La recherche de financement reste le nerf de la guerre pour les porteurs de projets désireux de rejoindre une franchise. Pour les accompagner dans cette quête, où le niveau d’apport personnel fait office de juge de paix, de plus en plus de têtes de réseaux négocient des partenariats avec des banques, des courtiers, des fonds d’investissement et des plates-formes de crowdfunding.
Sans surprise, c’est d’abord vers les pôles Franchise des banques que se tournent les têtes de réseaux pour négocier ces partenariats qui ont en général un double objectif : accélérer le traitement des dossiers et faciliter l’accès au financement. “Ces accords ne donnent lieu à aucun contrat, ni à aucune forme d’engagement ou d’exclusivité pour la banque, la franchise et le franchisé, souligne en préambule Caroline Lucas, directrice de la Franchise du groupe Crédit du Nord. Ils s’apparentent plus à des dispositifs informels de référencement réservés à des réseaux que notre pôle Franchise a passés au crible, et qui lui semblent les plus dynamiques et les plus solides.” Cette étude préalable porte sur le concept, le savoir-faire de l’enseigne, la solidité du business model et la rentabilité du réseau… “Nous passons également en revue toute la documentation juridique afin de nous assurer que les droits et devoirs des franchiseurs et de leurs franchisés sont bien équilibrés, et que les têtes de réseaux jouent leur rôle”, ajoute Caroline Lucas.
De la bienveillance mais pas de passe-droit
Ce référencement n’implique aucune garantie de financement. Le travail d’analyse des dossiers transmis par les enseignes référencées est d’ailleurs le même que pour toutes les créations d’entreprises comme le confirme Caroline Lucas. “Nous nous assurons de la cohérence du prévisionnel, de l’emplacement proposé, et de l’adéquation entre les compétences et le parcours du créateur avec la nature de son projet. La règle des 30 % d’apport personnel doit aussi être respectée. Cela étant dit, un dossier soumis par un réseau partenaire est regardé avec plus de bienveillance par nos conseillers du fait de l’audit réalisé en amont par le pôle Franchise.”
Pour les têtes de réseaux, ces dispositifs de référencement présentent bien des avantages comme le reconnaît Cristiano Sereni, le co-fondateur d’Amorino, une enseigne qui regroupe 200 points de vente dans 17 pays. “Pour un réseau comme le nôtre, qui ouvre chaque année une trentaine de nouveaux points de vente, les partenariats de référencement négociés avec nos deux banques historiques, le Crédit du Nord et HSBC, sont un vrai gage de sécurité car à ce jour, tous les dossiers que nous leur avons soumis ont été financés.” Pour faciliter et accélérer le financement de son réseau, qui fédère aujourd’hui une trentaine de points de vente, Fresh Burritos s’appuie, lui aussi, sur deux partenaires bancaires : Société Générale et HSBC. Avec sensiblement le même taux de réussite qu’Amorino. “À ce jour, un seul dossier a fait l’objet d’un refus pour cause d’apport insuffisant, souligne Timothée Tronet, le dirigeant de cette enseigne de restauration mexicaine créée en 2011.
Les plates-formes de crowdfunding commencent en effet, elles aussi, à référencer les enseignes en vue de financer les dossiers de franchisés. “Mais attention, à ma connaissance, seuls Lendopolis et Credit.fr se positionnent sur la création, toutes les autres se concentrent sur le développement, souligne Nathalie Dubiez, la fondatrice d’Aureabee. Le cabinet spécialisé en stratégie financière et en financement participatif a, en trois ans, accompagné 25 réseaux en stratégie et une quarantaine dans le référencement avec Lendopolis qui a d’ailleurs structuré pour ses 40 réseaux référencés à ce jour une offre dédiée. En trois ans, elle a permis de lever 4 millions d’euros auprès de prêteurs particuliers, avec une moyenne de 73 000 euros par collecte, et des prêteurs qui investissent entre 150 et 200 euros.
