Si la franchise vous apporte toutes les clés pour démarrer votre affaire en réduisant les risques, devenir chef d’entreprise ne s’apprend pas. Vous devrez régler les problèmes, mettre la main à la pâte et miser sur les bons salariés. Autant de compétences que vous allez devoir acquérir directement sur le terrain.
”Il est clair que toutes les tâches ingrates que personne ne souhaite faire sont pour moi !”, lance Laurent Dufy, franchisé Doc’BIker à Montpellier. Non, la vie d’entrepreneur n’est pas un long fleuve tranquille ! Devenir franchisé est une aventure entrepreneuriale comme les autres, à l’exception que le concept a déjà fait ses preuves. Un choix souvent rassurant pour ceux qui rêvent d’indépendance. Mais une fois votre structure en place, il va falloir faire face au quotidien d’un chef d’entreprise. Cela passe par des problématiques liées au recrutement, à la gestion du personnel, à la répartition des tâches… Or, 73 % des franchisés* exerçaient auparavant une activité professionnelle salariée (84 % chez les 18-34 ans) et seuls 19 % étaient à leur compte. Il a donc fallu apprendre sur le tas. Un chemin parfois semé d’embûches.
La franchise, un bon compromis
Autrefois manager commercial pour Géant , Alexandre Brey est aujourd’hui franchisé Carrément Fleurs au Puy-en-Velay (43).
“Cela faisait un moment que je voulais être indépendant. J’ai cherché ce qui existait en franchise en fonction de mes envies, des informations que je pouvais trouver… Je suis tombé sur Carrément Fleurs et le concept m’a plu, se souvient-il. J’ai choisi la franchise pour pouvoir utiliser mes compétences au service d’un concept déjà prêt et fort. Me lancer seul aurait été bien plus difficile, tout est à faire !” La franchise comme filet de sécurité pour franchir le pas ? Il semblerait. “J’avais déjà eu une expérience entrepreneuriale mais sans enseigne, rapporte Nicolas
Claramond, franchisé Baïla Pizza et Subway à Roanne (42). Lorsque j’ai voulu de nouveau entreprendre, je me suis tourné vers la franchise pour réduire les risques car entre temps, je m’étais mis en couple et étais devenu père de famille. Et aussi parce qu’on a la possibilité d’ouvrir rapidement plusieurs unités”. Mais après l’ouverture, les choses sont devenues bien plus concrètes et les débuts se font parfois à tâtons.
Premiers pas de chef
Gérald Rancon est franchisé Repar’stores à
Saint-Savin (38). Il a toujours souhaité créer une société, dès ses études. Après un long parcours dans l’industrie, il a eu envie de voir autre chose. Il a donc cherché des enseignes en franchise avant de trouver Repar’stores, qui lui a immédiatement plu. “Nous nous sommes lancés à deux avec un ancien collègue, chacun sur un secteur différent. Quand nous avons vu que ça fonctionnait bien, nous avons décidé de nous associer et de recruter du personnel. Nous avons aujourd’hui trois salariés. Malgré cela, la solitude de l’entrepreneur est une étape pas évidente à franchir au départ, car il n’y a plus personne pour nous motiver ou nous guider”. Difficile de trouver ses marques dans les premiers mois d’activité. Ainsi, après avoir été commercial pendant onze ans auprès des
particuliers, Alexandre Bost-Virronois est devenu franchisé Axeo Services à Artigues-près-Bordeaux (33), pour devenir indépendant. “Pour moi, le travail du chef d’entreprise est plutôt conforme à l’idée que j’en avais, en revanche le métier moins. On s’imagine parfois des choses fausses, positives ou négatives, sur la réalité d’un secteur mais on peut difficilement le savoir avant de se lancer”. Et parmi les difficultés qui jalonnent le parcours du chef d’entreprise, se trouvent les recrutements. Un passage souvent difficile, et pourtant crucial pour la structure.
Le casse-tête des embauches
Il n’est jamais évident de cerner une personnalité pendant un simple entretien d’embauche. Certains ont alors choisi de se faire aider dans leurs démarches. “À l’ouverture, je suis passé par Pôle emploi pour faire une demande de personnel. Ensuite, j’ai fait une première sélection dans les CV et lettres de motivation. Ces personnes ont été convoquées pour passer une journée dans mon unité, en présence du franchiseur”. Après même démarche pour Nicolas Claramond, qui reconnaît avoir eu la chance d’avoir des interlocuteurs de qualité chez Pôle emploi qui l’ont beaucoup aidé, notamment sur les postes en cuisines qui sont des recrutements assez complexes car les métiers sont sous tension et les horaires contraignants.
