La rentrée 2021 sera, sans nul doute, particulière. Après plusieurs mois marqués par la crise sanitaire et des fermetures administratives, les enseignes misent sur un retour à la normale en septembre. Mais comment s’y préparer et pourra-t-on vraiment oublier la crise ? Explications.
Pour de nombreuses enseignes, la rentrée est incontestablement un moment phare qu’il ne faut surtout pas louper. Avec le retour des enfants à l’école, certains secteurs auront le vent à en poupe. On peut notamment penser à l’habillement, les fournitures scolaires ou encore les prestations de soutien scolaire. Mais cette nouvelle rentrée aura aussi une saveur particulière avec différents enjeux pour les têtes de réseau.
“Cela sera une période un peu atypique, confirme Laurent Delafontaine, dirigeant fondateur du cabinet Axe Réseaux et membre du Collège des experts de la Fédération française de la franchise.
La notion de rentrée scolaire ne sera pas la même que les autres années. Déjà, parce que nous pouvons considérer que la rentrée a été un peu avancée avec le déconfinement en mai. Clairement, pour certains secteurs d’activité comme la restauration, les chiffres d’affaires qu’ils auraient pu réaliser en septembre ont été reportés sur le mois de juin.”
Phase d’euphorie
En effet, après des semaines de fermetures administratives, commerces et restaurants ont enregistré de belles performances dès le début du déconfinement, le 19 mai dernier, laissant présager une belle période estivale (cet article a été rédigé au début de l’été, ndlr.)
“On est actuellement dans une phase d’euphorie, c’est certain, affirme Sylvain Bartolomeu, dirigeant associé du cabinet Franchise Management et membre du Collège des experts de la Fédération française de la franchise.
Mais cela risque de s’essouffler à la rentrée, donc il faut en avoir conscience et bien anticiper l’éventuelle baisse d’activité.” Pour cela, bien piloter et gérer votre entreprise sera nécessaire. Ainsi, en fonction du flux de clientèle, il sera opportun d’adapter votre stock, votre masse salariale mais également les investissements que vous envisagiez de faire.
“Je pense que l’activité ne sera pas forcément beaucoup plus importante à la rentrée que les autres années. Au contraire, on va revenir sûrement sur un rythme normal, estime pour autant Laurent Delafontaine. Il faudra toutefois être prêt. Avoir le stock et le personnel nécessaire pour absorber la demande et ainsi faire toute la différence par rapport à la concurrence.”
Même constat du côté de Sylvain Bartolomeu, pour qui
“la temporalité du commerce a été complètement perturbée. Septembre ne veut plus dire grand chose même si sur certains secteurs, évidemment, cela restera important”.
Manager ses équipes
Parmi les clés d’une rentrée réussie, bien manager ses équipes apparaît être l’un des aspects à ne surtout pas négliger. Après des mois d’inactivité et une période estivale soutenue dans certains secteurs, il va falloir remobiliser les équipes à la rentrée.
“Vos salariés devront être performants et motivés. Donc il ne faut pas hésiter à les former si nécessaire, leur donner des objectifs, etc.”, insiste Caroline Morizot, fondatrice et dirigeante du cabinet CM Franchise et membre du Collège des experts de la Fédération française de la franchise.
“Il y a un vrai travail de management à entreprendre, abonde de son côté Olga Romulus, expert-comptable chez Fiducial et également membre du Collège des experts de la Fédération française de la franchise.
C’est de la responsabilité du franchisé de remobiliser les troupes, notamment en donnant la stratégie et le cap.” Pour cela, prenez le temps de faire parler les salariés, laissez-leur l’occasion de confier leurs craintes et leur vision des choses. Car pendant ces derniers mois, les équipes ont pu réfléchir et avoir de bonnes idées à prendre en compte, notamment dans le fonctionnement du point de vente.
“Consacrer ce temps-là pour redémarrer correctement à la rentrée est à mon sens primordial”, insiste Olga Romulus.
“Les clients doivent sentir que les salariés sont contents de les voir. Il faut donc adopter un management de proximité, en briefant les équipes régulièrement. C’est essentiel”, ajoute de son côté Emmanuelle Courtet, directrice générale de Progressium et membre du Collège des experts de la Fédération française de la franchise.
Des incertitudes perdurent
Et même si la crise est loin d’être derrière nous, conservez un discours positif auprès de vos collaborateurs, même si les incertitudes qui perdurent sont encore nombreuses.
“Il ne faut pas communiquer son inquiétude mais conserver une certaine lucidité, conseille Sylvain Bartolomeu.
La crise est encore là, c’est indéniable. Mais il ne faut pas s’apitoyer et continuer à être positif.” Pour vous permettre de vous projeter sur le long terme, faire un point sur votre trésorerie est primordial. Surtout qu’à la rentrée, le gouvernement va normalement continuer à diminuer les aides mises en place depuis le début de la crise sanitaire et économique.
“On va affronter une année particulière, concède le dirigeant associé de Franchise Management.
Le gouvernement commence à débrancher progressivement les aides. Et c’est là qu’il va falloir être extrêmement vigilant et faire le point avec son expert-comptable sur ce qui est payé ou pas.” “On va rentrer dans une phase où il va falloir rembourser, confirme Olga Romulus.
Si les premières échéances des PGE ne vont pas arriver tout de suite mais début 2022, il faut l’avoir en tête et s’y préparer.” Dans ce cas-là, si vous aviez certains projets nécessitant des investissements lourds dès le mois de septembre, reportez-les. L’urgence étant pour vous de vous reconstituer une trésorerie pour faire face à d’éventuels aléas.
