Damien Cacaret est le directeur général et co-fondateur de Domidom. Il revient sur son parcours et sur les spécificités de son métier.
Quel a été votre parcours ?
Je suis un jeune entrepreneur puisque lorsque j’ai lancé Domidom, j’avais moins de 30 ans. Je suis docteur en pharmacie et j’ai fait également une école de commerce. Quand j’ai créé cette entreprise, je sortais du campus d’HEC Paris.
Pourquoi ne pas avoir lancé un projet dans le monde de la pharmacie ?
Mon ambition était d’entreprendre. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai fait une école de commerce après mes études de pharmacie.
Et ouvrir une pharmacie n’était pas une forme d’entrepreneuriat satisfaisante…
Ouvrir une officine est quelque chose de très établi, très structuré, très normé, etc. Cela ne donne pas beaucoup de latitude à un chef d’entreprise. J’ai eu la chance d’intégrer une grande école parisienne, j’ai saisi cette opportunité qui m’a ouvert d’autres portes, d’autres rencontres et notamment celle avec notre actionnaire actuel, Philippe Austruy. Lui était à la tête d’un groupe de cliniques de soins de suite et de maisons de retraite (à l’époque Medidep). Toujours visionnaire, il a commencé à imaginer en 2002 ce que pouvait être un service d’aide à domicile en synergie très forte avec ses activités en établissements de santé. Le groupe avait des cliniques de rééducation et de soins de suite. L’idée était de proposer un accompagnement dans une suite logique pour le retour à domicile. C’est comme cela que Domidom est né.
Le positionnement a-t-il changé depuis ?
Il s’est passé beaucoup de choses depuis puisque Domidom fête ses 10 ans. Il y a eu d’abord une première phase expérimentale durant laquelle nous avons défriché. Nous étions les seuls privés à intervenir dans le métier du maintien et du retour à domicile. Ensuite, nous avons eu une deuxième phase un peu euphorique. Nous avons surfé sur la vague du plan Borloo. À cette époque, Domidom a pris son envol et est devenu une structure totalement indépendante du groupe que nous avons évoqué. Nous nous sommes même diversifiés. Nous sommes allés au-delà de notre cœur de métier qui est la prise en charge de la personne âgée dépendante. Nous nous sommes mis à parler aux actifs pour proposer des services de garde d’enfants et d’entretien de la maison. Je ne vais pas dire que cela a été une erreur, mais nous avons surfé sur cette vague de communication très forte sur les services à domicile. Nous sommes allés nous frotter un peu les ailes là-dessus.
Se frotter ou se brûler les ailes ?
Je ne peux pas dire “brûler” car cela nous a vraiment permis – pour poursuivre la métaphore -, de nous envoler. Nous avions des croissances de chiffre d’affaires de 40 à 50 % par an, de 2007 à 2010. Nous nous sommes développés très fortement, mais en nous éloignant un peu de notre cœur de métier. Et puis en 2010, j’ai souhaité recentrer Domidom sur ce dernier car j’ai senti que c’était sur celui-là que les besoins allaient augmenter. Et surtout que c’est ce métier qui resterait privilégié parce que la prise en charge des seniors et du handicap est une problématique de santé publique en France. Il suffit de regarder la pyramide des âges. Dans nos métiers, à part le secteur associatif, il n’y avait quasiment rien à l’époque. Si, le travail au noir ! Nous notre champ d’action était vraiment de prendre des parts de marché sur le travail au noir.
Cela signifie-t-il que pour être crédible dans ce domaine, sur des sujets aussi sensibles, il faut être sur un seul métier ?
Aujourd’hui je le pense. Il faut que l’on devienne des spécialistes car nous prenons en charge des personnes de plus en plus âgées, de plus en plus dépendantes et avec l’émergence de pathologies de plus en plus lourdes.
Après, il y a des métiers connexes qui sont très proches. L’entretien de la maison, par exemple. Quand vous envoyez une auxiliaire de vie au domicile d’une personne âgée, il est évident qu’elle entretient aussi son lieu de vie. Elle va faire du ménage, elle va faire les courses, le lit, va changer les draps… elle fait aussi des tâches ménagères, en plus de s’occuper de la personne. Ce n’est pas complètement déconnecté que de proposer des services ménagers, parce qu’on sait le faire. Mais chez Domidom, nous le proposons de moins en moins aux actifs. Il est évident que nous n’allons pas envoyer chez la concurrence un actif qui entre dans nos agences, mais nous n’allons pas aller le chercher de manière proactive.
Comment fait-on aujourd’hui pour se démarquer de la concurrence ?
