Comme de nombreux acteurs de la restauration, l’enseigne du Groupe Bertrand est à l’arrêt et attend de pieds fermes une date officielle pour se projeter sur une reprise d’activité. Interview de Charles Dorémus, directeur général du réseau Au Bureau.
Avez-vous été surpris de l’annonce de Jean Castex, la semaine dernière, concernant le report de la réouverture des restaurants ?
Je ne peux pas dire que j’ai été surpris. Malheureusement non. En revanche, en matière de prise de décision, je n’ai pas compris pourquoi le gouvernement n’avait pas été plus clair dès le début. Nous avions constaté rapidement qu’une réouverture le 20 janvier n’était pas possible. Le défaut de cette prise de position, adoptée par Jean Castex, c’est que cela enlève de la visibilité pour les chefs d’entreprise que nous sommes. Si vous savez que vous êtes fermés pendant trois mois, ce n’est pas pareil que si on vous dit que la fermeture ne durera qu’un mois. Vous ne vous adaptez pas de la même manière. Dans la même logique, ne pas avoir de perspective de réouverture avec une date précise reste très compliqué à vivre et joue sur l’anticipation de la reprise.
Espérez-vous une réouverture mi-février, comme annoncée par le gouvernement ?
Non, je n’y crois pas. Si on prend le problème dans l’autre sens, il n’y a aucune raison d’y croire. Je penche plutôt pour une réouverture mi-mars. Aujourd’hui, il y a un plateau concernant l’épidémie et le moindre sursaut fera que nous resterons fermés. Je voudrais franchement y croire, mais pour cela il faudrait aussi que l’on soit entendus. Je ne dis pas qu’il faut être aveugle et ne pas prendre en compte les chiffres, mais il y a forcément une solution pour les professionnels de la restauration, qui sont organisés pour accueillir les clients et qui sont force de propositions concernant les mesures à appliquer dans les établissements.
Avez-vous le sentiment d’être entendus ?
Non, absolument pas. Je pense que finalement le gouvernement ne connaît pas notre métier. Et les décisions qui sont prises le montrent. Il faut bien connaître la restauration et nos écosystèmes pour comprendre mais aussi montrer que finalement les risques sont réduits dans nos établissements. Ce qui est dramatique, c’est qu’en laissant les restaurants fermés, cela entraîne d’autres risques pour les consommateurs. Car par exemple, il n’est pas rare de voir des clients manger à 10 ou 20 sur des tables publiques dans les galeries marchandes ou en extérieur sans faire attention aux distanciations sociales. Là, rien n’est maîtrisé. En revanche, si on laissait rouvrir les restaurants, avec une jauge adéquate pour notre survie économique, ou si simplement on pouvait accueillir les clients en terrasse, les choses seraient plus maîtrisées.
Comment vous adaptez-vous pour la reprise ?
À l’instant T, c’est difficile de prévoir quoique ce soit. Il n’y a aucune date officielle, et c’est là notre plus grosse inquiétude. Il faut comprendre que nous, restaurateurs, nous sommes en plein cœur d’un écosystème avec des producteurs et des fournisseurs. Si on nous dit qu’une réouverture sera possible mi-février mais que finalement ce sera mi-mars ou mi-avril, nous n’aurons pas les mêmes produits, la même carte et les mêmes opérations commerciales. Et tout cela doit s’anticiper autant que possible. Pour l’instant, nous faisons des plans tous les 15 jours pour être prêts en fonction de l’époque où nous rouvrirons. Nous avons des opérations marketing qui pourront être activées dès le redémarrage et nous savons que nous devrons adapter notre carte pour proposer, globalement, 60 % des références.
Êtes-vous serein pour la reprise ?
Serein, le mot est fort. On est extrêmement combatif. Et je pense que cela s’entend. Nous sommes adossés à un groupe solide et le modèle Au Bureau est un concept solide financièrement. Donc nous sommes peut être plus sereins que d’autres. Mais la période est très incertaine. Si les aides sont maintenues voire revalorisées, nous devrions toutefois maintenir le cap.