Considérées comme essentielles, les enseignes de cavistes sont autorisées à ouvrir pendant cette période de confinement. Pour autant, une majorité a choisi de fermer boutique. Début avril, le réseau Nicolas a décidé de redémarrer une activité partielle en misant notamment sur le click-and-collect. Thomas Dayras, fondateur de la start-up Matcha, proposant un caviste virtuel afin d’augmenter les ventes digitales, revient sur les défis qui attendent les acteurs de ce secteur.
Quelle est la situation actuelle des enseignes et des cavistes indépendants ?
Je n’ai pas forcément de chiffres sur le nombre de cavistes qui ont décidé de rester ouvert. Ce sont souvent des décisions personnelles à chaque commerçant, inhérentes à la taille du local, l’organisation de la cave mais aussi son emplacement et la circulation dont bénéficie le point de vente. Néanmoins, de ce que nous avons constaté, est qu’il y a une très grande majorité de cavistes qui ont fermé leurs portes. Nous l’observons surtout dans les grandes villes qui font face particulièrement à l’absence de flux. En province, je pense que cela est un peu moins marqué car les lieux de passages sont plus directs. Pour ceux qui ont décidé de rester ouverts, il y a plusieurs actions qui ont été entreprises. D’abord l’aménagement du local avec la mise en place de règles comme ne permettre qu’à une seule personne d’entrer dans la boutique ou apporter la commande aux clients à l’entrée du magasin. Il y a certains cavistes qui ont fait le choix d’opter pour des commandes prises en amont, par téléphone ou par e-mail, dans une logique de click-and-collect. Il y a quelques cavistes qui ne sont ouverts que en vente à emporter s’appuyant ainsi sur des services de livraisons du type Deliveroo ou Epicery. Malgré toutes ces petites actions, il est certain que cette crise aura un impact énorme sur le secteur des cavistes qui auront été fermés pendant un mois et demi au moment où se préparait la consommation de printemps avec les rosés par exemple. Cela sera forcément dommageable pour le secteur.
Le digital est-il la bonne solution pour conserver une activité, même partielle ?
C’est complètement possible de se digitaliser, même dans ce secteur d’activité. Mais aujourd’hui, il y a très peu d’acteurs qui mettent en place des solutions digitales car ce sont pas des canaux actionnables par tous. C’est un secteur qui est extrêmement en retard sur tout ce qui est digitalisation, même du côté des grandes enseignes. Ce ne sont pas des stratégies et des bonnes pratiques qui sont aujourd’hui adoptées par les acteurs du secteur du vin.
Selon vous, est-ce un virage que les enseignes et les cavistes indépendants devront prendre au long terme ?
Absolument. D’un point de vue usage cela se justifie totalement car la demande client est là. Surtout, à partir du moment où les enseignes ont déployées, pour certaines, une plate-forme qui restitue les stocks magasins, elle sont capables de mettre en place un outil de commande qui permet de venir chercher une caisse de vin à n’importe quel moment de la journée sur les horaires d’ouverture du magasin. Cela fait gagner du temps à tout le monde et diversifie les canaux de vente, que le caviste soit indépendant ou appartenant à une enseigne. Il n’y a pas vraiment de débat sur cette digitalisation. Le problème réside surtout dans le fait que les cavistes sont très peu outillés pour le déploiement de système de drive et de click-and-collect.
Comment pouvez-vous accompagner les cavistes dans cette démarche de digitalisation ? Quels types de clients accompagnez-vous ?
Chez Matcha, nous proposons aux distributeurs de vins, bières et spiritueux des technologies d’aide à la vente. Concrètement, nous avons développé un caviste virtuel, via une interface chatbot, qui permet aux consommateurs d’avoir des conseils sur-mesure selon les bouteilles disponibles au sein du point de vente. Cela peut être mis en place soit en magasin physique, comme nous le faisons avec Casino au sein de leur enseigne La Nouvelle Cave, soit sur un site e-commerce. Nous travaillons davantage avec des acteurs de la grande distribution et commençons à approcher les grandes enseignes se développant en réseau mais aussi les cavistes indépendants. Mais souvent, l’absence de données sur le catalogue produit et les flux client à un instant T est un frein au développement de notre solution. Car si nous n’avons pas de visibilité sur les stocks des magasins en temps réel, nous ne sommes pas capables d’opérer de manière intelligente. Car notre solution est simple et consiste au déploiement d’un petit module, soit en magasin, via le téléphone portable du client, soit sur le site Internet marchand, qui va permettre aux gens de choisir rapidement leurs produits en dialoguant avec un caviste virtuel. Cette solution conseille le client et permet de fluidifier l’expérience d’achat mais aussi la conversion. Sur les sites marchands équipés de notre caviste virtuel, il y a une augmentation de 80 % du taux de conversion et d’au moins 20 % du montant du panier moyen. En magasin, en revanche, il est beaucoup plus compliqué de mesurer l’augmentation mais nous y travaillons.
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Comment expliquer ce retard des cavistes sur le digital ?
Il y a plusieurs raisons. D’abord, avec 6 000 cavistes dont 1 000 en réseau, le marché est extrêmement atomisé. Puis il y a longtemps eu cette peur de cannibalisation. Le magasin physique et le digital ont souvent été mis en opposition et les enseignes du secteur estimaient qu’en développant un site e-commerce elles auraient moins de trafic en magasin. Aussi, il y a aussi une méconnaissance des enjeux informatiques et des mauvais choix ont été faits sur la conception des flux et la gestion de la data. Mais cela évolue au sein des grandes enseignes. Après ce ne sont pas des problèmes qu’on résout en trois mois et c’est souvent lié à la refonte du site Internet. La mentalité commence vraiment à changer et des services digitaux sont mis en place.