“Notre intervention auprès des franchises peut prendre plusieurs formes, explique Marie Rabeisen, responsable Développement Entreprises de Lendopolis. Nous pouvons d’abord aider un porteur de projet à compléter son apport personnel pour atteindre les 30 % exigés par les banques, car contrairement aux banquiers, nous faisons un distinguo entre le profil du porteur de projet et sa capacité financière à s’engager”. Lendopolis finance aussi les besoins immatériels des franchisés quel que soit leur stade de développement : le BFR, le stock, même initial, l’agencement du point de vente à la charte graphique de l’enseigne…, “des postes que les banques sont en général réticentes à financer en l’absence de garanties”, rappelle Marie Rabeisen.
Marie Rabeisen
Responsable développement entreprises de Lendopolis
« La levée de fonds sur notre plate-forme offre de la visibilité auprès de nos 22 000 prêteurs inscrits. Et lorsque vous vous retrouvez en moyenne avec 500 prêteurs, ceux-ci se transforment en ambassadeurs du point de vente, voire en futurs clients »
Aux porteurs de projets envoyés par les enseignes référencées, Lendopolis s’engage, elle aussi, à réserver un traitement privilégié. “Leurs dossiers sont traités plus rapidement puisqu’en général, nous apportons une réponse sous 48 heures, assure Marie Rabeisen. Et lorsqu’un dossier est accepté, il nous faut en moyenne neuf jours pour collecter les fonds, les collectes inférieures à 50 000 euros étant, elles, bouclées en quelques heures.” Les conditions de taux sont comprises entre 4 et 9,5 %, sur 5 ans maximum en création, auxquels vient s’ajouter une commission de 3 ou 4 % du montant collecté. Le niveau élevé de ces taux, rendent le crowdlending plus cher que le prêt bancaire, qui se négocie, lui, à moins de 2 %. Cet écart est lié aux conditions de marché comme l’explique Nathalie Dubiez.
Pensez aux courtiers
Les courtiers en financement d’entreprise comme Access Crédits Pro, CrédiPro, Crédit Relax ou Pretpro.fr proposent, eux aussi, aux franchises des solutions de référencement. “Nous avons à ce jour référencé près de 150 têtes de réseaux pour qui nous avons levé plus de 200 millions d’euros de fonds depuis la création du cabinet en 2006, avec un montant de financement moyen de 250 000 euros”, confie Benoit Fougerais, le directeur général de Pretpro.fr, un réseau de courtiers composé de 50 collaborateurs dans 23 centres d’affaires répartis sur tout le territoire, et qui réalise 70 % de son CA dans la franchise. À travers ces référencements, Pretpro.fr s’engage à financer un dossier complet dans les 30 jours. “En passant par un courtier qui va soumettre son dossier à toutes les banques de la place, mais aussi aux plates-formes de crowdfunding, aux aides régionales, et aux sociétés de co-financement et de contre-garantie, le porteur de projets gagne aussi un temps considérable, souligne Benoit Fougerais. Cette mise en concurrence nous permet d’obtenir dans 100 % des cas, des économies supérieures à notre coût d’intervention qui se limite à 2 ou 3 % du montant du financement obtenu.”
10 % d’apport
“Les prêteurs sur les plates-formes attendent un rendement net d’au moins 3 %. C’est donc le prix à payer pour faire aboutir de bons dossiers qui seraient recalés par les banques faute d’apport personnel.” Tous ces arguments ont convaincu Timothée Tronet de signer un partenariat de référencement avec Lendopolis qui a déjà débouché sur deux collectes de 50 000 euros et 100 000 euros. “Dès que nous avons un bon candidat en manque d’apport personnel, et avec un besoin urgent de financement, nous l’invitons à frapper aux portes de Lendopolis car les levées de fonds sont faciles à mettre en place et très rapides.”
