Le 10 décembre 2015, la Cour d’appel de Metz a condamné à de la prison ferme l’ancien associé d’un franchiseur de clubs de sport destinés aux femmes, à la suite d’une cession frauduleuse. Retour sur les faits, par Olivier Tiquant, avocat associé en droit de la franchise au cabinet BMGB et associés.
Du fait de sa relative complexité et de l’attrait qu’il suscite, le contrat de franchise peut parfois tourner à l’escroquerie.
À la fin de l’année 2006, après de multiples déboires et échecs en France, l’associé fondateur et cogérant d’un réseau de franchise de salles de sport, réservées aux femmes, avait entrepris de liquider ses affaires françaises pour développer cette marque de fitness au Maroc.
À cette époque, cet ancien franchiseur était sous le coup d’une interdiction de gérer pour 10 ans, prononcée en 2005. Ces clubs français, tous au bord de la faillite, étaient donc dirigés par un gérant de paille.
C’est dans ces conditions qu’au mois de janvier 2007, il a décidé de céder dans l’urgence l’un de ses clubs, situé à Metz, en dissimulant une cession de fonds de commerce sous couvert d’une vente de matériel d’occasion.
Cette opération supposait qu’un contrat de franchise soit signé avec le franchiseur, ancien associé du cédant, afin de continuer à exploiter l’enseigne. Ce fut fait, sans que le franchiseur ne mette en garde le cessionnaire, candidat à la franchise.
Le cédant laissait espérer une bonne affaire : un club fonctionnel et rentable au prix du seul matériel d’occasion ! La réalité était tout autre.
Outre le fait que le matériel de seconde main était revendu quasiment au prix du neuf, l’exploitation effective du club révèlera de nombreux dysfonctionnements : le personnel n’était pas déclaré ; l’entreprise n’avait aucune existence légale (elle n’était déclarée ni au Trésor Public, ni au RCS) ; la société censée vendre le matériel était fictive ; des courriers de relance de créanciers arrivaient au nom de plusieurs autres sociétés à l’adresse du club ; le cessionnaire était parti avec la trésorerie et des chèques de garantie donnés par des clientes, etc.
Plainte pour escroquerie
Le franchisé, confronté à d’importantes difficultés financières et commerciales, sera placé en liquidation judiciaire dès le mois d’octobre 2007.
Sur le plan civil, son franchiseur qui avait omis de l’informer sur la situation de ce club a été sanctionné. Quelles qu’aient été ses intentions de l’époque, le franchiseur a objectivement favorisé les affaires de son ancien associé. Toutefois, faute de preuve de son intention frauduleuse, il est resté sous le régime de témoin assisté. Il ne sera donc pas renvoyé devant le tribunal correctionnel. En revanche, dans le cadre d’un contentieux commercial parallèle, le contrat de franchise sera annulé pour dol manifeste et le mandataire liquidateur de la société franchisée sera indemnisé (Com 4 mai 2010, n° 09-15.139).
Sur le plan pénal, une plainte a été déposée pour escroquerie. L’instruction a confirmé que l’ancien associé du franchiseur était bel et bien le responsable du club cédé. Il était “l’homme-orchestre” autour duquel gravitaient tous les protagonistes.
Mensonge et dissimulation
Il a donc maquillé la cession du fonds de commerce car une telle opération ne pouvait légalement avoir lieu en raison de l’inexistence légale de l’entreprise (déclarée ni à l’administration fiscale, ni au registre du commerce et des sociétés).
De plus, il avait dissimulé le fait que la société titulaire du bail commercial et propriétaire du matériel vendu, était déjà en liquidation judiciaire au moment de la vente litigieuse. C’est la raison pour laquelle il a fait intervenir une société fictive.
La Cour relève donc, entre autres manœuvres frauduleuses : la production de faux documents au nom d’une société imaginaire ; l’intervention de tiers (l’homme de paille) ; la présence de personnel en situation irrégulière, le tout destiné à donner force et crédit au mensonge et à la dissimulation.
La Cour d’appel fait référence à la notion de fausse entreprise. L’entreprise est fausse, notamment, “lorsque, ayant un fonds certain, elle présente en quelques parties des circonstances entièrement fausses, ou encore lorsque, bien qu’ayant une existence réelle, elle ne poursuit ses opérations que par des moyens frauduleux”. (André Vittu Extrait du Traité de droit pénal spécial T.II éd. Cujas).
Le responsable a été condamné à une peine de 8 mois d’emprisonnement et près de 25 000 euros d’indemnité à payer à la victime*.
Le club était un club fantôme, l’entreprise était fausse, mais la peine d’emprisonnement, elle, est bien réelle… et ferme.
* Un pourvoi en cassation a été formé par les deux parties.