Une reprise est rarement un long fleuve tranquille. La relation avec les nouveaux employés, notamment, peut s’avérer difficile. Mais comment faire lorsqu’elle se révèle résolument conflictuelle et que les salariés se liguent contre le nouveau dirigeant ? Une remise en question est souvent nécessaire.
Parfois, la reprise d’une entreprise en franchise est particulièrement difficile. Il arrive que les collaborateurs mènent la vie dure au nouveau dirigeant, refusent tous les changements qu’il souhaite mettre en place, ne suivent aucune de ses instructions… Impossible dans ces conditions de mettre en place la stratégie prévue ni même de continuer son activité. En effet, sans employé, pas d’entreprise possible. Comment faire, donc, pour s’extirper d’une telle situation et réussir à sauver son entreprise d’une catastrophe assurée ? Peut-être en remettant simplement en cause son projet et surtout son mode de management…
Une reprise, ça se prépare ! Et notamment vis-à-vis de ses futurs salariés. Il est en effet indispensable de les rencontrer en amont de l’acquisition, afin de leur présenter son projet, de répondre à leurs questions… L’objectif est de lever leurs doutes et inquiétudes, bien compréhensibles lors d’un changement de dirigeant.
Ainsi, le repreneur qui aura oublié cette étape indispensable de présentation de son projet à ses futurs collaborateurs a de grandes chances de rater sa reprise. Et de se retrouver dans une situation de rejet de la part de ses nouveaux employés. Mais il n’est heureusement jamais trop tard pour bien faire ! Il s’agit donc d’organiser cette réunion avec le personnel, même une fois la reprise effective. Une réunion lors de laquelle les discussions et les échanges seront de mise. “Il ne faut pas avoir une idée trop précise en tête et au contraire être prêt à négocier, laisser une porte ouverte aux équipes, leur poser des questions afin de développer l’entreprise ensemble, de définir des actions ensemble”, souligne Philippe Rousseau, spécialiste en management, flexibilité comportementale, accompagnement au changement et formateur en gestion des conflits chez Orsys. Le repreneur doit exposer ses objectifs de manière claire et précise tout en étant ouvert aux suggestions des salariés. Qui se sentiront écoutés et qui pourront également faire bénéficier au projet du nouveau dirigeant de leur expérience de l’entreprise.
Par ailleurs, un projet construit ainsi ensemble donnera lieu à plus d’adhésion et de motivation. “L’objectif est d’emmener les gens vers quelque chose qui leur convient bien”, indique Philippe Rousseau. Enfin, il ne s’agit pas de brûler des étapes en mettant en place toutes les évolutions prévues tout de suite. Le risque est en effet d’effrayer le personnel qui ne reconnaîtra plus son entreprise et se braquera. Il vaut mieux aller doucement, procéder par petites touches et passer à l’étape suivante seulement quand la première est bien comprise, acceptée et établie.
Bien sûr, il ne s’agit pas non plus de céder sa place de patron à ses salariés. C’est le dirigeant qui reste maître à bord. Et s’il juge que les salariés ont, avec son prédécesseur, pris de mauvaises habitudes (normes et process de l’enseigne non respectés, par exemple, ou encore résultats médiocres), il s’agira de leur expliquer. Pour ne pas les braquer, mieux vaut les rassurer quant à leurs compétences et capacités et bien souligner que les erreurs d’appréciation venaient de l’ancien dirigeant. Le mieux est de venir avec des preuves : résultats de l’entreprise, charte du franchiseur, etc.
Remettre en cause
Autre raison pour laquelle les collaborateurs peuvent se retourner contre le repreneur de leur entreprise : son mode de management, trop brutal ou en tout cas trop éloigné du dirigeant précédent. “Des situations de tension et de conflit peuvent survenir parce que le personnel est très attaché au cédant mais aussi parce que le style de management du repreneur est très différent”, observe Olga Zakharova-Renaud, avocate associée chez BMGB Avocats. C’est pourquoi il est important de bien s’entendre avec le cédant et de discuter avec lui en amont de ses projets, pour être sûr qu’ils correspondent à la culture de l’entreprise. Cela permet de s’assurer une certaine continuité, rassurante pour les salariés.
Quoi qu’il en soit, comme le souligne Philippe Rousseau, “si l’ensemble de l’équipe est fédérée contre le dirigeant, il y a forcément une raison. Il faut donc se remettre en question”. Dans un premier temps, Philippe Rousseau recommande de s’interroger sur ses valeurs, ses attentes, ses projets, son mode de fonctionnement et de management, ses différences par rapport au cédant, etc. Afin de mieux se comprendre et déceler ses failles mais aussi les axes d’amélioration.
Une réunion peut ensuite être organisée avec le personnel afin d’écouter leurs objections, comprendre leur rejet. À cette occasion, le dirigeant doit demander aux équipes quels sont les problèmes et reconnaître sincèrement ses erreurs. Philippe Rousseau, conseille même de rencontrer les salariés un à un, en tête-à-tête. Cela évite l’effet de groupe qui peut être préjudiciable au dirigeant, quelques employés réfractaires entraînant l’ensemble des autres. “Les gens sont tous différents et ne se comportent pas tous de la même manière”, ajoute Philippe Rousseau. Ces entretiens individuels permettent de comprendre les attentes de chacun en matière de management et de corriger le tir au cas par cas. Ils sont également l’occasion d’évaluer les compétences de chaque employé et de prévoir des plans de formation si nécessaire.
Si ces nombreuses remises en question et discussions ne permettent pas de mettre fin ou en tout cas, de réduire le conflit, c’est que le dialogue est totalement rompu avec le personnel. Dans de tels cas, Olga Renaud-Zakharova conseille de passer par le représentant du personnel quand il y en a un. “Il peut aplanir les problèmes relatifs aux méthodes de travail, par exemple”, pense-t-elle. À condition que ce dernier ne fasse pas partie des salariés rétifs au changement de dirigeant.
Autre solution : la médiation. En effet, en cas de différend entre un dirigeant et ses employés, un médiateur peut aider à rétablir le contact et à trouver un accord (sur les conditions de travail, par exemple). Enfin, en dernier recours, on peut penser au licenciement. “Si peu de salariés posent problème, mieux vaut ne pas insister et négocier une rupture conventionnelle”, recommande Olga Zakharova-Renaud. De quoi permettre ensuite de recruter des personnes plus en accord avec sa personnalité.