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Comptes prévisionnels : la transmission par le franchiseur ne dispense pas le franchisé d’en établir (suite)

Le caractère dolosif des comptes prévisionnels est une question régulièrement évoquée dans le contentieux du droit de la franchise. L’arrêt commenté suscite l’intérêt car il rassemble dans sa motivation pas moins de quatre règles fondamentales relatives aux comptes prévisionnels, clairement explicitées. Il en exprime une cinquième, moins souvent avancée en jurisprudence : la transmission de comptes de résultats prévisionnels par le franchiseur ne dispense pas le franchisé d’en établir lui-même. Par François-Luc Simon, avocat associé gérant Simon Associés, docteur en droit et membre du Collège des experts de la FFF. (Partie 2) Pour ce qui concerne la règle n°4, à savoir que “les comptes prévisionnels fournis par le franchiseur n’ont pas valeur d’engagement contractuel, le franchiseur n’étant pas tenu à en garantir la réalisation par le franchisé”, cette formulation se retrouve mot pour mot dans certaines décisions déjà rendues par la cour d’appel de Paris (v. notamment CA Paris, 31 janv. 2002, Juris-Data n°2002-170815 ; v. aussi, CA Versailles, 4 juill. 1996, Juris-Data n°1996-043384 ; CA Douai, 5 déc. 1991, Juris-Data n°1991-052153). Cette jurisprudence est très largement répandue. Règle n°5 : La transmission de comptes de résultats prévisionnels par le franchiseur ne dispense pas le franchisé d’en établir lui-même C’est ce que souligne enfin la Cour d’appel de Paris : “Considérant que la fourniture de prévisionnels ne dispensait pas le franchisé d’établir lui-même ses comptes prévisionnels en y intégrant ses propres informations qu’en entrepreneur avisé il pouvait recueillir afin d’analyser la faisabilité et la rentabilité économique de son projet ; qu’il pouvait notamment réunir les éléments relatifs à la rentabilité des autres franchisés en les contactant dès lors qu’il disposait de leurs coordonnées ; que le ‘Guide créateur’ qui lui a été remis comportait la recommandation d’établir les comptes prévisionnels ainsi qu’une étude de marché ; Considérant dès lors que la discordance entre les prévisions et la réalisation des chiffres enregistrés par la société (franchisée) ne démontre pas, en soi, le caractère irréaliste des chiffres communiqués et la volonté du franchiseur de tromper le consentement du franchisé ; que dès lors, aucune tromperie délibérée du franchiseur sur la rentabilité de l’activité et l’espérance de gain n’étant caractérisée, le dol allégué dans le cadre de l’information pré contractuelle n’est pas avéré ; Considérant qu’il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté l’appelante de sa demande en nullité du contrat de franchise pour vice du consentement”. Cette jurisprudence s’inscrit dans le sillage de plusieurs décisions soulignant le devoir de “se” renseigner (c’est-à-dire de procéder lui-même à des recherches complémentaires) qui pèse sur le franchisé. La jurisprudence relative au devoir du franchisé de “se” renseigner s’exprime le plus souvent à propos de la question de l’étude de marché, qui doit précéder l’établissement de comptes prévisionnels. À maintes reprises en effet, la jurisprudence rappelle que le franchisé doit réaliser sa propre étude de marché (CA Montpellier, 21 oct. 2014, RG n°13/03207, Juris-Data n°2014-033702 ; CA Paris, 19 mars 2014, RG n°12-13.346, Juris-Data n°2014-005428 ; CA Lyon, 7 Juin 2012, RG n°10/05159, Juris-Data n°2012-016783). La jurisprudence relative au devoir du franchisé de “se” renseigner s’exprime aussi à propos de la question des comptes prévisionnels. Si l’on veut systématiser l’état du droit positif sur ce point, deux séries de remarques s’imposent. En premier lieu, le manquement du franchisé à son devoir de se renseigner se justifie dans tous les cas où il apparaît que le franchisé aurait pu (ou dû) disposer de l’information en cause ; et il en va ainsi notamment lorsque : – comme en l’espèce, le franchisé connaissait les coordonnées des membres du réseau lui permettant de consulter et de vérifier par lui-même les chiffres d’affaires et résultats des membres du réseau qu’il s’apprête à intégrer (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°2005-282018 (à propos de comptes prévisionnels) ; v. aussi, Cass. com., 7 octobre 2014, pourvoi n°13-23.119, Juris-Data n°2014-023200 ; CA Paris, 19 mars 2014, Juris-Data n°2014-005428, CA Paris, 24 avril 2013, RG n°10/08318, Juris-Data n°2013-008231)) ou est entré en contact avec eux (CA Paris, 11 janv. 2012, RG n°09/21031, Juris-Data n°2012-002711), à plus forte raison d’ailleurs lorsque le franchisé a disposé d’un laps de temps important entre la date de remise du DIP et la signature de son contrat de franchise (CA Paris, 11 janv. 2012, RG n°09/21031, Juris-Data n°2012-002711 ; CA Bordeaux, 30 oct. 1990, Juris-Data n°1990-048342) ; – le franchisé justifie d’une certaine expérience (CA Paris, 11 mars 2010, Juris-Data n°2010-023227 ; CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°2005-282018) ou que le franchiseur ne présente qu’une expérience limitée, une telle situation étant de nature à éveiller l’attention du franchisé (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°2005-282018 ; CA Toulouse, 25 mai 2004, Juris-Data n°2004-247226) ; – le candidat distributeur a pu suivre un stage préalablement à la signature de son contrat de franchise (CA Paris, 16 nov. 2006, Juris-Data n°2006-322715) ; – les parties entretiennent de longue date des relations d’affaires (CA Toulouse, 27 mai 2003, Juris-Data n°2003-218275 ; CA Paris, 25 sept. 1998, Juris-Data n°1998-024245). Ces solutions sont elles-mêmes inspirées du droit commun des contrats (CA Paris, 29 mai 1991, Juris-Data n°1991-022336 ; CA Paris, 16 févr. 2005, Juris-Data n°2005-273091 ; CA Toulouse, 25 mai 2004, Juris-Data n°2004-247226). En second lieu, le manquement du franchisé à son devoir de se renseigner se justifie à plus forte raison lorsque : – comme en l’espèce, le franchiseur a invité le franchisé, par exemple dans le DIP, à établir ses propres comptes prévisionnels ; l’arrêt commenté souligne en effet qu’un document remis au franchisé “comportait la recommandation d’établir les comptes prévisionnels” (v. déjà en ce sens, CA Paris, 2 juill. 2014, RG n°11/19239) ; – le franchiseur a établi des comptes prévisionnels mais a indiqué expressément au franchisé n’avoir pas établi un prévisionnel se rapportant au local de ce dernier mais, plus exactement – et c’est très différent –, que les comptes prévisionnels présentés correspondent à un magasin regroupant certaines caractéristiques, de sorte qu’un autre compte prévisionnel, bien plus précis, devrait être établi en fonction du local choisi (CA Rennes, 25 sept. 2007, Juris-Data n°2007-367062).  

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