Président du cabinet Gira, Bernard Boutboul nous livre son analyse sur la crise qui touche actuellement le secteur de la restauration.
Quel est votre regard sur la situation actuelle des restaurateurs ?
2020, annus horribilis ! Au sein du cabinet Gira, nous avons estimé à 50 % la perte de CA sur l’année en cours. Sur des revenus 2020 de 100 milliards d’euros, comprenant tous les segments de la restauration, hôtelière, commercial et collective. Sur ces 50 milliards d’euros de pertes, il faut affecter 15 milliards d’euros à tout l’écosystème, grossistes, agriculteurs, etc. Lors du premier confinement, j’avais averti le gouvernement du risque qu’un établissement sur trois ne seraient pas en mesure de rouvrir. Avec ce deuxième confinement, nous nous orientons plus vers un restaurateur sur deux. Soit 100 000 établissements. Pour un nombre de personnels au chômage oscillant entre 150 000 et 160 000. Pour la très grande majorité, des restaurateurs indépendants.
Pensez-vous que les restaurants pourront rouvrir d’ici quinze jours ?
J’ai du mal à croire à la réouverture des établissements prochainement. Le gouvernement nous laisse entendre que le pic de l’épidémie est devant nous. Il y a deux scenarios que j’envisage. Le premier s’orienterait vers une réouverture des commerces et des restaurants le 15 décembre avec un reconfinement vers le début du mois de janvier. Cela pour sauver tant bien que mal le business de Noël. Cette période si chère dans l’esprit des Français. En revanche, ce scénario ne nous met pas à l’abri d’une troisième vague. Le deuxième scénario envisagé serait de maintenir le confinement jusqu’à la fin du mois de janvier ou de février. Pour essayer de se débarrasser durablement du virus. Là encore, le gouvernement devra arbitrer entre des problématiques de santé publique et de maintien de l’économie française.
D’autres formes de restauration se développent. Clic and Collect, livraison, etc. Qu’en pensez-vous ?
C’est une très bonne chose. Mais ne vous y trompez pas ! Tous ces canaux alternatifs ne représentent au mieux que 25 % du CA habituel d’un restaurant. Ce n’est donc pas rentable mais maintenir l’établissement ouvert est positif pour le moral des troupes et des équipes. Rien n’est pire que de laisser un rideau fermé pendant des mois. Les clients, à la réouverture, ne vous reconnaitront plus. J’encourage vraiment les restaurateurs à le faire dans la mesure du possible et si un semblant d’équilibre peut être atteint.
Quel est le moral actuel des restaurateurs ?
Nous avons un tiers des restaurateurs, d’après notre dernière étude, qui sont totalement résignés et à deux doigts de jeter l’éponge. Un autre tiers est très en colère mais reste à la maison. En ce sens où l’indignation s’exprime surtout sur les réseaux sociaux. Et enfin, nous faisons face à un dernier tiers prêt à se relever les manches et à réinventer une autre façon de travailler en étant de véritables rouleaux compresseurs à idées nouvelles. Je pense notamment au chef étoilé Olivier Nasti, en Alsace, qui est en train de mettre en place, autour de son restaurant, tout un réseau de commerce de proximité pour faire vivre de manière radicalement différente son activité.