Si le ticket de caisse papier disparaîtra des magasins au 1er avril 2023, afin de réduire l’utilisation massive du papier et la propagation du bisphénol, trois entrepreneurs de moins de trente ans proposent d’ores et déjà une alternative à ce reçu et à ses usages. Biliv, lancée donc par Ruben Kahloun, Lena Crolot et David El Malih en 2021, permet ainsi de dématérialiser le ticket de caisse, tant pour renforcer la data des enseignes, que pour faciliter le quotidien des consommateurs.
Avant de nous présenter la solution Biliv que vous avez lancée avec Lena Crolot et David El Malih, et qui a bénéficié d’une première levée de fonds de 1,3 millions d’euros auprès du fonds d’investissement à impact, Astérion, expliquez-nous en quoi cette mesure de la loi Agec va changer le quotidien des consommateurs et des commerçants ?
Lorsque cette annonce concernant la fin du ticket de caisse pour le 1e avril 2023, il y a eu une incompréhension générale du public. Nombre d’entre nous pensaient que cette mesure concernerait aussi bien le ticket de caisse, que le ticket de carte bleue. L’UFC Que Choisir a d’ailleurs dû réexpliquer cette loi pour rassurer les consommateurs. Et leur préciser qu’en réalité, il y aura certaines exceptions, pour les garanties ou les tickets de carte bancaire, justement. C’est là où intervient notre solution qui permet de dématérialiser le ticket de caisse.À quoi doivent s’attendre les consommateurs avec votre solution dématérialisée justement ? Et quelle en était la visée ?
Tout est parti d’un constat environnemental car en France, on recense 32 milliards de tickets de caisse imprimés par an, alors que la durée de vie de ce bout de papier n’est que de 33 secondes en moyenne ! D’autre part, si le bisphénol ne fait plus partie de la composition de certains produits pour bébé depuis 2019, il est malgré tout encore présent sur le marché. Dans la composition de ces tickets de caisse, il est indispensable pour que l’encre adhère au papier. C’est insensé ! Enfin, nous nous sommes rendu compte, aux prémices de Biliv, qu’envoyer le ticket de caisse par mail, du point de vue du client, n’était pas une solution sur le long terme. Cela demeurait encore trop intrusif pour les destinataires, notamment autour d’un grand flou sur la question du consentement RGPD. Enfin, le taux d’erreur de saisie d’adresse mail du client en caisse est de 30 %, rendant cette mesure inefficace pour la base de données du magasin. Nous avons donc décidé de lancer cette plateforme, reliée à une application pour faire gagner du temps aux clients, comme aux commerçants, à l’aide d’un QR code à scanner.
Comment fonctionne cette application une fois en caisse ? Conserve-t-elle les données client ?
Une fois ses achats payés, le client a la possibilité de scanner le QR code de Biliv et d’être redirigé vers une page présentant diverses fonctionnalités. Plusieurs choix s’offrent au client : soit cumuler des points mais sans aucun engagement de sa part, soit s’inscrire en renseignant son identité et ses données personnelles et ainsi bénéficier d’avantages. Le client peut ensuite recevoir, via un identifiant unique de connexion, des offres adaptées à ses besoins, selon sa récurrence de visite. Et uniquement sur son téléphone, via cette application et pas par d’autres canaux jugés peu efficaces en matière de taux d’ouverture. Comprenons par-là que ces communications d’enseignes sont peu lues sur les messageries classiques (sms, mail, etc.). La solution est donc éthique puisqu’elle inclut le consentement de ses utilisateurs en matière d’accès à leurs données personnelles. Du côté de l’enseigne, il s’agit avant tout de pré-fidéliser ses clients, mais sans les contraindre à se faire connaître d’elle. Elle peut, par ce biais, collecter de son côté, des avis clients vérifiés, si les consommateurs en laissent pour augmenter sa visibilité et être mieux référencée (via une redirection Google, Trustpilot, etc.).
Il s’agit donc aussi d’optimiser la data client des enseignes. Sur quoi repose votre modèle économique, alors ?
Biliv n’impose pas de frais d’acquisition mais repose sur système d’abonnement de quelques dizaines d’euros pour les enseignes qui varie de manière dégressive en fonction du nombre de points de vente se servant de la solution. Une fois l’abonnement lancé, le commerçant dispose d’un tableau de bord qui analyse toutes les performances du magasin. L’appli lui permet de personnaliser son ticket de caisse, selon les temps forts de l’année, comme, par exemple à Halloween ainsi que ses communications (mailing, notifications, push, etc.). Le taux d’ouverture passe alors à 78 % ! La solution est aussi propice au drive-to-store et apporte au commerçant une visibilité sur son stock réel. Justement grâce au fait que l’application permet de visualiser la rétention ; soit le taux de visite en magasin !
Vous parliez aussi d’éco-responsabilité. Qu’en est-il de l’empreinte carbone de Biliv ?
En réalité, dématérialisation ne veut pas dire écoresponsabilité. L’empreinte carbone est même souvent supérieure à l’impression papier quand on travaille avec des serveurs mails très énergivores. C’est pourquoi Biliv fonctionne avec des serveurs situés à moins de 200 km de Paris, 77 % de leur énergie est renouvelable. À titre d’exemple, le ticket stocké dans l’application, au format Json (format de données textuelles) est 70 fois moins lourd qu’un format PDF ! Et nous sommes serverless, ce qui veut dire que nos serveurs se mettent automatiquement en veille lorsque Biliv n’est pas sollicitée par ses utilisateurs.
Quelles enseignes avez-vous déjà convaincues d’adopter Biliv ? Comptez-vous également exporter cette solution ? La faire connaître partout en Europe ?
À l’heure actuelle plus de 300 points de vente en France ont déjà intégré Biliv. Nous avons également convaincu des enseignes telles que La Felicità, Anticafé, Atelier de Famille, ou encore CBD Shop France de s’en servir au quotidien. La solution a aussi permis de générer plus de 12 000 tickets de caisse dématérialisés, ce qui représente une économie de 2 500 mètres de papier ! Nous aimerions également atteindre les 1 000 points de vente d’ici septembre 2023. Mes associés et moi-même l’avons déjà implémentée en Suisse avec une enseigne de mode. En réalité, même si la solution est déjà présente sur trois continents, Biliv fonctionne sans frontières. Il suffit de se connecter au logiciel de caisse, la traduction se fait d’elle-même. Le modèle est donc très rentable. Et Biliv peut s’appliquer chez un coiffeur ou barbier, en institut de beauté, coffee-shop, ou en restauration rapide !