“L’erreur serait de croire que tout redeviendra comme avant, alerte l’expert-comptable.
C’est illusoire. Il faut apprendre de cette crise. Quand on est entrepreneur, on gère les risques en permanence, il faut simplement apprendre à anticiper. Et aujourd’hui, il faut intégrer ce risque de pandémie dans sa trésorerie.”
Prendre des risques
Pour autant, si la crise n’aura pas complètement disparu au mois de septembre, ne soyez pas trop frileux dans votre vision stratégique. Prendre des risques peut s’avérer payant.
“À mon sens, l’épidémie devrait être logiquement derrière nous à la rentrée. La vaccination devrait permettre de dire qu’il n’y aura plus de confinements à l’avenir. Même si on est à l’abri de rien, affirme Caroline Morizot.
Ne soyez pas trop vigilant ni apeuré. Car le client risque de ressentir cette crainte et de ne plus revenir. Ne vous posez pas trop de questions et investissez en fonction de vos budgets. Si vous êtes trop frileux, vous ne vous différencierez pas et votre activité en pâtira certainement.” Anticipez ainsi plusieurs scénarios pour vous éviter les mauvaises surprises mais ne vous bridez pas. Si des opportunités se dessinent, ne les négligez pas. “
Si vous êtes dimensionnés, notamment financièrement, pour les saisir, faites-le. Les opportunités doivent s’étudier, mais avec prudence. Et gardez en tête qu’une entreprise qui ne se développe pas meure. Il ne faut donc pas se replier !”, souligne Sylvain Bartolomeu.
Faire revenir les clients
Communiquer auprès de vos clients sera également un point clé de votre reprise d’activité à la rentrée. Pour cela, suivez les recommandations de votre franchiseur qui aura forcément réfléchi à une ou plusieurs actions commerciales pour marquer le coup.
“La rentrée peut être clairement un temps fort pour de nombreuses enseignes. Et même si cela n’est pas le cas pour tous les réseaux, c’est important d’avoir une opération pour rebooster l’activité”, assure Emmanuelle Courtet. Créer le buzz avec un événement dans votre point de vente, mettre en avant un nouveau plat phare ou réfléchir à des promotions peuvent être des idées judicieuses à déployer après l’été.
“Il faut mettre en place des opérations qui donnent envie aux clients de venir en point de vente, explique la directrice générale de Progressium.Solliciter votre base de données clients via des campagne SMS et e-mailing, mais avec le bon message, est donc très important.”
Autre exemple : si votre point de vente est situé dans une zone de bureaux qui a été longuement délaissée par les consommateurs à cause du télétravail, il peut être judicieux de mettre en place une communication spéciale.
“Cela peut être sympa pour les clients de découvrir un nouveau plat. Communiquer sur le fait que vous êtes là, que vous avez amélioré votre expérience client, etc. sont des moyens de se différencier de la concurrence”, assure Laurent Delafontaine.
Valeur ajoutée
L’un des points saillants de la rentrée sera aussi de bien s’adapter et de prendre en compte les changements d’habitude de la part des consommateurs. On l’a vu et souvent analysé dans nos pages, la crise aura accentué certaines tendances et notamment celle du digital. Les clients ont eu fortement recours aux achats en ligne et il sera très important de l’avoir bien en tête pour réussir à les faire revenir régulièrement dans votre point de vente.
“Les clients recherchent aujourd’hui d’autres choses et veulent une attention particulière de la part des commerçants, avec des offres personnalisées, des conseils et un accompagnement plus importants, estime Olga Romulus.
Ils vont donc venir en magasin avec un attendu très fort. Du coup, il sera primordial que l’expérience client soit à la hauteur de ces nouvelles attentes.” Un constat fait par la plupart des experts que nous avons interrogés dans le cadre de cet article. Emmanuelle Courtet estime ainsi que
“les clients doivent absolument retrouver une valeur ajoutée à venir en magasin, que cela soit dans l’accueil, la relation humaine ou le conseil. Il faut remettre le client au cœur de sa stratégie et qu’il sente ainsi la différence avec l’achat sur Internet. Tous les points de contact avec le consommateur doivent donc être irréprochables. C’était déjà une règle d’or avant la crise, cela l’est d’autant plus aujourd’hui.” Pour éviter les couacs, briefer et former vos collaborateurs devient désormais incontournable.
“Les clients ont toujours été exigeants. Mais ils le sont devenus encore plus et trouvent des services intéressants sur la Toile, souligne Caroline Morizot. Mais le magasin physique ne disparaîtra pas. Il faut juste se différencier.”
Pragmatisme et lucidité
L’experte conseille de se tourner vers les autres commerçants du quartier pour organiser des actions et des événements communs.
“Il ne faut pas rester tout seul dans sa boutique. Il y a de belles choses à mettre en place en discutant avec les autres commerçants”, insiste-t-elle. Pour Sylvain Bartolomeu, à la rentrée, une question va toutefois se poser :
“Est-ce que le commerce physique va pouvoir s’exprimer pleinement ? Si les commerçants restent ouverts dans des contextes normaux, cela ira. Mais si le contexte est anxiogène, c’est-à-dire si les courbes repartent à la hausse, il y aura un nouveau un gros report sur le digital, détaille-t-il.
En tant que chef d’entreprise, il faut donc garder à l’esprit que l’on est pas encore totalement sorti. Sans être pessimiste, il faut garder du pragmatisme et de la lucidité en gardant en tête qu’on peut encore affronter de grosses tempêtes.”