Ce n’est un secret pour personne, le marché de la chaussure a subi de plein fouet la pandémie. Selon Xerfi, le rebond de la consommation devrait être limité en 2021 (+ 8,5 % en valeur). Mais parmi les choses positives soulignées par le cabinet d’études : le fait qu’une partie des achats reportés l’an passé devrait se concrétiser dans les prochains mois.
Récemment, les chiffres du commerce spécialisé en avril, publiés par Procos, ont fait état d’une baisse de 89,2 % pour ce seul secteur. Au-delà des différents confinements qui ont plombé l’activité, la demande en chaussures a été limitée par les mesures sanitaires imposées aux Français. “Les restrictions de déplacements (confinements, couvre-feu, etc.) et l’essor sans précédent du télétravail limitent les besoins de renouvellement de chaussures, en particulier de chaussures de ville”, précise Xerfi. Et l’institut d’études d’ajouter : “alors qu’aucune perspective d’amélioration de la situation sanitaire n’est pas à espérer avant le 2e trimestre, le rebond de la consommation de chaussures en 2021 restera relativement limité (+8,5 % en valeur).” Une fois ce constat établi, quid de la politique mise en place par les différentes enseignes pour enrayer ce repli brutal ? Évidemment, le digital s’impose chez toutes les enseignes interrogées pour cet article.
“Le relais essentiel est le digital avec l’ouverture de marketplace comme La Redoute, les wholesalers tels que Zalando et surtout le ship-from-store qui permettra d’utiliser le stock de nos magasins pour les livraisons d’e-commerce. Deux avantages à cela : on fait tourner le stock plus efficacement et on évite les ruptures sur le Web”, explique Armelle Griveaux, présidente de Minelli.
Et cette dernière de poursuivre : “nous le constatons chaque jour avec une progression du web de 30 % chaque année. En septembre, nous allons également ouvrir notre site Internet à l’international.”
Chez Eram, on explique que le digital représente désormais 20 % du CA en 2021. Si comme pour Minelli, les marketplaces sont un levier de croissance indispensable, l’omnicanalité est désormais inscrite dans la stratégie du groupe. “Il s’agit de créer des synergies entre nos boutiques et notre activité digitale, à travers le click and collect, la e-réservation, l’order in store ou le ship from store”, note François Aspe, co-directeur de la marque Eram. Pour autant, certaines marques estiment que la pandémie n’a pas fait d’eux des pureplayer du Web. Surtout avec des magasins fermés durant les confinements successifs. Il a fallu accélérer et rattraper le train en marche.
“Certes vous ne remplacez jamais 70 points de vente physiques, malheureusement fermés, par un site Web. Les pertes de chiffres au final restent donc lourdes, néanmoins notre site Web représente désormais la puissance d’environ 8 boutiques physiques et devrait fin 2022 représenter environ 15/20 % de notre CA groupe”, remarque Vincent Di Nino, directeur commercial chez Finsbury.
Tous les leviers de croissance sont les bienvenues pour tenter d’enrayer la crise. Chez Minelli, un partenariat avec les bijoux Emma et Chloé a été mis en place. Même constat avec Eram qui a noué un partenariat, de son côté, avec Grain de Malice dans la boutique d’un de ses affiliés à Savenay. “Nous testons une offre textile également en partenariat avec la marque Street One dans cinq de nos succursales. Nous mettons en place des partenariats avec Bocage, une autre marque de chaussures du groupe dans des formats corners ou bi-stores”, précise François Aspe.
Produits éco-responsables
Suivant la tendance du moment, les enseignes sont nombreuses également à se lancer sur le marché de l’occasion. C’est le cas d’Eram qui teste une offre de seconde main dans cinq de ses boutiques. De même, la part éco-responsable entre aussi dans le logiciel interne des marques. Les attentes des consommateurs ont visiblement changé.
“Nos clients vont avoir un acte d’achat plus responsable, que ce soit à travers les logiques d’éco-conception ou de bassins de production ou de responsabilité sociétale. Les consommateurs sont attentifs à l’impact environnemental et social de leur acte d’achat”, poursuit François Aspe.
Ce dernier explique également que la marque Eram a travaillé, pour cet été, sur une gamme spécifique éco-conçue et avec des sourcings proches (50 % des collections sont fabriquées en Europe.) Clients encore et toujours dont les manières de consommer ont évolué avec la crise. “Nos clientes demandent davantage de casual chic et moins de ville et élégant”, précise d’Armelle Griveaux de chez Minelli. Chez les hommes, avec le télétravail, l’enseigne Finsbury a également constaté une baisse des ventes sur des produits estampillés habillés ou corporate. Avec en ligne de mire le fait que les besoins de représentations, les réunions physiques ou les salons et les déplacements ont tous été annulés en 2020. “Le casual représentait 10 % de nos ventes il y a trois ans, il sera probablement à 35/40 % en 2022. Certes nous resterons une marque très attachée à la chaussure qualitative, aux matières nobles, aux cuirs français, aux souliers cousus goodyear ou blake, mais notre profondeur de produits dits classiques baissera progressivement”, note Vincent Di Nino. Et ce dernier d’ajouter : “nous mettrons notre savoir-faire dans des produits toujours très artisanaux, fabriqués en Europe mais plus tournés vers une élégance décontractée, nouveau paradigme de la mode masculine.”