L’avocate Charlotte Bellet et l’universitaire Nicolas Dissaux viennent de publier un Guide de la Franchise aux éditions Dalloz. Cet ouvrage a pour objectif d’aiguiller le candidat et de lui rappeler les règles que son futur franchiseur doit respecter. Entretien avec Charlotte Bellet, avocat associé au sein du cabinet BMGB.
Propos recueillis par Nicolas Monier et Camille Boulate.
Vous travaillez dans le milieu de la franchise depuis de nombreuses années. Pourquoi avoir voulu publier ce Guide de la Franchise ?
Tout simplement parce que les quelques ouvrages qui ont été publiés sur ce sujet sont très anciens. Nous avons fait le constat, avec Nicolas Dissaux, qu’aucun outil ne rendait accessible le droit de la franchise et donnait une vision exhaustive de ce marché. Ce que nous souhaitions était simple : nous voulions rendre le droit de la franchise accessible pour les candidats. En mettant en avant bien évidemment les vertus de ce modèle mais aussi les déviances qui peuvent exister.
Vous avez adopté une approche originale dans la conception de cet ouvrage en présentant le droit de manière très détaillée tout en l’illustrant de ‘focus’ pratiques. Pourquoi ce choix ?
Nous voulions quelque chose de très concret pour aiguiller les candidats à la franchise de l’entrée à la sortie du réseau en passant par l’exploitation du contrat. Notre volonté était d’analyser le droit de manière claire et de rendre la loi Doubin le plus accessible possible.
Vous mettez en avant votre volonté d’être le plus objective possible et de ne pas cacher les déviances qui peuvent exister dans le milieu de la franchise. Quelles sont ces déviances ? Et à quoi le candidat doit-il être vigilant avant de signer ?
La franchise c’est génial seulement quand c’est bien fait. Mais quand les choses ne sont pas maîtrisées par le franchiseur cela peut être fatal pour les membres du réseau qui bien souvent investissent toutes leurs économies. Parmi les déviances que l’on observe souvent c’est un franchiseur qui a un concept qui cartonne à un endroit et souhaite le développer sans se poser les bonnes questions. Cela arrive encore très souvent et les candidats doivent être vigilants à cela. Quand on écoute la Fédération française de la Franchise ou d’autres acteurs, on a l’impression qu’il n’y a que des avantages à devenir franchisé et que c’est forcément gage de réussite. J’alerte juste que ce n’est pas forcément le cas. Il y a de très bons franchiseurs qui font les choses très bien. Mais il y a aussi des réseaux qui font preuve d’amateurisme voire parfois de malhonnêteté. Les candidats doivent en avoir conscience et connaître correctement les règles de la loi Doubin, qui est, selon moi, insuffisante et devrait être améliorée.
Justement, vous clôturez votre ouvrage avec des propositions, afin d’améliorer la loi Doubin. Pouvez-vous détailler qu’est-ce que qui pourrait être étoffé ?
La loi Doubin n’est effectivement pas suffisante aujourd’hui. Certes, elle oblige le franchiseur à donner certaines informations aux candidats, mais cela n’est pas assez exhaustif. Par exemple, la loi Doubin n’impose pas que le franchiseur ait testé le concept sur au moins une unité pilote. C’est souvent dans l’usage, mais 98 % des documents d’information précontractuelle (DIP) ne précisent pas cela et ne montrent en rien la rentabilité du concept. Comment expliquer que la loi autorise un développement en franchise sans que le réseau ait validé avec succès sur au minimum une unité ? Sur les comptes sociaux du franchiseur, là aussi la loi est insuffisante. Quand on regarde les chiffres qui sont communiqués par la tête de réseau dans le DIP, cela ne traduit pas la rentabilité du concept. La loi devrait notamment prévoir que le franchiseur fournisse le chiffre d’affaires réalisé par l’ensemble des franchisés composant le réseau. Toutes ces données renseignent le candidat sur la rentabilité du concept et lui permettent de faire son prévisionnel en toute connaissance de cause. La durée du contrat doit être également adaptée. Il y a parfois des franchiseurs qui font signer des contrats de 5 ans alors que c’est trop court pour que le franchisé rentabilise son investissement. Nous estimons que la durée du contrat doit être suffisante afin de permettre au franchisé d’amortir cet investissement et de rembourser ainsi son prêt initial. Enfin, sur le droit d’entrée, il est impensable qu’il ne soit pas en partie remis au franchisé si celui-ci n’ouvre finalement pas son point de vente (soit parce qu’il n’a pas trouvé le bon emplacement, soit parce qu’il n’a pas eu les financements). Majoritairement, une fois que le droit d’entrée est versé, il n’est pas rendu au candidat. C’est inadmissible car le paiement du droit d’entrée implique l’accès à un savoir-faire. Or si le franchisé n’ouvre pas son point de vente, il n’a pas accès à ce dit savoir-faire.
Vous êtes spécialisé dans la défense des franchisés. Encadrer davantage les choses du côté du franchiseur ne dédouanerait-il pas le candidat à la franchise de son devoir de s’informer par lui-même, notamment en effectuant une bonne étude de marché ou en se faisant accompagner pour décrypter les documents ?
Vous avez tout à fait raison. Le franchisé ne doit pas uniquement se reposer sur ce que lui indique le franchiseur. Et il doit effectivement bien lire le DIP, le contrat et effectuer une bonne étude de marché. Mais pour que cela soit possible et qu’il établisse un prévisionnel digne de ce nom, il est nécessaire qu’il ait les bonnes informations dès le départ et que le franchiseur soit le plus transparent possible.
Pensez-vous que les franchiseurs et le milieu de la franchise soient prêts à voir évoluer la loi Doubin ?
J’espère vraiment que le milieu de la franchise est prêt à faire bouger les choses. Je sais par expérience que bon nombre de franchiseurs empêchent leurs adhérents de se monter en association. Cela montre qu’il y a un certain déséquilibre dans certains réseaux sur les rapports de force. Mais je pense qu’une évolution de la loi Doubin permettrait à tout le monde d’en sortir gagnant puisque chacun se nourrit les uns des autres. Il ne faut pas oublier que la franchise, c’est la réitération d’un succès et une relation de partenaire.