La crise de la Covid-19 aura eu raison d’une certaine forme de commerce. Passée l’évidente sidération, les têtes de réseau ont su garder la tête froide pour mettre en place de nouvelles façons de repenser le parcours client. Avec l’impérieuse nécessité de monter en puissance sur le digital, les enseignes ont su s’adapter à ces manières de consommer de plus en plus mouvantes. Retour d’expériences.
Une vraie course de fond est en train de s’amorcer chez les enseignes. Comment repenser une nouvelle façon de commercer dans une situation inédite qui risque encore de durer plusieurs mois ? La nécessité d’un positionnement digital ne se discute plus. C’est entendu. Pourtant, la crise de la Covid-19 aura permis aux enseignes d’accélérer les process ou de sortir des cartons des projets qui dormaient depuis longtemps. Dans ce domaine, la marque Pizza Cosy a compris qu’il fallait s’adapter aux changements de paradigme.
“S’il y’a quelques temps, les consommateurs se déplaçaient jusqu’au point de vente physique pour déjeuner, depuis le confinement, les adeptes des plates-formes de livraison se font de plus en plus nombreux. L’apparition d’un nouveau concept, appelé cuisine virtuelle ou dark kitchen séduit de plus en plus d’enseignes. Le principe est simple : pas de tables, pas de chaises, pas de point de vente physique, ce nouveau concept permet de mettre en avant une marque 100 % digitale”, explique Jonathan de Sanctis, directeur réseau de l’enseigne.
Et ce dernier ajoute :
“À la suite de l’explosion du nombre de commandes en livraison pendant la crise de la Covid-19, nous avons travaillé sur un projet de marque virtuelle disponible sur la plate-forme UberEats. Cette dark kitchen nommée Pranzo propose aux clients des produits de la street food napolitaine comme les pizzas portafoglio (pliées) et pizzas rotolino (roulées). Ces produits sont actuellement disponibles dans toutes les pizzerias du réseau en partenariat avec UberEats.”
S’adapter aux circonstances
L’impérieuse nécessité de s’adapter aux circonstances doit prévaloir. Faire évoluer son positionnement en ajoutant une autre corde à son arc. Au sein de l’enseigne L’Adresse, le processus des visites 100 % virtuelles s’est ainsi accéléré.
“Nous avons équipé chacune de nos 350 agences de matériel permettant des prises de vue à 360 degrés, d’un disque dur, d’un trépied, etc. Sans cette crise, nous n’aurions jamais été aussi rapidement. La situation nous a très fortement incité à y réfléchir et à déployer ces outils à notre entière charge”, explique Brice Cardi, président directeur général du réseau. La coopérative a, en effet, investi près de 3,5 millions d’euros pour équiper toutes ses agences et faciliter la transition vers des solutions numériques avancées. Un constat partagé par l’enseigne Ninkasi, marque de bière, brasserie et salle de concerts.
“Le confinement a éteint deux de nos trois principaux réacteurs. Il nous fallait impérativement rebondir. Nous avons donc décidé de booster l’activité e-commerce sur la vente de nos différentes bières. Nous avons mis en place sur Facebook un blind-test musical. Tous les samedi soirs, notre Dj maison mixait à distance”, explique Cécile Rivoire. Et la directrice du réseau Ninkasi de poursuivre :
“Bien évidemment, nous avons accéléré sur le click and collect et sur la livraison. C’est encore faible puisque cela ne représente que 5 % de notre chiffre d’affaires actuel mais nous ne nous pouvions pas passer à côté de cette activité désormais incontournable”.
Le digital permet aussi de repenser le parcours client et de préserver la convivialité. Au sein de cette même enseigne, le QR code [contenu du code pouvant être décodé rapidement après avoir été lu par un téléphone mobile] a été généralisé.
“Au travers d’un établissement pilote, nous avons également développé un QR code permettant la commande à table. Un service qui sera étendu dans l’ensemble de nos restaurants d’ici la fin de l’année. Ce qui permet aussi à nos clients de gagner en autonomie”, explique Cécile Rivoire.
Faire de nouveaux choix
Parmi les retours d’expérience recensés à la sortie du confinement, notamment dans la restauration, la nécessaire simplification de la carte s’est imposée progressivement au sein de plusieurs enseignes.
“Il ne fallait pas rester dans des postures de principe, nous devions faire preuve d’efficacité en simplifiant notre carte. Être agile au maximum. Ce plat se vend, celui-là non. Il disparait alors de notre carte. Et ainsi de suite”, explique Cécile Rivoire. Même constat du côté de l’enseigne Planet Sushi pour qui la simplification de la carte s’est mise en place de facto.
