Environ 1/4 des franchisés se disent attirés par l’ouverture d’un autre point de vente. Mais attention : ce projet doit se préparer en amont, notamment au niveau des équipes. Heureusement, il est généralement possible de compter sur l’accompagnement de son franchiseur.
La multi-franchise attire de nombreux franchisés. D’après la 17
e enquête annuelle de la franchise menée par la Fédération française de la franchise et le groupe Banque Populaire, ce sont 27 % des franchisés qui ont l’intention d’ouvrir un nouveau point de vente. L’étude révèle par ailleurs que 26 % des franchisés ont plusieurs entreprises en franchise (15 % exploitent 2 points de vente et 11 % 3 ou plus). Être multi-franchisé offre en effet de nombreux avantages : mieux gagner sa vie, évidemment, mais aussi réaliser des économies d’échelle ou encore mieux gérer ses ressources humaines. Il est en effet possible de faire passer les salariés d’un établissement à l’autre, pour parer à des absences mais aussi proposer des évolutions de carrière.
“La multi-franchise apporte de la pertinence dans un projet global”, estime Naoual Merhfour, directrice du développement de la franchise pour Bertrand restauration (enseignes de restauration à table du Groupe Bertrand).
Profil de gestionnaire
Si la multi-franchise peut être séduisante, il faut être conscient que ce n’est pas la même chose de gérer un point de vente et plusieurs : avec un seul point de vente, on est un commerçant ; avec plusieurs, on devient un chef d’entreprise à plus grande échelle. Ce qui nécessite certaines qualités.
“Il est essentiel d’être un bon gestionnaire : si le chiffre d’affaires est plus important, les charges le sont aussi”, note Jean-Luc Cohen, co-fondateur du cabinet Framboise.
“Il faut posséder un profil de gestionnaire et surtout être capable de déléguer. Or, tout le monde n’est pas à l’aise avec l’exercice”, poursuit Laurent Delafontaine, dirigeant et co-fondateur d’Axe Réseaux.
Il faut en effet pouvoir faire confiance à des salariés qui géreront les points de vente, à leur façon.
“S’il n’y a pas cette confiance, le franchisé s’épuisera à passer sans cesse d’un point de vente à l’autre et cela ne fonctionnera pas”, avance Laurent Delafontaine. Il insiste également sur le fait qu’un multi-franchisé doit être un manager dans l’âme. “
Son rôle est de recruter, de manager à distance, de faire évoluer”, énumère-t-il. “
Il faut être un meneur d’Hommes, être capable de fédérer une équipe un peu plus importante”, ajoute Matthieu Mauthé, directeur franchise et développement France chez Provalliance. Un multi-franchisé a beau gérer de multiples affaires, il ne se transforme pas pour autant en simple investisseur : il reste un chef d’entreprise, à la barre de sa propre affaire, qu’il doit gérer non seulement au niveau financier mais aussi des ressources humaines.
Anticiper est clé
Même si le franchisé possède ces qualités de gestionnaire et de manager, il ne s’agit pas de se lancer dans l’aventure de la multi-franchise sans anticipation. Ce n’est pas parce que le franchisé a déjà ouvert un point de vente et que ce dernier fonctionne bien qu’il doit oublier de prendre toutes les précautions nécessaires lorsqu’il en ouvre un deuxième, un troisième un quatrième, etc. Jean-Luc Cohen conseille de redemander un DIP au franchiseur, les choses ayant pu évoluer depuis l’ouverture du premier point de vente.
“De nouveaux concurrents peuvent troubler la partie, par exemple. Avoir un état général du marché permet de réaliser un business plan en toute connaissance de cause”, pense-t-il.
“La notion du risque financier est à appréhender suffisamment en amont. Les investissements sont lourds”, met en garde Naoual Merhfour.
Elle conseille de bien s’entourer, aussi bien en interne qu’en externe (conseils, banquiers…). “
La clé est d’anticiper : il faut préparer ses comptes, sa trésorerie, son personnel…”, énumère Jean-Pierre Barnier, directeur international et business development chez Speedy, qui conseille de prévoir au moins un an de préparation. Pour Laurent Delafontaine, un franchisé ne peut ouvrir plusieurs points de vente que lorsque l’équipe de son premier établissement est bien stabilisée et qu’un des salariés est en mesure de jouer le rôle de directeur. Il est rejoint sur ce point par Matthieu Mauthé qui pense qu’un tel projet se construit avant tout autour des hommes et des femmes. “
Il faut former des managers. C’est un préalable qui est essentiel : si les équipes ne sont pas prêtes, la multi-franchise risque d’être un échec”, prévient-il. Il indique par ailleurs qu’à partir de 6/7/8 salons, il est nécessaire d’embaucher un coordinateur pour se faire accompagner sur la gestion de l’exploitation courante.
