Les consommateurs aussi bien que les exploitants se sont adaptés à la fermeture prolongée des commerces “non-essentiels”. Si ces évolutions impliquent nécessairement une certaine dissolution du lien social, elles présentent aussi des avantages, à tel point que certaines habitudes pourraient perdurer. Par Sophie Bienenstock, avocat à la cour de Paris.
Suite à la fermeture des commerces non-essentiels pendant plusieurs mois au printemps et à l’automne 2020, les consommateurs se sont naturellement tournés vers la vente à distance.
Quant aux commerçants, ils ont essayé de déployer des méthodes de vente adaptées au contexte de crise que nous traversons. Il est vraisemblable que ces habitudes perdurent au-delà de crise actuelle et influencent durablement les comportements des commerçants aussi bien que des consommateurs. On songe par exemple à la généralisation des visites virtuelles d’appartements ; aux commandes en ligne et par téléphone (y compris auprès des petits commerçants de quartier) ; à la possibilité de prendre un rendez-vous pour récupérer sa commande afin d’éviter de faire la queue, etc. Autant de méthodes qui permettent, même en temps normal, de gagner du temps, et qui vont certainement s’inscrire durablement dans les habitudes de consommation.
Dans un tel contexte, les priorités du commerçant se trouvent bouleversées. Il est très probable que le local (sa localisation, sa superficie, son agencement etc.) joue un rôle moindre dans les années à venir. Logiquement, plus la part du chiffre d’affaires généré via la vente à distance sera élevée, moins il sera pertinent d’investir dans un local.
Habitudes de consommation
La priorité du commerçant de demain ne sera plus la boutique physique, mais la présence sur Internet. Il s’agira non seulement de pérenniser les pratiques mises en place dans le cadre du confinement, mais surtout de capter une nouvelle clientèle. C’est un nouveau savoir-faire que les commerçants vont devoir développer afin d’être capables de mettre à jour régulièrement un site Internet et surtout d’être visibles et attractifs sur les réseaux sociaux. Les périodes de confinement ont bouleversé en profondeur non seulement nos habitudes de consommation mais aussi de travail. Là encore, le “distanciel” permet indéniablement de gagner du temps (temps de transport, temps de pause avec les collègues, réunions plus courtes, priorité donnée aux e-mails par rapport aux discussions informelles, etc.). Si ce gain de temps peut se traduire par une amélioration de l’efficacité, des effets pervers sont néanmoins à déplorer. En premier lieu, les pauses et échanges informels entre collègues sont un lieu privilégié d’échanges des idées et de créativité. L’accroissement de la productivité s’est donc faite au détriment de la créativité. Si nous ne ressentons pour l’instant que les effets positifs, visibles à plus court terme, les retombées négatives se feront inévitablement sentir à moyen ou long terme. Par ailleurs, l’isolement et l’augmentation du rythme de travail (liés précisément à l’absence de pause et de moment de détente sur le lieu de travail) sont source d’anxiété et de dépression, pouvant à leur tour réduire la productivité au travail. Là encore, les effets se feront certainement sentir à moyen ou long terme. Un modèle hybride combinant quelques jours de télétravail et quelques jours de travail en présentiel semble progressivement s’imposer comme la solution idéale.