La crise du Covid-19 a un énorme impact sur les habitudes de consommation des Français. Face à ces mutations, les retailers vont devoir s’adapter. Retour sur les enjeux qui attendent les enseignes avec Adrien Book, consultant au sein du cabinet de conseil Wavestone.
Votre cabinet a publié une étude sur les tendances de consommation pour 2020. Une analyse spécifique a été réalisée pour analyser les défis qui attendent les retailers à l’issue de cette crise. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il en ressort ?
En effet, nous avons réalisé et publié récemment
notre étude annuelle sur les tendances de consommation pour cette année 2020. Entre la finalisation de cette étude et le contexte actuel, les choses ont évolué et il était pertinent de regarder comment les retailers devaient s’adapter. La première chose à dire reste que la crise ne va pas changer le cours du monde mais
va accélérer un certain nombre de tendances. Ce qui aurait pu prendre 10 ans à s’installer dans les habitudes des Français, va se faire en six mois. Parmi les principales tendances que l’on note, l’essor qu’a pu prendre l’e-commerce est l’une des plus importantes. Notamment sur
l’épicerie et les achats alimentaires. Cela ne veut pas dire que le magasin physique et le retail sont morts, bien au contraire. Mais la vente en ligne est désormais un passage obligé et si certains secteurs se pensaient exempts de s’adapter à ces usages, on se rend compte que c’était une erreur. Car quand les magasins ferment, comme ce fut le cas pendant le coronavirus, il faut avoir une stratégie digitale.
L’essor du e-commerce implique également d’autres changements. Qu’en est-il réellement sur le terrain ?
Quand on voit l’essor du commerce en ligne, cela a un impact sur l’ensemble de la chaîne de valeur. La crise a montré l’importance que pourra prendre l’automatisation, notamment des entrepôts mais aussi des magasins, dans les années à venir. Si le digital était déjà bien présent dans les points de vente physiques, cela risque de véritablement s’accentuer sur le long terme. Si l’on est encore loin
des magasins Amazon Go, l’intelligence artificielle risque de prendre une grosse place dans les commerces physiques, notamment pour le tracking des clients et vérifier que les consignes de sécurité sont respectées.
La crise du Covid-19 a eu également un impact sur les habitudes de consommation, avec un essor de la livraison et sur les méthodes de paiement. Est-ce que ces nouveaux réflexes vont perdurer ? Quels défis attendent les retailers sur ce point ?
Le confinement a effectivement vu différents modes de livraison prospérer. Il y a un éventail de choix assez élargi pour les consommateurs, que ce soit le call and collect, le click and collect, le drive ou la livraison à domicile. C’est un mouvement qui concerne toutes les enseignes et tous les secteurs. Désormais, tout le monde doit proposer ces services qui sont amenés à perdurer. Il s’agira du meilleur moyen de donner de la flexibilité à ses clients et de diversifier les risques en cas de nouvelle crise. Les méthodes de paiement vont également évoluer.
Le paiement sans contact a pris de l’ampleur durant le coronavirus et en regardant comment cela se passe dans les autres pays, cela va s’accentuer à moyen terme. Le paiement par mobile, notamment, s’intensifiera. Une tendance à laquelle les retailers vont clairement devoir s’adapter et qui offre des opportunités, plus que le paiement sans contact par carte. Par exemple, les retailers peuvent communiquer ou pousser des promotions via les wallet digitaux (porte-monnaie sur mobile). On pourrait voir, à terme, des enseignes encourager via des affichages en magasins le paiement via mobile pour communiquer sur ces nouveaux supports et être plus impactant grâce à la personnalisation des communications.
Captain Wallet, une start-up française, permet d’ailleurs aux marques d’effectuer ce type de campagnes. Ce sont des pistes à ne surtout pas négliger. Quoiqu’il en soit, il y a des habitudes que les retailers vont devoir développer et conserver après le confinement.
Selon vous, après cette crise, y aura-t-il des gagnants et des perdants ?
C’est indéniable et ce à plusieurs niveaux. Économiquement, il y aura forcément des gagnants et des perdants et on risque de voir s’opérer des concentrations d’enseignes. Du point de vue de l’image aussi, les acteurs qui ont bien traité et valorisé les collaborateurs sur le terrain seront évidemment mieux perçus. Il y aura une mémoire collective ce qui impliquera une baisse ou une hausse des recrutements en fonction de comment l’enseigne s’est comportée. Il faut noter que cette crise a fait comprendre réellement aux retailers l’importance des employés et vendeurs qui étaient mobilisés sur le terrain. Il n’est pas exclu que les enseignes misent sur la formation des équipes pour mettre encore plus l’accent sur ces forces vives et les compétences.