Notre première grande différenciation, c’est que nous avons attendu 7 ans avant d’être franchiseurs. Nous avons 35 agences en propre, 2 000 salariés employés dans l’entreprise, nous faisons 20 millions d’euros de chiffre d’affaires dans ces unités en propre.
J’ai longtemps dit que Domidom ne développerait jamais son métier en franchise. Et puis, fin 2009, nous nous sommes posé la question du développement et de la territorialité, de la couverture de Domidom. À l’époque, j’avais deux possibilités. La première était de faire rentrer un fonds d’investissement ou une banque d’affaires pour continuer à nous développer en succursales très vite. Car nous sommes dans un marché de Time to Market, c’est celui qui parle le plus qui se fait le plus connaître. Il s’agit de métiers nouveaux, il faut prendre position et créer de la proximité.
La seconde solution était la franchise. J’ai commencé à explorer cette piste. Je me sentais aussi plus fort dans la transmission du savoir-faire parce que Domidom avait 7 ans de travail, de déploiement et d’innovation dans la mise en place d’un service à domicile. Et aujourd’hui, nous nous sentons tout à fait à l’aise à transmettre ce témoin. Nous avons un savoir-faire que l’on a acquis par nous-mêmes, que l’on a façonné, que l’on a vraiment réglé comme une Formule 1.
Il y a de plus en plus de concurrence sur le segment de la dépendance…
Certains qui ne le faisaient pas, sentent que c’est le métier d’avenir et y viennent. Nous avons une longueur d’avance mais il faut la garder et ce n’est pas toujours évident.
Ce qui va vraiment nous différencier, ce sont les spécialités que nous pouvons proposer. Aujourd’hui, nous commencçons tous à avoir du personnel formé et diplômé, ce qui n’était pas le cas il y a 10 ou 15 ans. Il y a des filières de formation pour être auxiliaire de vie, aide à domicile… mais c’est encore assez généraliste. Chez Domidom, nous rajoutons une couche de formation spécifique à l’ensemble de nos intervenants à domicile. Je ne parle pas de nos aides ménagères qui restent sur ce type de tâches, mais plutôt de nos auxiliaires de vie. L’objectif est qu’elles soient capables de prendre en charge au domicile des situations un peu compliquées ou en tout cas nouvelles. Je pense à toutes les maladies dégénératives comme Alzheimer, Parkinson.
Nous avons créé un partenariat très fort avec France Alzheimer et nos formations ne se font pas en cinq heures sur la prise de connaissance de la maladie : c’est 70 heures que l’on apporte à nos auxiliaires de vie ! Nous nous sommes engagés à former 1 700 salariés en deux ans. C’est quelque chose que nous déclinons sur plein d’autres activités : prise en charge de la personne atteinte d’un AVC, tétraplégie, paralysie faciale à domicile. Et lorsqu’une personne nous appelle pour nous dire : “Mon mari sort demain d’une clinique de soins de suite, il vient d’y passer 2 mois et demi après un AVC, il rentre chez lui, il continue à avoir des troubles cognitifs, il a du mal à se déplacer, etc.” Et bien nous allons lui envoyer l’auxiliaire de vie, ou même l’aide ménagère, qui est en phase avec la situation du patient. C’est l’impulsion que nous avons déjà commencé à donner à l’ensemble du réseau.
Comment s’organise la formation pour les salariés des franchisés ?
Nous avons un institut de formation en interne, qui s’appelle l’IFSP, Institut de formation aux services à la personne. On travaille avec chaque franchisé en fonction de ses besoins en formation et de ses budgets et nous montons ces derniers avec les Opca, et toutes les aides qu’ils peuvent avoir. Il est vrai que les deux premières années, il ne se passe peut-être pas grand chose, donc nous sommes très vigilants sur le recrutement, mais ensuite ils rentrent dans ce type de parcours. En tout cas, il faut investir et cela coûte toujours de l’argent.
Vous avez annoncé dernièrement le recrutement de 800 personnes. Comment le réseau participe-t-il à une meilleure connaissance des métiers afin d’attirer des salariés dans cet univers ? Cela signifie-t-il que la tête de réseau doit aussi communiquer sur ce plan pour aider les franchisés sur le terrain ?
Exactement. Nous mettons en place une vraie visibilité sur le métier, sur son côté attractif, car aujourd’hui ce sont de vrais métiers. Je crois que nous avons passé le cap des petits boulots. Nous arrivons même au sein de nos entreprises à proposer des parcours de formation.
