Les relations entre franchiseurs et franchisés ne sont pas totalement hermétiques au droit du travail, qui peut trouver à s’appliquer dans deux cas de figure. La vigilance est donc de mise. Par Gauthier Moreuil et Romain Aupoix, avocats au cabinet Péchenard et Associés.
1 – Gérant de succursale
Le droit du travail est applicable au gérant de succursale, lequel est défini à l’article L.7321-2 du code du travail comme :
– une personne dont la profession consiste essentiellement soit à vendre des marchandises qui lui sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter pour le compte d’une seule entreprise,
– et qui exerce cette profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par celle-ci.
Dès lors que les conditions d’application du texte sont réunies, le gérant pourra se prévaloir des dispositions protectrices du code du travail (relatives notamment à la rupture du contrat, à la durée du travail, aux congés payés…) ainsi que des dispositions conventionnelles applicables à l’entreprise du franchiseur, et obtenir le remboursement du droit d’entrée acquitté lors de la constitution de la franchise (Soc. 14 décembre 2006, n°05-40844).
Il faut souligner que l’application d’un tel statut ne requiert pas la démonstration d’un lien de subordination.
C’est ainsi que l’exploitante d’un centre de beauté sous l’enseigne “Yves Rocher” a pu se prévaloir de ce statut, son activité consistant essentiellement à vendre des produits de cette marque, qui lui étaient fournis exclusivement par la société Yves Rocher, laquelle lui imposait les prix de vente et les conditions d’exercice de l’activité (Soc. 9 mars 2011, n°09-42901).
On l’aura compris, cette difficulté ne peut pas en principe se poser dans un contrat de franchise “classique”, puisque l’imposition d’un prix de revente est prohibée.
En revanche, cette problématique doit être sérieusement prise en compte lors de la rédaction de contrats de commission-affiliation.
2 – Requalification en contrat de travail
Critère essentiel du salariat, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives à son salarié, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner ses manquements.
Si de tels rapports sont établis entre le franchiseur et le franchisé, ce dernier pourra se prévaloir d’un véritable contrat de travail.
Dans une affaire récente, la société Fiventis, qui commercialise des produits immobiliers d’assurance-vie et d’épargne défiscalisée, avait conclu un contrat de franchise avec deux sociétés en cours de formation.
La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a requalifié ce contrat de franchise en contrat de travail, après avoir relevé que la société Fiventis avait selon les stipulations du contrat imposé au franchisé “des obligations détaillées et applicables de bout en bout dans les relations avec les clients, renforcées ensuite par des instructions tout aussi détaillées, que transformé en simple agent d’exécution, l’intéressé ne disposait d’aucune autonomie et qu’en résiliant le contrat, la société avait fait usage de son pouvoir de sanction”. (Soc. 18 janvier 2012 n° 10-16342)
Les juges se sont donc attachés à la lettre du contrat de franchise ainsi qu’aux conditions de son exécution pour retenir l’existence d’un lien de subordination et donc d’un contrat de travail entre les parties, rappelant à cette occasion qu’il est indifférent que les sociétés contractantes aient été ou non fictives.
Afin d’éviter l’écueil de la requalification, un soin particulier doit être apporté à la rédaction du contrat, qui doit préserver une certaine indépendance du franchisé. Il convient en outre de rester vigilant lors de sa mise en œuvre, afin que le franchisé ne devienne pas un simple agent d’exécution.
Il est utile de rappeler que les conséquences d’une requalification sont particulièrement lourdes pour le franchiseur.
Le franchisé, devenu salarié, pourra en effet se prévaloir de l’ensemble des dispositions du code du travail relatives à l’exécution et à la rupture du contrat, étant entendu que les règles en matière de licenciement n’auront bien évidemment pas été respectées par le franchiseur.
En outre, s’il est établi que le recours à la franchise est artificiel et procède de la volonté délibérée du franchiseur d’échapper aux contraintes du salariat, l’infraction de travail dissimulé sera caractérisée, ce qui ouvrira droit pour le salarié à une indemnité forfaitaire complémentaire égale à 6 mois de salaire (cette infraction étant par ailleurs punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou 225 000 euros pour les personnes morales).
Franchiseurs, la prudence est donc de mise…
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