Laurent Dufy, il a fallu faire confiance. “Le recrutement est quelque chose de complexe. En général en franchise, on se lance sans être issu du secteur d’activité dans lequel on va travailler. C’est justement pourquoi les premiers recrutements sont essentiels, car je n’avais pas les diplômes nécessaires à l’activité de mécanicien. On ne peut pas exercer sans, c’est obligatoire. Cela s’est donc fait en fonction des CV et du feeling qu’il y a eu en entretien. J’ai eu de la chance car mes deux premières recrues sont très performantes, le premier a même été promu depuis”. Toutefois, il reconnaît que le troisième poste a été bien plus difficile à pourvoir. Entre temps, beaucoup de stagiaires sont passés au sein de l’entreprise, avec donc une opportunité d’embauche à la clé, mais le franchisé n’a trouvé personne de suffisamment motivé et sérieux à son goût. Il a même dû mettre fin à plusieurs périodes d’essai concernant ce poste, ne parvenant pas à trouver un bon mécanicien. C’est pourquoi Gérald Rancon est allé à la pêche aux conseils quand il a fallu embaucher : “La gestion de l’humain est à mon sens ce qu’il y a de plus difficile dans une entreprise, c’est le nerf de la guerre. C’est un vrai stress de recruter. Heureusement, j’avais dans mes relations une personne qui travaille dans un cabinet de recrutement et qui m’a beaucoup conseillé”. Pour certains, il a quelquefois fallu sévir…
Parfois même Père Fouettard
Un franchisé, comme tout chef d’entreprise, doit veiller à ce que l’attitude de ses salariés ne porte pas préjudice à sa structure. C’est ainsi qu’Alexandre Bruey a dû se séparer d’un membre de son équipe. “Deux périodes d’essai n’ont pas été concluantes car le comportement de ces personnes n’était clairement pas compatible avec un travail en équipe. Dans le magasin, tout le monde met la main à la pâte et fait tout, or ces recrues ne faisaient que ce qui les intéressait. Nous avons également dû licencier une personne qui a profité de mon absence un samedi pour modifier ses horaires. Elle est arrivée une heure plus tôt pour repartir deux heures plus tôt. Le samedi, qui est un jour de forte affluence, sa collègue s’est retrouvée seule pour tout gérer, les ventes, les bouquets, le nettoyage…” Après une semaine de mise à pied, le franchisé organise un entretien avec la salariée concernée et un représentant syndical. Lors de ce rendez-vous, il n’a pas l’impression que la jeune femme comprenne ce qui lui est reproché, il choisit donc de la licencier pour faute. Un premier licenciement dans sa vie d’entrepreneur qui n’est jamais un passage simple. “Nous avions à l’agence un monsieur qui a travaillé pour nous mais n’est pas resté longtemps car il n’avait pas l’esprit d’équipe. Cela nous pénalisait. Il est parti de lui-même car il a compris qu’il était plus fait pour travailler en indépendant”, révèle de son côté Thierry Pailhoux, franchisé Solvimo à Belleville (69). Ce n’est jamais évident à annoncer, même si vous prenez de la distance, car vous savez que ça a un impact économique sur une personne ou même une famille”. Gérald Rancon a quant à lui dû affronter un départ pour raisons personnelles récemment, par le biais d’une rupture conventionnelle. Bien que son salarié et lui soient en bons termes, il reconnaît que c’est une grosse perte qui le replonge dans le casse-tête d’un nouveau recrutement. D’autant qu’un franchisé se doit d’avoir l’oeil partout, surtout dans les premières années de son activité.
Mettre la main à la pâte
À ceux qui imaginent la vie de chef d’entreprise sous enseigne paisible, dans un bureau toute la journée, ne vous lancez pas. “Je fais tout sauf passer la serpillière et le nettoyage de la chambre froide. Mais s’il faut passer un coup de balai, réceptionner un arrivage… je ne vois pas pourquoi je ne devrais pas le faire. Je le savais avant de me lancer et c’est quelque chose que je trouve absolument normal, je le faisais également chez Casino, indique le franchisé Carrément Fleurs. Je n’ai aucun soucis par rapport à cela”. Plus que vos salariés, vous devrez être sur tous les fronts. C’est également le cas pour Nicolas Claramond, d’autant plus qu’il se trouve à la tête de trois établissements. Une façon pour lui de faire également preuve de beaucoup plus de crédibilité auprès de ses équipes. “Il faut être conscient que l’on met totalement la main à la pâte. Il est indispensable de savoir de quoi on parle, de montrer que l’on est là parce que l’on sait faire. C’est la preuve par l’exemple. Je suis d’ailleurs le renfort pour mes établissements, comme pour celui du centre-ville, que je vais venir épauler pendant la fête de la musique** qui draine une forte affluence”. Et pour la plupart ça n’a pas été une surprise. Gérald Rancon explique ainsi que grâce à Internet, il est possible de récolter de nombreuses informations ainsi que des témoignages d’entrepreneurs, franchisés ou non. “Tous disent que c’est dix fois plus difficile que ce qu’ils avaient imaginé. C’est bien résumé. Petit à petit, je suis de moins en moins sur le terrain mais plus au bureau pour gérer l’administratif à travers les plannings, les devis, les factures… Mon associé est plus sur les chantiers, mais il le fera aussi à terme. Cela se fait par étapes”. De son côté, Laurent Dufy a quitté un emploi de responsable projets en géomatique pour devenir franchisé Doc’Biker. Issu d’un père et d’un grand-père entrepreneurs, à la tête d’une concession familiale de tracteurs, la vie de chef d’entreprise est conforme en tous points à l’idée qu’il en avait. Il confie que le fait d’être père de famille l’a aidé à pouvoir donner des ordres de manière plus naturelle, tandis qu’il avait constaté que certains chefs d’entreprise ne parvenaient pas à transmettre de directives. “Tout n’est pas rose, il faut être conscient qu’il existe des côtés beaucoup moins sexy, c’est moi qui nettoie les toilettes ! Mais si on ne le fait pas soi-même personne ne le fait. Grâce aux journées passées chez un franchisé, j’avais une vision concrète du quotidien, raconte-t-il. Je ne lave pas seulement les toilettes mais le sol, la cuisine, c’est moi qui vais chercher une pièce en urgence si besoin, je gère l’administratif…” En matière de franchise, les maîtres-mots semblent être la polyvalence et l’adaptation !
* Source : Enquête annuelle de la franchise 2013 réalisée par l’Institut CSA pour la Banque Populaire et la Fédération française de la franchise, en partenariat avec L’Express.
** L’interview a été réalisée en juin.
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