Hubert Bensoussan, avocat au barreau de Paris, membre du Collège des experts de la FFF, livre son analyse sur le contrat BoConcept.
Introduction
Un joli concept qui a su faire sa place dans le design, le spécialiste de la franchise peut se dire qu’il s’intègrera avec joliesse dans le décor des enseignes. Dommage néanmoins que les renseignements sur BoConcept soient parvenus au compte-goutte en restant très limités*. C’est donc sous cette réserve que sont rédigées les observations suivantes.
1. Quota sur le CA
On note un quota de chiffre d’affaires à réaliser par le franchisé. Cela signifie qu’objectivement le franchiseur est sûr que le franchisé l’atteindra et que s’il applique strictement le concept sans toutefois atteindre le quota, alors que le local a été validé par le franchiseur, ce dernier peut voir sa responsabilité engagée pour avoir laissé augurer de perspectives impossibles à atteindre.
La réponse de Lars Hovang, directeur régional du réseau notamment pour la France :“Nous ne disons pas au franchisé : ‘Vous ouvrez à Lille, vous devez faire 2 millions d’euros’. Nous en discutions avec le franchisé et en fonction de notre connaissance des CA réalisés dans des villes similaires, nous estimons un CA, puis c’est le responsable financier de BoConcept qui va nous dire si cela lui semble correct. Nous assumons donc pleinement ces quotas. Nous sommes une enseigne globale qui doit avoir un haut niveau de sérieux. C’est aussi une question de respect pour les autres franchisés.”
2. Des points de dépendance
On fait reconnaître au franchisé que tous les droits résultant du concept, dont la totalité de la clientèle, appartiendront en permanence à BoConcept exclusivement. Pour autant, le contrat fait accepter au franchisé de transmettre et de transférer gratuitement au profit du franchiseur toutes les améliorations, tous les développements que le franchisé pourrait apporter au concept. Le franchiseur se réserve ainsi de les utiliser sans bourse délier et de les transmettre aux autres franchisés. On est dans une situation paradoxale où le franchisé dont toutes les règles de la franchise affirment qu’il est indépendant et titulaire du droit à la clientèle, se trouve ici sans clientèle et contraint de travailler pour le franchiseur. Cette pratique est extrêmement dangereuse et nous conduit à rechercher s’il existe d’autres points de dépendance du franchisé à l’égard du chef de réseau.
Il en existe de nombreux :
– le franchiseur peut interdire des actions de marketing local au franchisé indépendamment de leur caractère licite et conforme au concept.
– Il “supervise” l’exercice du droit d’exploitation par le franchisé, ce qui signifie qu’il dirige le réseau, mais aussi indirectement les franchisés. Nous ne sommes plus dans la franchise.
– La domination du franchiseur se retrouve si, sans que le constat soit objectif ni contradictoire, BoConcept décide qu’il y a eu violation grave d’une obligation. Il peut alors refuser discrétionnairement la participation du franchisé aux réunions. Il est dommage que le contrat ne prévoit pas que la sanction doit venir en suite de constats objectifs.
Tous ces éléments montrent que le franchisé n’a pas grand pouvoir chez lui. La dépendance est telle que l’application du droit du travail à la relation qualifiée de franchise ici ne peut être exclue.
L.H.“Les franchisés sont des entrepreneurs indépendants qui ont choisi de rentrer dans une collaboration avec une franchise. Mais il faut respecter le concept. Le franchisé McDonald’s ne va pas vendre du KFC. Le franchisé qui a voulu travailler avec notre marque s’organise de manière à ce que cela ait du sens et sans avoir un impact négatif sur le business de l’enseigne. Nous offrons des services, mais il y a des conditions pour protéger le concept, aussi vis-à-vis des autres franchisés et ce à une échelle globale. Le franchisé peut revendre son magasin à n’importe quel moment pour recommencer à faire autre chose, s’il le veut, mais pas à n’importe qui. Il faudra que le nouveau franchisé soit validé par nos soins, mais c’est normal.”
Bilan
BoConcept doit revoir sa copie, même dans les rapports salariés-employeurs, de plus en plus la gestion libérée fonctionne efficacement. L’indépendance engendre l’implication. En matière de franchise, nous avons affaire à des partenaires souvent créatifs qu’il est bien inopportun de museler de la sorte. Les éléments du contrat qui nous ont été transmis suffisent à caractériser la nécessité de revoir complètement la relation de franchise.n
* Ayant obtenu le contrat par nos propres moyens et non par l’enseigne comme il était convenu, nous n’avons pas remis le document tel quel à l’avocat mais avons sélectionné les passages qui nous ont paru les plus litigieux pour les soumettre à son analyse.