Les robinets sont ouverts
Le marché du financement de la franchise se porte très bien, merci pour lui… “Tous les acteurs de l’écosystème ont compris depuis longtemps qu’investir dans un réseau s’appuyant sur un concept performant, et qui fait bien son travail de sélection, d’intégration et d’animation de ses franchisés, présente plus de gages de réussite qu’une entreprise traditionnelle”, rappelle Nathalie Dubiez, la fondatrice d’Aureabee. Caroline Lucas, directrice de la Franchise du groupe Crédit du Nord, est sur la même longueur d’ondes. « En jouant collectif, les réseaux se distinguent par un modèle plus sécurisant, avec un taux de succès de 80 % à cinq ans. Pour les entreprises individuelles, le ratio tourne plutôt autour de 50 %. » Cette bienveillance à l’égard des franchises a d’ailleurs conduit le groupe Crédit du Nord à doubler le volume de crédits en trois ans. Seul nuage dans ce paysage : l’exigence des banques en matière d’apport personnel. Il a singulièrement augmenté ces dernières années pour passer de 15 à 30 %, voire 35 % dans certains cas. D’où l’importance de mobiliser des circuits alternatifs pour contourner l’obstacle…
Caroline Lucas
Directrice du pôle Franchise du groupe Crédit du Nord
« Nous nous engageons à ce que le conseiller en local prenne contact avec le créateur sous 48 heures, et l’accompagne tout au long du processus de création de son entreprise pour faire grandir son idée »
De son côté, Cristinao Sereni pointe une limite à ce financement complémentaire aux prêts bancaires. “Cet argent emprunté va alourdir la charge de remboursement du nouveau franchisé les premières années d’activité. Ce qui risque donc de mettre en péril son business model.” Cette volonté de ne pas pénaliser les créateurs d’entreprise en début d’activité est au cœur du modèle du fonds d’investissement Monte Ta Franchise. Comme son nom l’indique, cette plate-forme a pour vocation d’accompagner les porteurs de projet avec une promesse choc : monter sa franchise avec 10 % d’apport personnel. Pour tenir cet engagement, Monte Ta Franchise dispose d’une enveloppe de 50 millions d’euros collectés auprès d’investisseurs institutionnels et d’un modèle d’investissement qui n’existait pas jusqu’à présent dans l’univers de la franchise. “Nous accordons en effet aux porteurs de projets, en complément des financements bancaires, des prêts sous forme d’obligations à bons de souscription d’actions de 40 000 euros à 600 000 euros, précise Yasmine Hamraoui, la directrice associée. Grâce à ce dispositif, le créateur ne commence à rembourser cet emprunt qu’après avoir soldé tous ses prêts bancaires au bout de cinq ou sept ans.” Financés aux conditions du marché obligataire, à des taux d’intérêts compris entre 6 et 8 %, les prêts accordés par Monte Ta Franchise sont soumis à une condition. “Pour être éligible, un porteur de projet doit impérativement s’installer dans un quartier populaire car tous nos investissements ont aussi une vocation sociale”, souligne Yasmine Hamraoui.
Yasmine Hamraoui
Directrice associée de Monte Ta Franchise
« En un peu plus d’un,nous avons déjà financé une trentaine de projets pour un montent moyen de 120 000 euros. Et la cadence devrait s’accélérer puisque nous ambitionnons de réaliser 300 investissements à horizon cinq ans »
Monte Ta Franchise a, elle aussi, placé le référencement des enseignes au cœur de son modèle à travers des conventions qui ne comportent pas d’engagement financier, mais permettent d’établir une relation de confiance et de garantir le sérieux de ces réseaux aux candidats. Fresh Burritos fait partie des 35 franchises à avoir signé une convention avec Monte ta Franchise. “Nous avons fait appel à cette plate-forme pour un franchisé qui voulait ouvrir un troisième point de vente, et à qui il manquait 60 000 euros d’apport, confie Timothée Tronet. Avant de soumettre son dossier, l’enseigne a fait l’objet d’un audit très poussé, et le suivi des consultants est beaucoup plus régulier que celui des banquiers.” Après cette première opération réussie, Timothée Tronet entend “renouveler l’expérience dès que nous aurons des candidats éligibles en termes d’emplacement, et que le besoin de financement ne sera pas urgent.”
Thimothée Tronet
Fondateur de Fresh Burritos
« Le fait que des particuliers acceptent d’investir sur un projet de création via une plate-forme de crowdfunding comme Lendopolis a quelque chose de rassurant pour le banquier »