Crise sanitaire, inflation, déclin d’enseignes de prêt-à-porter, la situation est on ne peut plus profitable aux acteurs de la seconde main en France, qui voient là une opportunité de (ré)émerger sur le territoire et d’attirer la clientèle avec des pièces rares et pour tous les prix. Comme au sein du groupe multi-enseignes D.B Invest, (Culture Vintage, Hippy Market, Kilo Shop et Kiliwatch Paris), qui aimerait doubler le parc commercial d’ici les trois prochaines années, via des ouvertures en franchise et en succursale. Explications avec Eric Rey, à la direction retail du groupe.
Qui aurait cru que l’enseigne Eureka Fripe, crée en 1974 à Rouen par Bernard Graf (sous la holding D.B Invest), serait un acteur précurseur en matière de vente de vêtements de seconde main en France ? Depuis sa création en effet, d’autres enseignes ont émergé, toujours sous la propriété de D.B Invest, jusqu’à mailler tout le territoire. “Nous avons terminé l’année avec 21 millions d’euros de chiffre d’affaires pour un parc de 54 boutiques, toutes enseignes et corners confondus”, explique ainsi Eric Rey, à la direction retail du groupe, représentant les deux franchises Hippy Market (premium) et Kilo Shop (vêtements au poids depuis 2012), ainsi que Culture Vintage (corners de vêtements recyclés présents aux Galerie Lafayette) et la boutique Kiliwatch Paris (vêtements neufs et d’occasion depuis 1996).
L’objectif du géant de la seconde main désormais ? Continuer à faire le bonheur des chineurs dans tous ses points de vente, tout en prônant un retail plus écologique, quand d’autres acteurs de la mode et du textile sont tombés dans l’excès (fast-fashion) ou que leur modèle économique n’a pas résisté à la crise sanitaire, ni à la hausse de l’indice des loyers commerciaux, ni à la hausse du coût des matières premières (prêt-à-porter, chaussure). Et ce, quand le prix reste le premier critère d’achat d’un vêtement, tous circuits et toutes époques confondues, loin devant l’esthétique, la qualité du produit, ou encore son origine, ses conditions de production et sa potentielle recyclabilité, pour les consommateurs, comme l’indique l’Observatoire de la consommation responsable. De ce fait, l’enseigne entend ouvrir davantage de magasins Kilo Shop et Hippy Market, dans tout l’hexagone.
Densifier le réseau Kilo Shop en France et en Europe
“Les perspectives de Kilo Shop sont bonnes. Nous avons remis l’enseigne au goût du jour en 2012 et son flagship historique du Marais (Paris 4ème) attire toujours autant de clients avec un ticket moyen de 22 euros en province, contre 28 à Paris. L’enseigne, franchisée depuis 2017, a également fait douze millions deux cent mille euros de chiffre d’affaires en 2022, franchises et succursales incluses, quand en 2020, c’était autour de 5 millions. Et en 2019, neuf millions environ”, précise ainsi Eric Rey.
“Nous avons donc l’ambition, désormais, de proposer le concept en affiliation et en franchise en France, tout en proposant le concept en franchise à l’étranger. Kilo Shop est déjà présent en Grèce au travers de deux magasins à Athènes par exemple. Et nous sommes en passe de signer avec un master-franchisé en Allemagne à Fribourg-en-Brisgau. L’idée étant d’ouvrir 14 magasins en 4 ans dans ce pays. Et à terme, d’avoir 25 magasins en tout, sur le réseau, sur une douzaine d’années. Nous devrions aussi, avec ce même partenaire, ouvrir en Belgique, et avec un associé, pour le faire”.
L’objectif donc, pour le dirigeant quand l’enseigne née en 1980 compte à ce jour 10 succursales et 9 franchises, principalement implantées dans la capitale ? “Doubler le parc Kilo Shop au cours des trois prochaines années, toutes implantations confondues, en plus d’ouvrir une nouvelle succursale boulevard Saint-Michel à Paris début avril”. Et ouvrir dans des emplacements numéro un, comme dans des villes étudiantes et touristiques pour capter un maximum de flux.
“Nous sommes déjà présents à Lyon, Nantes et Rennes, mais pas encore à Montpellier, ni à Nice, Toulon, Bordeaux, Lille, Metz et Biarritz, alors il y a encore beaucoup de territoires à mailler ! ”, ajoute Eric Rey également très attentif à la hausse du coût du foncier.