Trouver le meilleur emplacement
Heureusement, le franchisé qui souhaite ouvrir plusieurs points de vente peut généralement compter sur l’appui de son franchiseur. Le service développement de Provalliance s’attèle notamment à trouver le bon emplacement, à proximité de la première affaire. “
La proximité entre les affaires permet d’être efficace : on fait en sorte de rester dans un rayon de 30/45 minutes”, précise Matthieu Mauthé. Le groupe Bertrand accompagne aussi ses franchisés à trouver le meilleur emplacement mais également à obtenir les bons financements.
“Souvent, le franchiseur apporte une assistance sur le montage des dossiers bancaires. Une équipe accompagne aussi au démarrage”, remarque Laurent Delafontaine.
Cette assistance est notamment marketing mais aussi logistique et organisationnelle. Chez Speedy, est mis à disposition des futurs multi-franchisés un éco-système de partenaires : experts-comptables, courtiers, assureurs, gestionnaires du patrimoine, etc. Des formations sont évidemment également dispensées, auprès du franchisé afin qu’il réussisse à endosser son nouveau rôle mais aussi de ses équipes. Chez Provalliance, les futurs multi-franchisés passent du temps avec les coordinateurs des succursales du groupe afin de comprendre comment on passe d’un salon à l’autre. “
Nous avons aussi développé des modules de formation orientés entrepreneurs afin de répondre aux problématiques des multi-salons, notamment sur la dimension managériale”, décrit Matthieu Mauthé.
Et la pluri-franchise ?
Si l’enquête de la Fédération française de la franchise et du groupe Banque Populaire révèle que la majorité des franchisés qui souhaitent ouvrir un nouveau point de vente a envie de le faire avec la même enseigne, certains préfèrent travailler sous différentes marques. C’est le cas de Patrick Longevial qui détient 12 établissements sous différentes enseignes du groupe Provalliance : Franck Provost, Coiff&Co, The Barber Company mais aussi Bleu Libellule.
“Cela me permet de diversifier mes activités, de ne pas mettre tous mes œufs dans le même panier mais aussi d’avoir une vie professionnelle plus riche”, explique-t-il.
À l’image de la multi-franchise, le franchisé qui se dirige vers la pluri-franchise doit posséder certaines qualités.
“Il faut avoir les dispositions nécessaires pour passer d’un concept à un autre ; il faut faire preuve de gymnastique intellectuelle”, pense Naoual Merhfour, qui indique que les pluri-franchisés du Groupe Bertrand sont accompagnés dans l’appropriation des différents concepts, notamment via des immersions. Patrick Longevial approuve : il ne souhaite pas diversifier son activité au-delà de quatre enseignes différentes.
“Chaque marque a son concept propre, mais aussi son image, sa formation… Il faut réussir à suivre”, indique-t-il. Il conseille, pour réussir, de faire preuve d’humilité, d’accepter de repartir de zéro avec chacune des nouvelles enseignes. Si être pluri-franchisé avec le même franchiseur est possible dans certains grands groupes comme le Groupe Bertrand et Provalliance, certains franchisés qui souhaitent avoir plusieurs activités doivent travailler avec différentes têtes de réseau. Il faut pour cela s’assurer que les franchiseurs permettent la pluri-franchise (lire notre rubrique
L’Interrogatoire, page 62).
“La multi-activité est quelque chose que nous appuyons chez Speedy, dans le cas où l’autre activité est connexe, non concurrente. C’est intéressant parce que cela permet de nourrir l’entreprise de notre franchisé”, rapporte Jean-Pierre Barnier, qui donne l’exemple de la location de véhicules qui apporte un flux d’activité aux centres Speedy. Il met cependant en garde sur les connaissances à acquérir vis-à-vis de l’autre activité exercée. Que ce soit en pluri-franchise ou en multi-franchise, se lancer dans l’ouverture de différents établissements ne doit pas être pris à la légère.