Il faut aussi réussir à fidéliser les salariés…
Je pense que chez Domidom, il y a une vraie politique d’entreprise et c’est la base de la fidélisation. Nous mettons en place énormément d’actions pour rester proches de nos salariés. Et cela se fait aussi bien sur le réseau en propre que sur le réseau de franchise. Nous avons exactement la même politique. Dans la gestion au quotidien, nous ne faisons pas vraiment la différence.
Quel est le profil des franchisés ? Ont-ils déjà une expérience managériale ?
C’est très difficile de répondre à cette question. J’ai des success stories avec des profils tellement différents que j’ai encore du mal à définir le profil idoine.
En revanche, il faut avoir l’envie d’entreprendre. Et puis avoir une fibre sociale importante, un attrait pour tout ce qui touche à l’humain. Troisièmement, il faut des qualités et des capacités managériales, soit parce qu’on l’a déjà fait avec une autre équipe dans un autre métier, soit parce qu’on a une formation RH… Chez nous, c’est vraiment l’alchimie de ces trois notions qui compte.
Comment fait-on pour rassurer les franchisés face au manque de visibilité lié aux aides fiscales ?
La première chose, c’est d’être le plus transparent possible. Nous ne sommes pas là pour envoyer des chefs d’entreprise dans le mur, mais pour les éclairer sur le marché. Chez Domidom, nous ne cachons pas les choses, nous leur expliquons clairement ce à quoi ils auraient pu être confrontés ou ce à quoi ils peuvent être confrontés demain.
Maintenant, je crois que notre métier et ce positionnement sur la dépendance rassure. C’est un métier qui sera de toute façon préservé, parce que l’on répond à une vraie problématique de santé publique. Quel que soit l’état des caisses des départements ou de l’État, la couleur du gouvernement et les crises, il faut mettre en place une politique sociale de prise en charge de nos aînés. Et cela coûte de toute façon moins cher d’avoir une personne âgée prise en charge à domicile qu’à l’hôpital.
Comment vous positionnez-vous par rapport aux associations ?
De mon point de vue, il faut éviter le conflit et le débat qui veut que soit mieux l’association ou que soit mieux l’entreprise. Il faut que l’on arrête de toujours remettre cela sur la table car il s’agit de discussions stériles qui nous polluent et nous feront un jour tous plonger. Les associations ont connu une phase très difficile pour elles de passage du bénévolat au professionnel. Certaines ne l’ont pas fait ou très mal, d’autres font du très bon travail. En revanche, elles connaissent généralement de grandes difficultés car elles ont un vrai problème de structure économique.
Vous ne les voyez donc pas comme une concurrence, en tout cas pas déloyale ?
Je les vois comme une concurrence déloyale quand la règle du jeu n’est pas la même pour tout le monde. Et c’est encore le cas dans certains départements. Cela veut dire que typiquement, dans certaines zones, parce que vous êtes privé, on vous impose un tarif quand vous travaillez dans le cadre de l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie) à 15,50 euros. En revanche, si vous êtes une structure associative, vous serez autorisée par le conseil général à être à 24 euros. Vous avez donc 9 euros d’écart. Le conseil général va vous expliquer que vous pouvez toujours facturer la différence au bénéficiaire. Sauf que pour le client, le choix est vite fait. Domidom a beau dire, je suis certifié, agréé, le meilleur, etc., le tarif reviendra toujours sur la table pour l’usager.
Sur cela, je suis près à me battre longtemps et auprès de l’Europe, parce que ce n’est pas normal !
Combien de franchisés avez-vous actuellement et quels sont vos objectifs de développement ?
Nous avons 36 franchisés en plus de notre réseau en propre. Nous voulons prendre le temps de notre développement car nous sommes en train de construire le réseau, même trois-quatre ans après. Nous ne sommes pas là pour mettre des points sur une carte. Même s’il faut une couverture nationale, nous voulons y aller prudemment. Nous sommes sur une phase d’intégration entre 10 et 15 franchisés par an, cela nous paraît déjà un bon rythme. En ce qui concerne les succursales, nous sommes en revanche sur 1 ou 2 par an. Je pense qu’au total il nous faudrait une centaine d’unités pour couvrir le territoire, aujourd’hui nous sommes à 65 tout compris.
Nous avons un nouvel actionnaire qui est le Groupe Orpea, qui a pris 30 % du capital en octobre dernier. Je pourrais d’ailleurs vous dire que nous avons 250 agences car nous avons ouvert dans toutes les cliniques Orpea un corner Domidom.
Cette interview a été publiée dans L'Officiel de la Franchise d'avril 2013. Propos recueillis par Aline Gérard.