Se lancer en franchise peut tenter des conjoints, mais l’aventure comporte des risques… Gilbert Mellinger, d’Épac International et membre du Collège des experts de la Fédération française de la franchise, livre ses conseils.
Le désir d’entreprendre partagé par deux conjoints s’exprime parfois par l’envie d’exploiter une franchise à deux. Beau projet qui n’est que la réédition d’histoires vécues depuis des siècles par des milliers de “boulangères”, de “bouchères”, “d’épicières“”… travailleuses infatigables et épouses dévouées. Qu’en est-il au XXIe siècle et en franchise ?
Quelques franchises privilégient les couples. Citons Mikit, la plupart des enseignes de supérettes et des supermarchés. Au-delà des ces cas relativement rares, peu de franchises sont hostiles à l’idée de voir le couple exploiter leur concept. Pour le couple cette construction d’un projet commun est l’aboutissement d’une relation personnelle épanouie. Elle n’est pas sans contraintes spécifiques.
Les contraintes liées au revenu
Rares sont les créations d’entreprise qui permettent de se payer un salaire élevé dès la première année. La franchise n’échappe pas à cette règle.
Le couple doit donc faire un calcul précis de ses besoins : loyer, emprunts privés, frais de vie, frais liés aux enfants, impôts de l’année précédente… Le prévisionnel doit être fait sans excès d’optimisme. Certes un des deux va remplacer un salarié qu’il faudrait payer, mais ce salaire va rarement au-delà du Smic, tout comme le salaire que le franchisé va pouvoir s’octroyer.
La famille peut elle vivre avec deux Smic ? Dans le cas contraire comment va-t-elle financer le besoin supplémentaire ? Faire un compte d’exploitation familial est indispensable.
Les contraintes liées à la banque
La banque va examiner la faisabilité du prévisionnel, valider l’équilibre entre apport et emprunt. La banque, on ne le sait pas toujours, va aussi poser une question très simple : avec quelles ressources la famille va-t-elle vivre ?
Il vaut mieux que les réponses du compte d’exploitation familial soient convaincantes. Car la banque préfèrera un partage de risque : revenu stable et “garanti” pour un des partenaires du couple, prise de risque limitée au conjoint franchisé.
Les contraintes liées à l’organisation du travail
Vivre au quotidien “l’un sur l’autre” est une expérience parfois compliquée. Comment les tâches seront-elles partagées ? Qui est celui qui donne les instructions ? L’autre va-t-il se comporter en salarié “docile” ou au contraire fera-t-il prévaloir sa position d’associé ? Discuter, donner des instructions contraires… Comment le reste du personnel va-t-il vivre ces frictions ? Pas simple à gérer.
Et l’amour…
Amour a beau rimer avec toujours, 40 % des mariages finissent en divorce…. pas toujours à l’amiable. Comment le couple va-t-il vivre dans son quotidien professionnel son échec personnel ? Partage des actifs ou cohabitation forcée ? Dans les deux cas, une situation compliquée à gérer.
Faut-il commencer l’aventure de la franchise en couple avec un pacte d’actionnaire qui prévoit le divorce ? Recommandation difficile à faire par le franchiseur qui doit préserver l’intérêt du réseau sans s’imiscer dans la vie privée de ses franchisés.
L’ensemble de ces contraintes permet d’esquisser une prudente recommandation.
Pour des raisons purement économiques, un couple a toujours intérêt à séparer les vies professionnelles jusqu’au moment où les signes de réussite commencent à se voir dans l’exploitation : 2 ans est une sage durée.
L’amour peut alors devenir la considération première, le couple cohabitera professionnellement et de nombreux enfants naîtront… qui éloigneront souvent la maman de l’exploitation ! Ah mince !