’inaptitude physique d’un collaborateur peut aussi être un motif de licenciement, seulement si elle est diagnostiquée par un médecin du Travail et que “tout a été fait pour le reclasser à un poste disponible et adapté”. La loi interdit de licencier quelqu’un en raison de son état de santé, mais si cela cause des absences qui perturbent le fonctionnement de la société, “alors la nécessité de procéder à son remplacement définif peut se justifier. Mais ce cas de figure est à manier avec une grande précaution, afin de ne pas être poursuivi à son tour pour discrimination.”
L’indemnité allouée au salarié répare normalement les préjudices financiers ou moraux causés par son licenciement. Mais pas quand les conditions du licenciement sont vexatoires ou humiliantes, car elles justifient le droit du collaborateur à demander réparation. “On peut citer par exemple la notification de licenciement faite en public, ou le fait pour le collaborateur de trouver ses effets personnels devant la porte en arrivant sur son lieu de travail”, note Pascale Dell’Ova. Attention aussi au contexte dans lequel vous envisagez de licencier un salarié : “certains motifs peuvent ainsi déplafonner les indemnités, ou rendre le licenciement nul : l’accident du travail, un cas de harcèlement, ou le fait pour une femme d’être enceinte”, ajoute la juriste. À noter que certaines conventions collectives viennent protéger le salarié, en instaurant des règles supplémentaires.
Licenciement économique : des règles spécifiques
En cas de licenciement économique, les règles à respecter diffèrent légèrement. L’employeur doit toujours convoquer le salarié à un entretien préalable, et comme pour le motif d’inaptitude médical, il est aussi soumis à une obligation de reclassement. Il doit aussi proposer à son collaborateur menacé de licenciement un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), passé avec Pôle emploi, pour lui permettre de bénéficier d’une indemnisation plus importante que pour une indemnisation classique. “Mais le bien-fondé du motif économique peut toujours être contesté par le salarié, même quand il a accepté le CSP. Il doit ainsi avoir connaissance des motifs pour lesquels il est licencié au plus tard le jour où il accepte son CSP, sans quoi le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse”, explique Pascale Dell’Ova. Au moment de l’entretien, afin d’éviter tout problème de délais, n’hésitez pas à lui remettre, contre signature, un argumentaire des motifs économiques pour lesquels, à ce stade, vous envisagez le licenciement.
Attention à bien indiquer dans la lettre de licenciement que la cause est économique et qu’elle a une incidence sur le poste du salarié. “Le fait de ne pas mentionner cela rend la procédure nulle. Mais les ordonnances Macron de 2017 ont instauré un droit à l’erreur, qui permet à l’employeur ayant omis ces notifications, de compléter sa motivation dans un délai de 15 jours après que son salarié lui a remis une demande de précisions”, remarque Pascale Dell’Ova.
Ne pas respecter toutes ces règles n’est pas sans conséquences pour un dirigeant. “Cela peut aller de petites sanctions à la nullité du licenciement ; avec des indemnités dont les montants peuvent mettre en péril la viabilité de l’entreprise, surtout quand elle est petite”, conclut l’avocate.