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Condamnation d’un franchiseur, de sa banque et de son prestataire

Par quatre décisions rendues les 21 avril et 26 mai 2015 en faveur de quatre franchisés, le Tribunal de commerce de Marseille a sévèrement sanctionné un franchiseur de restauration rapide qui avait allégrement violé les règles essentielles de la franchise. La liste des manquements est édifiante. Explications par Charlotte Bellet & Rodolphe Perrier, avocats, cabinet BMGB.

Premier manquement

Le Tribunal fait grief au franchiseur d’avoir sciemment menti au franchisé sur les droits qu’il détenait sur la marque phare de l’enseigne. En effet, le franchiseur n’était ni titulaire, ni bénéficiaire d’une des marques qui constituait l’emblème du réseau et le fondement de son savoir-faire. Le franchisé n’avait donc aucune garantie de bénéficier de l’usage de la marque sur toute la durée du contrat.  

Deuxième manquement

Dans certains dossiers, le franchiseur indiquait au franchisé s’être assuré le concours d’une société spécialisée dans l’élaboration d’état du marché local, afin de lui garantir une analyse sérieuse et avisée de l’emplacement de son futur restaurant. Loin des belles promesses faites au candidat franchisé, le Tribunal constate que “l’état du marché local inclus dans le document d’information précontractuelle ne fait état que d’informations très générales issues d’un simple recensement d’entreprises concurrentes”. Le franchiseur “s’affranchit de toute donnée économique, des performances du réseau et celles des concurrents sur le marché local, des perspectives de développement, privant ainsi le futur franchisé de maximiser ses chances de réussite”. Très loin de l’analyse rigoureuse et professionnelle, promise par le franchiseur, le Tribunal souligne encore que les données sont totalement obsolètes, certaines datant de plus de quatre ans. Dans d’autres dossiers, le Tribunal constate que le franchiseur s’est tout bonnement abstenu de fournir, à l’appui du DIP, l’état du marché local et de ses perspectives de développement prescrits par l’article R. 330-1, 4° du Code de commerce.  

Troisième manquement

Le franchiseur a sciemment occulté les mauvais résultats enregistrés par ses magasins pilotes. Le jour de la remise des DIP, le franchiseur avait en sa possession les deux premiers bilans successifs de ses points de vente pilotes, dont il s’était bien gardé de transmettre les chiffres aux franchisés. De même s’était-il abstenu de publier les comptes sociaux afférents, ce qui conduit le Tribunal à relever que les franchisés “se trouvaient dépourvus de tout moyen de vérification”. Les restaurants pilotes enregistraient 140 000 euros de pertes en seulement deux ans. Le franchiseur avait donc parfaitement conscience de l’absence de rentabilité de son concept, qu’il a volontairement dissimulée aux franchisés. Dans l’un des dossiers, le Tribunal relève que, pour permettre au franchisé d’obtenir un concours bancaire, le franchiseur lui a communiqué un compte d’exploitation prévisionnel sur 5 années qui mentionnait un chiffre d’affaires et un résultat net totalement déconnectés des chiffres de ses restaurants pilotes. Sans surprise, le franchisé a enregistré seulement 23 % du chiffre d’affaires prévisionnel. Le Tribunal retient que “le franchiseur a volontairement menti et occulté le manque de rentabilité de son concept”. Le Tribunal juge que le franchiseur a violé, à ces trois niveaux, son obligation de transparence et de loyauté, qui sont les principes fondamentaux édictés par le Code de déontologie Européen de la Franchise, auquel les contrats de franchise faisaient expressément référence, ainsi que les exigences précontractuelles prescrites par les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce. Les juges annulent en conséquence le contrat de franchise en raison des mensonges et réticences dolosives du franchiseur qui ont vicié le consentement des franchisés. Les montants cumulés des restitutions (droit d’entrée, le pack de lancement, les travaux d’agencement et d’investissement spécifiques non amortis, redevances) et des dommages-intérêts mis à sa charge s’élèvent plus de 1,5 million d’euros.  

La banque mise en cause…

Dans l’un des quatre dossiers, le Tribunal épingle en outre la Banque – partenaire du franchiseur – qui se vantait d’être une banque spécialisée dans la franchise, très renseignée et avertie grâce à son pôle franchise national qui centralise les informations sur les réseaux de franchise, et se prétendait être en mesure, à la différence d’une banque classique, de déceler les mauvaises franchises et les prévisionnels irréalistes. Le Tribunal constate que la Banque et le franchiseur avaient passé un accord. C’est sur la base de ce seul partenariat, sans avoir au préalable étudié la faisabilité économique du projet, sans avoir pris connaissance du document d’information précontractuelle, que la Banque a accordé à la société franchisée un prêt de plus de 200 000 euros et a exigé la caution personnelle de son gérant. Le Tribunal juge sévèrement l’établissement prêteur en ces termes : “La Banque avec le pôle franchise qu’elle a créé et présenté comme un partenaire privilégié de la franchise n’a pas réalisé d’étude ou analysé les risques du projet. Elle a ainsi totalement failli à son obligation de mise en garde auprès du franchisé. La Banque a manqué à toute bonne foi contractuelle et à ses obligations d’information et de mise en garde en accordant au franchisé un crédit sans s’enquérir de la viabilité économique de l’opération projetée. La Banque a fait preuve d’une extrême légèreté blâmable dans l’étude et l’examen de la demande de financement présentée par le franchisé”. Le Tribunal considère que sans la faute de la Banque, le franchisé n’aurait pas emprunté au nom de sa société et ne se serait pas porté caution à titre personnel. La Banque est ainsi condamnée à relever et garantir le franchiseur des condamnations prononcées contre lui à hauteur de plus de 300 000 euros de dommages-intérêts. En outre, le Tribunal décharge le franchisé du cautionnement personnel qu’il avait consenti à la Banque.  

… ainsi que le prestataire

Dans un autre dossier, le Tribunal est également entré en voie de condamnation à l’encontre du prestataire du franchiseur, rédacteur des plaquettes publicitaires, du DIP, du contrat de franchise, des comptes prévisionnels et des manuels opérationnels. Les Juges relèvent que, alors qu’il “connaissait parfaitement la situation et les résultats économiques des points de ventes pilotes de Marseille et de Gap pour les exercices 2008 et 2009”, le prestataire “a rédigé … des comptes de résultats sur cinq années … totalement dénués de sérieux et irréalistes au regard des résultats connus, lesquels ont été transmis en toute connaissance de cause” au franchiseur, qui les a transmis à son tour à la Banque pour permettre au franchisé d’obtenir son financement. Le prestataire se trouve ainsi condamné à relever et garantir le franchiseur des condamnations prononcées contre lui à hauteur de plus de 570 000 euros de dommages-intérêts. Les sanctions, sévères, sont à la mesure de la gravité des fautes commises par le franchiseur, son prestataire et la Banque. Les quatre jugements font l’objet d’un appel devant la Cour d’Aix-en-Provence.   À lire sur le même sujet : Comptoir Del : quatre contrats de franchise annulés

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