“Nous avons diminué de 30 % le nombre de références sur nos cartes pour les transformer en les rendant plus lisibles”, note Siben N’ser, fondateur de la marque. Cette dernière a également supprimé sa vaisselle pour les restaurants de moins de 20 couverts. Outre le tri-sélectif, via des emballages jetables, l’enseigne a fait baisser sa masse salariale en supprimant les postes de plongeurs. La crise de la Covid-19 aura aussi conduit certaines enseignes a reconsidérer les notions de sourcing. Toujours dans la restauration.
“Pendant cette période, les habitudes de consommation ont évolué. Les clients veulent manger frais et français. Le parti pris qualitatif que nous avons choisi mise sur la qualité de nos ingrédients, le made in France et un sourcing de produits locaux”, remarque Jonathan de Sanctis.
Et ce dernier de poursuivre :
“Malgré la reprise d’activité, certains secteurs ont durement été touchés par cette crise comme les producteurs de fromage qui n’ont pas pu écouler leurs stocks avec la fermeture des restaurants. Nous sommes donc venus en aide à la ferme de Gaec de Baffy en achetant plus de 400 kilos de fromage qui ne trouvaient pas commande pour élaborer une recette de Pizza du Marché. Ce positionnement a été pris en compte par nos équipes pour l’élaboration de notre prochaine carte qui se renouvelle chaque année.”
Le phygital s’impose de plus en plus
Il a fallu également repenser le parcours client au niveau physique en magasin.
“Le client ne peut désormais plus se balader seul en essayant les paires de lunettes comme il le souhaite. Nous l’installons à une table. Un choix est fait de manière plus précise et restreinte. Les clients essaient donc moins de montures. Nous devons alors cibler en amont les attentes des consommateurs. Paradoxalement, les personnes se montrent assez compréhensives. L’ancienne façon de faire paraît même aujourd’hui assez surréaliste pour certains de nos clients au regard des nouvelles normes sanitaires”, explique Olivier Padieu, président du groupement Optic 2000. Certains secteurs, dont la potentialité digitale n’était pas évidente, ont également réussi ; si ce n’est à se réinventer du moins à accélérer le développement. La filière optique, encore elle, fait partie de ceux-là.
“Si la période du confinement a été pour nous la possibilité de lisser notre flux de clientèle par la prise de rendez-vous en ligne, force est de constater que nous avons maintenu cette façon de faire en sortie de confinement. On prend rendez-vous chez son opticien comme on le fait chez son médecin. Ce qui sécurise et rassure notre clientèle”, explique Olivier Padieu.
Lorsque le digital se met au service du parcours client en facilitant l’achat dans le point de vente. L’opticien cherche également à faire évoluer son offre en renforçant l’essayage virtuel pour permettre au consommateur de mieux préparer sa visite avant de se rendre en magasin. Bien évidemment, les clients auront toujours besoin de sentir les lunettes en les portant avant de les acheter. Tout comme les prothèses audios via des tests en ligne qui préparent la venue dans le point de vente concerné. Si l’acte d’achat se fait bien évidemment toujours en magasin, Optic 2000 reconnaît qu’une vente sur dix a lieu via le site Internet. En interne aussi, il fallut revoir les process. C’est le cas de l’enseigne SoCoo’c, qui outre l’accélération de la dématérialisation finale du bon de commande a travaillé à la mise en place d’un système de visioconférence homogène pour tous les magasins avec une interface au logiciel de vente.
“Cela faisait un moment que l’enseigne y travaillait et le confinement a impulsé la mise en place de ce projet. Nous avons également travaillé à la dématérialisation du back-office magasin pour que toute les équipes aient accès aux documents même à distance”, explique Arnaud Allantaz, directeur de l’enseigne SoCoo’c.
En interne toujours, le télétravail s’est aussi imposé avec une petite appréhension au sein de l’enseigne Optic 2000 qui envisageait la chose, en y allant à reculons, avant la période de confinement imposée. On le voit, difficile désormais pour les enseignes de se passer d’outils de visoconférence ou bien de ne plus interagir en digital avec ses clients. La notion de temps réel s’impose de plus en plus pour gagner en agilité et en efficacité. Dans cette période tendue, un client perdu s’en va à la concurrence. Les marques l’ont bien compris qui multiplient les initiatives pour simplifier toujours plus le parcours client.