Plus que jamais, les enseignes cherchent à se positionner sur ces deux réseaux sociaux en vue pour ancrer durablement leur marque. Obéissant à des codes et des cibles radicalement différentes, gare toutefois aux faux pas dans un univers souvent impitoyable.
Faire rayonner sa marque. Être dans une dimension à 360° pour recruter de nouveaux clients passe forcément par les réseaux sociaux. C’est désormais une évidence pour les marques et enseignes qui s’essaient avec plus ou moins de talent sur les plates-formes. Si l’on part du postulat que les consommateurs passent un temps considérable sur Instagram et TikTok, la logique implacable veut que les enseignes cherchent à capter cette audience.
“Instagram et TikTok sont les deux réseaux sociaux qui réunissent le plus de monde aujourd’hui. TikTok a dépassé le milliard d’utilisateurs actifs. En Grande-Bretagne, on constate que les gens passent plus de temps sur TikTok que sur Youtube”, explique Édouard Hausseguy, fondateur de l’agence de communication digitale Hemblem. Et ce dernier d’ajouter :
“Quand on pose la question, dans une salle de 100 personnes, est-ce que vous avez déjà été influencés par les réseaux sociaux pour aller dans un restaurant ou un hôtel?, généralement 95 % des gens vont lever la main.”
TikTok en embuscade
Les experts interrogés pour ce dossier donnent une photographie assez tranchée des différents réseaux. Si Facebook reste aujourd’hui le réseau social qui fonctionne le mieux en province, la raison est simple. La mode des réseaux sociaux provient majoritairement des États-Unis. Puis la mode arrive en Europe, notamment, sans surprise, en Grande-Bretagne puis à Paris.
“Généralement il y a un décalage de deux ou trois ans dans les usages des réseaux sociaux. Typiquement, en province, Facebook et Instagram fonctionnent bien. TikTok n’est pas encore trop utilisé par les enseignes. Cela évoluera. Car les réseaux sociaux naissent, meurent et se suivent”, note Édouard Hausseguy. Pour le fondateur de l’agence Hemblem, les influenceurs, en revanche, restent. Car sur toutes ces plates-formes, ce qui ne change pas, c’est la notion de communauté.
“On a commencé avec un Skyblog [espace web personnalisé sur le site Skyrock.com lancé en 2002], maintenant on est sur Instagram et TikTok, et dans dix ans cela sera un autre réseau social qui aura pris le dessus”, poursuit Édouard Hausseguy.
Le tableau étant dressé, quelles cibles sont touchées par les réseaux Instagram et TikTok. Tout d’abord, il est impératif de bien distinguer les nuances entre la génération X (née entre 1965 et 1980) et la Y (début des années 1980 et fin des années 1990) ou encore la Z (née entre 1997 et 2010).
“Les Y ont ainsi développé de nouveaux modes de lecture leur permettant de la [l’information] dénicher et de l’analyser rapidement. Les X, en revanche, les battront en capacité de mémorisation et de concentration”, peut-on lire sur le blog Cegid, dont le post intitulé
« Je ne suis pas “digital native” : c’est grave ? » donne les clés marketing pour apprécier ces 50 nuances de jeune.
Ne pas être déceptif !
Donc à chaque réseau, son public. Du plus vieux, Facebook au plus jeune, TikTok. Instagram faisant le lien entre les deux.
“Sur Instagram, la photo sera belle. Le produit est exposé de manière avantageuse. Les codes du beau sont calibrés avec une mise en scène parfaite articulée autour d’un descriptif”, précisent Samy Senhadji et Pierre Le Breton, fondateurs de l’agence Sylphe. Une analyse partagée par Sandra Chassan, marketing director France, Belgique, et Luxembourg pour Subway. Pour cette dernière, Instagram est le bon moyen de sublimer les produits de la marque.
“Nous essayons de créer une expérience onirique et éthique en reprenant les codes couleurs de notre marque. Le vert et le jaune mais aussi le blanc et le noir. Attention, si on scénarise la mise en scène de nos produits, on ne trafique pas. Il faut être totalement transparent vis-à-vis du consommateur pour ne pas être déceptif.” On l’aura compris, si Subway met l’accent sur la fraîcheur des produits, le côté cheesy du fromage dégoulinant, elle va par exemple, sur Instagram, medium le plus visuel, conserver les mêmes proportions des sandwichs qu’en boutique. Pour ne pas risquer de décevoir le client.
Ce qui nous amène tout naturellement vers l’application d’origine chinoise TikTok. Sur ce réseau, la donne est radicalement différente. Le partage de vidéos, dont la durée ne dépasse pas les 3 minutes, invite, au-delà de la cible visée, très jeune, à adapter son contenu. Mais d’emblée, Quentin Obadia et Rémi Le Druillenec, fondateurs de l’agence Héroïne mettent les pieds dans le plat.