Car, “si toutes ces enseignes ferment ou s’avouent en grande difficulté économique, c’est aussi parce qu’elles subissent une course effrénée au loyer, dans un emplacement phare avec des baux à des prix exorbitants et se retrouvent à travailler, non pas pour elles-mêmes, mais pour des foncières, au final ! Alors, pour nous qui souhaitons nous étendre, nous faisons très attention à ce sujet-là à l’égard de nos franchisés. Il n’est pas question, quand cela m’est proposé, qu’il y aient des reprises de commerces à 2 ou 3 millions d’euros ! Parce que le but de ce modèle économique est bel et bien de faire en sorte que nos franchisés puissent vivre de leur activité ! ”, poursuit ce dernier.
En parallèle, la direction continue d’étoffer son parc sous le concept Hippy Market, né en 2010, qui prône cette fois-ci des collections premium, généralement adressés “à des profils collectionneurs et autour d’un panier moyen à 40 euros”. Car si l’enseigne dispose de 5 adresses à ce jour, soit 3 en propre et 2 en franchise, réparties entre Paris, Nice et Rouen, “on aimerait bien doubler ses effectifs dans les trois prochaines années”, ajoute Eric Rey.
En outre, D. B Invest poursuit ses autres activités dans la vente de vêtements, sous le concept Culture Vintage, né en 2008. Avec à ce jour, une présence de l’enseigne dans 24 corners Galerie Lafayette.
“Soit un modèle de revente de créations qui nous sont propres, fabriquées par des couturières en France et upcyclées donc, puisqu’on y injecte aussi de la fripe provenant d’usines de recyclage, pour être revendues en corners Galerie Lafayette. Et ainsi offrir une seconde vie à ces vêtements”, complète le dirigeant. En revanche, il n’est pas prévu d’en ouvrir d’autres actuellement. Par ailleurs, précise Eric Rey, “nous n’achetons aucune marchandise à la clientèle. Tout provient de ces usines de recyclage et du monde entier, sachant que nous avons besoin de grandes quantités pour fournir tout notre parc de boutiques et la clientèle, en tant que grossistes”.
À ce jour en effet, tous les magasins du groupe s’approvisionnent via un entrepôt de 24 000 m² , situé à Rouen, où transitent des pièces (et accessoires) en provenance du monde entier.
Investir entre 60 000 et 100 000 euros dans la fripe
Enfin, pour celles et ceux qui voudraient investir dans la seconde main sous ces deux concepts, notez qu’il faudra s’engager, pour chacun, autour d’un contrat de franchise de 6 ans. “Pour Hippy Market, comptez un investissement d’environ 60 000 euros, une marge en franchise de 63% et pour l’affiliation, une marge de 55% pour un investissement d’environ 40 000 euros. Avec un droit d’entrée à 15 000 euros (hors fonds de commerce)”. Pour Kilo Shop en revanche, poursuit le dirigeant, “il faudra prévoir environ 100 000 euros d’investissements, avec un droit d’entrée de 20 000 euros (hors fonds de commerce) et une redevance de 3 %, tout comme pour Hippy Market. Mais la marge de Kilo Shop en franchise est de 67 % , contre 57% sous le modèle de l’affiliation, avec un investissement d’environ 70 000 euros pour ce modèle-là”.
En outre, si comme dans tout réseau de franchise la formation initiale est obligatoire (dix jours pour chaque concept ici), D.B Invest n’impose pas de redevances publicitaires pour l’instant. “Les frais de communication et de marketing sont actuellement offerts aux franchisés car nous manquons encore de personnel pour cela. Et parce que les partenaires ont déjà la main sur leur propre communication locale. Et peuvent mener des opérations complémentaires en local, à leurs frais s’ils le souhaitent”, assure le dirigeant. “Les multi-franchisés en devenir sont également les bienvenus, même si nous n’en avons pas encore à ce jour. Mais ce sera développé dans les années à venir !”
Quant au réassort des collections, toutes enseignes confondues, nul besoin de s’inquiéter, il y a du nouveau en continu et pour tous les styles. “Dans une boutique Kilo Shop, telle que celle du Marais, d’une superficie de 400 m², par exemple, on va placer 4 tonnes, soit environ 16 000 pièces. Avec, un réassort hebdomadaire de 1 000 kg, soit 4 000 pièces”, conclut Eric Rey. Rien ne se perd dans les malles et les armoires, tout se transforme et se customise pour rester tendance!
*Le prix des vêtements varie selon la couleur de l’antivol. Rouges, ils représentent 20 euros le kilo, verts, 30 euros le kilo, puis bleu pour 40 euros et orange pour 60 euros. On paie par rapport au poids du vêtement. Une chemise, étiquetée bleue de 200 grammes, équivaut ainsi à 8 euros.