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Fonds de commerce : comment votre contrat peut en diminuer la valeur

Tribune – Le commerçant en créant son fonds a l’espoir de gagner de l’argent pendant la période d’exploitation mais aussi de capitaliser lors de la revente. Or la complexité des contrats de distribution, qui contiennent souvent des clauses applicables lors de la vente du fonds de commerce, est la plupart du temps un obstacle à la valorisation de celui-ci. Par Monique Ben Soussen, avocate spécialisée dans la défense des franchisés.   Il est essentiel que les exploitants soient conscients, lors de la conclusion d’un contrat de distribution, de son impact sur la valeur du fonds. Or cette conséquence de la relation contractuelle, qui s’inscrit dans un moyen terme flou, est souvent reléguée dans une partie somnolente du cerveau de l’investisseur. Le désir de conclure peut être un obstacle à une approche rationnelle que nous allons tenter de réhabiliter.  

Des avantages indéniables…

Les commerçants “intégrés”, qu’ils soient dans les liens d’un contrat de franchise, de licence, ou de commission d’affiliation, bénéficient de l’attractivité de l’enseigne qui est mise à leur disposition et qui leur permet de drainer une clientèle préexistante attachée à la marque. Cet avantage indéniable peut être constaté à différents stades de l’exécution du contrat. Au démarrage : l’enseigne permet de bénéficier de la clientèle attachée à la  marque. Tout au long de l’exécution du contrat, l’exploitant travaille au développement de cette clientèle. Or, en fin de contrat le franchisé ne récupère pas nécessairement le bénéfice découlant de l’existence de celle-ci.  

À la fin du contrat

Paradoxalement, cet avantage se transforme en inconvénient à l’expiration du contrat et ce, quelle que soit la forme contractuelle dans la mesure où la clientèle reste attachée à l’enseigne. Celle-ci se dirige alors soit vers un autre point de vente sous la même marque, soit  vers le site Internet de la tête de réseau. Il faut tenir compte de ce mode de commercialisation qui, bien qu’inéluctable, s’analyse en un concurrent des distributeurs. De nombreux réseaux de distribution de produits ont mis en place des sites permettant aux consommateurs de commander directement les produits proposés qui leur sont alors vendus par le fournisseur/franchiseur.  

Des profits qui reviennent à la tête de réseau

La vente en ligne est aujourd’hui le premier concurrent du franchisé. Le franchiseur détient souvent le fichier clients du franchisé et peut alors les inonder de courriers promotionnels ! À la fin du contrat, le site permet aux clients de mettre en place une solution de substitution rapide et confortable. Elle est également optimale pour le franchiseur qui traite en direct les clients. Ainsi la clientèle du fonds est transférée, sans bourse délier… vers la tête de réseau !  

Un franchisé qui ne peut plus exploiter son fonds de commerce

L’ancien partenaire, peut-il, sous une autre enseigne, poursuivre l’exploitation de son fonds dont il reste théoriquement propriétaire ? Cette solution serait logique dans la mesure où nul ne conteste au commerçant la propriété de son fonds de commerce. Malheureusement ce raisonnement se heurte à la présence de clauses de non concurrence ou de non affiliation qui ont théoriquement pour but de protéger le savoir-faire du franchiseur. La dangerosité de ces clauses est souvent sous-estimée lors de la signature du contrat. Pourtant, elles aboutissent à interdire au franchisé soit de poursuivre la même activité, soit a minima de rejoindre un autre réseau. En clair, le franchisé a alors la propriété d’un fonds de commerce mais il  ne peut exploiter celui-ci que dans des conditions qui vont en obérer considérablement la rentabilité, écornant ainsi son droit de propriété.  

Soyez attentifs aux clauses…

La clause de non affiliation, qui apparaît souvent comme un moindre mal, permet au commerçant de poursuivre la même activité à condition de ne pas rallier un réseau quel qu’il soit. Il ne peut exploiter que sous sa propre enseigne…la pérennité du fonds dépend alors du secteur d’activité dans la mesure où l’importance de l’enseigne varie considérablement d’un secteur à l’autre.  

… en fonction du secteur

À titre d’exemple, rappelons simplement que l’enseigne joue ainsi un rôle plus important dans la distribution de produits que dans les services où la relation personnelle qui se tisse avec les clients est déterminante. La perte de l’enseigne n’aura pas nécessairement des conséquences dramatiques pour le détaillant qui aura su fidéliser une clientèle locale plus attachée à la qualité de la prestation qu’à la notoriété de la marque. La clause de non affiliation peut donc avoir des conséquences très lourdes sur la valeur du fonds lorsque l’activité relève d’un secteur où le produit et la marque sont déterminants.  

La clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence, quant à elle, interdit purement et simplement au commerçant de poursuivre la même activité ; la jurisprudence conditionne sa validité à plusieurs conditions : elle doit être limitée à une année, au local pour lequel le contrat a été signé, et elle doit être indispensable à la protection du savoir-faire du franchiseur/ concédant. Ces limitations, apparemment favorables au détaillant, sont trompeuses car constituant une protection totalement illusoire : que peut faire le franchisé de son fonds s’il ne peut l’exploiter ne serait-ce que pendant une année ?  

Une valeur du fonds qui disparaît

Le fait de limiter à une année l’interdiction de l’exploitation n’a guère de sens car le commerçant ne peut envisager de payer pendant cette période les loyers et salaires… sans avoir la moindre rentrée ! En imaginant même que le commerçant dispose d’une trésorerie lui permettant d’assumer cette situation, il serait alors en  contradiction avec le bail des locaux … qui, d’une part, prévoit limitativement les activités autorisées et, d’autre part, autorise la résolution en cas de fermeture… La clause de non concurrence, de par les contraintes et contradictions qu’elle induit, aboutit fréquemment à une cession du fonds ou du droit au bail par le commerçant qui est alors propriétaire d’un fonds dont la valeur fond comme neige au soleil. Conclusion : le franchisé ne doit pas s’imaginer qu’il va capitaliser au moment de la vente de son fonds de commerce car… rien n’est moins sûr !  

Monique Ben Soussen, avocat au barreau de Paris, cabinet BSM avocats

BSM avocats

Monique Ben Soussen a prêté serment en 1978, à une époque où la franchise démarrait et n’était encore qu’embryonnaire. Avocate, elle avait alors 22 ans et s’est très vite intéressée à cette forme d’organisation des réseaux. Aujourd’hui, elle s’est spécialisée dans la défense des franchisés. Pour elle, la franchise est une forme de commerce qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

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