“Sur Instagram il y a vraiment cette dimension esthétique. Pour nous, TikTok invite bien plus à la sincérité qu’Instagram. On parle souvent de la vie Instagram vs la vie IRL [In Real Life pour dans la vraie vie]. Il n’y a pas ce phénomène là sur TikTok.” Concrètement, il y aurait moins de filtre au sens propre et figuré sur cette application. Ce serait moins segmentant et l’engagement y serait plus fort. Mais quant à l’utilité d’y être pour les enseignes, les deux fondateurs sont assez clairs :
“On sait que de toute façon on parle de la génération Z, mais il y a la génération alpha (pour ceux nés en 2010) et qui est déjà sur TikTok. Ce sont les consommateurs de demain. Si les enseignes veulent renouveler leur clientèle, il va falloir que très rapidement elles puissent s’adresser à ces jeunes générations.” Et les deux spécialistes de citer l’exemple de l’enseigne néerlandaise de vêtements C&A qui a gagné en notoriété via des campagnes TikTok, ce qui lui a permis de recruter une clientèle plus jeune.
Des contenus ciblés et adaptés
En septembre dernier, Subway a créé sa chaîne et devrait démarrer avec l’appui d’influenceurs. En l’occurrence, ici, avec le chorégraphe hip-hop Junior.
“Il était vital pour nous de trouver un partenaire avec qui nous avons un ADN commun. Ce dernier va lancer un TikTok challenge que nous allons partager sur notre réseau”, explique Sandra Chassan. Pour les marques, la possibilité de se lancer avec un fournisseur de contenu reste un vrai plus. Mais au regard de la jeunesse du réseau, il ne faut pas se louper. “
Tous ces médias différents doivent générer du contenu adapté. Cela complexifie notre chaîne de création. Vous ne pouvez pas avoir un contenu de qualité pertinent commun à tous ces réseaux. C’est tout bonnement impossible”, note Sandra Chassan.
D’où le rôle d’une agence comme Sylphe qui sait identifier l’influenceur pouvant correspondre le mieux à l’enseigne.
“Nous préférons d’ailleurs parler de créateurs de contenu plutôt que d’influenceurs. Le terme est trop galvaudé et renvoie trop à l’univers de la real TV”, expliquent Samy Senhadji et Pierre Le Breton. Et ces derniers d’ajouter :
“Il existe des communautés très pointues animées par des créateurs qui produisent du contenu de qualité et spécialisé. Contrairement à de la publicité TV, ici, vous adressez une cible très précise. Et forcément, à la clé, le taux de conversion sera plus fort”, poursuivent les deux fondateurs de l’agence. Pour l’enseigne, la nécessité impérative d’adresser la bonne communauté et le bon animateur. Ce dernier souvent fan d’un produit pourra engager sa communauté. Même si cela ne concerne pas TikTok, on se souvient par exemple d’un live shopping de l’enseigne JouéClub sur l’univers Harry Potter avec Mady (MadCollection), l’influenceuse spécialisée dans l’univers de J. K. Rowling.
Pour quel budget ?
S’il est évident que chacun peut se lancer sur Instagram avec un simple iPhone, sans aucune agence et en internalisant, il faudra forcément y mettre le budget nécessaire.
“Si on se lance sans budget, on aura le résultat d’une campagne sans budget. Il ne faut pas s’attendre à conquérir des centaines de clients via Instagram si on n’y met pas les moyens. C’est pareil pour un mariage. Si vous avez 5 000 euros pour organiser l’événement, vous n’aurez pas de mariage princier. Ce n’est qu’une question de volonté. Les réseaux sociaux n’ont plus besoin de faire leurs preuves. Il faut passer du temps dessus et faire du test & learn”, précise Édouard Hausseguy. Et ce dernier de poursuivre :
“Par exemple, à date, c’est moins cher d’investir aujourd’hui sur TikTok. Tout simplement, parce qu’il y a beaucoup d’utilisateurs et encore très peu d’annonceurs. Donc, la publicité est peu chère sur ce réseau social. Sur Instagram, c’est plus cher car il y a beaucoup plus d’annonceurs et la croissance utilisateur est moins forte.” Ainsi, côté budget, l’enseigne de fresh food Pokawa investit de son côté 15 000 euros par mois sur Instagram et également 15 000 euros sur TikTok.
Pourtant, il peut être difficile pour les enseignes de s’adapter à un réseau et de voir ce dernier soudainement boudé par les utilisateurs. En ce moment, si l’on parle beaucoup de Twitch (service de streaming vidéo en direct) ou bien même de la plate-forme Discord, il est encore trop tôt pour parler d’influence sur la planète retail. Il faut être cependant vigilant même si, à l’heure actuelle, TikTok et Instagram vont offrir le meilleur ROI (retour sur investissement).
“Cela via des stratégies organiques sans acquisition payante. Surtout sur TikTok où il est encore possible de mettre en avant des contenus sans budget conséquent et ainsi avoir une meilleure visibilité. Dans deux ans, cela aura peut-être changé…”, conclut Édouard Hausseguy. Ce dernier estime d’ailleurs qu’il faut investir entre 2 % et 5 % du budget marketing sur ce poste si l’enseigne veut avoir un développement sain sur les réseaux sociaux et avoir un développement à la hauteur de ce qu’elle souhaite. Mais quid encore une fois de l’avenir ? Pour Quentin Obadia et Rémi Le Druillenec, la réponse doit être la plus agile possible :
“Plus on avance, plus le cycle des nouveaux réseaux est court. Donc, le sujet n’est pas tellement de dire quel sera le réseau social du futur, car ils auront vocation à durer de moins en moins longtemps mais plutôt de dire quelle agilité la marque doit adopter dans sa façon de communiquer et d’interagir avec ses publics.”