“No pain, no gain.” On se souvient de l’expression. Pas de douleur, pas de résultat. Les gérants de club de sport en ont éprouvé la devise durant ces six mois de fermeture. Mais en parallèle, des porteurs de projet sont allés frapper à la porte des enseignes avec l’idée (raisonnée et raisonnable) de se lancer.
Depuis le 9 juin dernier, les salles de sport peuvent enfin rouvrir leurs portes. Fermées depuis fin octobre, elles ont payé un lourd tribut à la crise sanitaire. Avant ce choc mondial, en 2019, le cabinet Deloitte estimait à 5,96 millions le nombre d’adhérents à ces salles en France.
“Troisième derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni, le marché français de la santé et du fitness affiche une croissance soutenue qui va se poursuivre, portée notamment par l’appétit des acteurs européens”, expliquait alors Philippe Dardelet, directeur sport & major events chez Deloitte. Le cabinet projetait à 2,5 milliards d’euros le chiffre d’affaires généré par le fitness en France. Puis, tout s’est arrêté. Tout récemment, l’organisation professionnelle l’Union Sport & Cycle a estimé à plus de 2 milliards d’euros la perte de chiffre d’affaires. Depuis mars dernier, on compte -50 % d’abonnés dans les salles et – 80 % d’adhérents dans les studios. Et l’organisation de rappeler que la conquête de nouveaux clients est quasi nulle pendant l’été. C’est-à-dire, la période de réouverture. C’est simple, pour l’année 2020, l’Union Sport & Cycle a compté six mois de fermeture administrative pour les salles de sport et 1,3 milliard de pertes de chiffre d’affaires cumulées. Qui plus est, 61 % des entreprises envisageaient alors de licencier du personnel d’ici six mois.
Un marché en retard
N’en jetez plus, la coupe est pleine. Et pourtant, en dépit de ces chiffres négatifs, le marché va nécessairement reprendre. Car le taux de pénétration du nombre de salles est encore très faible en France.
“Effectivement notre taux de pénétration est aujourd’hui faible (9 %) et la crise de la Covid-19 n’a pas arrangé les choses. Nous avons un boulevard de développement devant nous. Certaines villes étaient dépourvues de clubs, ce qui rendait l’offre insuffisante par rapport à d’autres”, explique Romain Le Nagard, responsable développement chez Fitness Park.
Un constat entièrement partagé par Frédéric Vallet, directeur général du groupe On Air :
“Le marché français est effectivement en retard face aux pays limitrophes tels que l’Allemagne ou l’Angleterre et c’est tant mieux. Tout reste à faire ! Tous les signaux étaient au vert avant la crise avec une forte progression du nombre de salles de sport. Les experts estiment que les dix prochaines années seront exceptionnelles avec plus de 2 millions de nouveaux inscrits.” Alors, optimisme démesuré ou résilience acceptée ? Quoiqu’il en soit, ces faibles taux de pénétration sont des signes encourageants comme autant de potentielles opportunités pour le porteur de projet. Comme le souligne Sylvain Bartolomeu, dirigeant associé du cabinet Franchise Management, nos concitoyens sauront retrouver le chemin des salles de sport :
“j’ai peu de doute sur ce point. Cette crise sanitaire a remis au centre des besoins consommateurs, l’envie de lien social et le souhait de prendre du temps pour soi. À court terme, les gestes barrières, la peur du virus, pourront freiner la demande, mais la confiance revenue s’accompagnera très certainement par un retour dans les salles !” Pour ce dernier, le marché risque d’évoluer donc dans les années à venir. Mais à court terme, il pourrait déjà rebondir fortement. En effet, la crise, avec le mieux manger a révélé la nécessité pour les Français de faire du sport et de s’entretenir.
Des ouvertures prévues
D’autant que durant ces différents confinements, les candidats ont souhaité explorer la possibilité de se lancer. C’est du moins ce que nous ont révélé les différentes enseignes interrogées pour ce dossier.
“Nous avons 135 projets d’ouverture en cours et plus de 80 signatures de nouveaux projets depuis 2020”, explique Vincent Olivier, directeur du développement L’Orange Bleue. Même constat au sein de l’enseigne KeepCool qui précise avoir reçu en moyenne deux à trois candidatures spontanées par semaine durant la fermeture. Durant cette période, le franchiseur a travaillé au développement du réseau de l’enseigne avec notamment l’ouverture de quatre nouveaux clubs.
“Nous recevons en moyenne une quarantaine de candidatures par mois depuis janvier et l’ouverture des salles devrait accélérer l’apport de lead”, remarque, de son côté, Romain Le Nagard. Il semblerait donc que les fermetures n’aient pas gelé les projets. Bien au contraire ! La vaccination aidant, les candidats ont été pragmatiques.
“Si les clubs étaient fermés, les entrepreneurs et investisseurs nous ont largement sollicité en 2021. Une dizaine de contrats de franchise a été signé sur le premier semestre 2021. La réouverture des salles de sport va certainement accélérer les candidatures”, poursuit Frédéric Vallet.
Une envie entrepreneuriale partagée par les candidats à l’ouverture de studios spécialisés.
“La période de confinement a été très active. Nous ouvrons vingt studios supplémentaires en cinq mois. Nous avons des rendez-vous quotidiennement avec des prospects afin de vérifier s’ils sont éligibles à notre business plan et nos valeurs”, note Romain Secchiaroli, directeur France de Iron Body Fit.
Rassurer les porteurs de projet
Reste que comme pour la restauration, il va falloir rassurer les futurs porteurs de projet. Au-delà du prestige de l’enseigne, l’accompagnement des candidats va être primordial.
“Il faut être vigilant sur la solidité des franchiseurs qu’on cible. Les enseignes, et c’est bien normal, ont été fragilisées par la crise, surtout dans ce secteur”, explique Sylvain Bartolomeu. Et le membre du collège des experts de la Fédération française de la franchise de poursuivre :
“ai-je en face de moi un partenaire suffisamment solide pour m’accompagner dans mon projet entrepreneurial ? Ai-je en face de moi un partenaire franchiseur suffisamment solide pour affronter d’autres tempêtes (conflits sociaux ou résurgence du virus ?).” Une problématique comprise par les enseignes. Ces dernières mettant en avant leur ADN et leur capacité de résistance face à la crise. Celle-là et d’autres potentielles. Si Fitness Park précise que son développement se fait à 50/50 entre nouveaux candidats et personnes issues du réseau Fitness Park (ayant déjà ouvert des clubs), le franchiseur rappelle qu’il n’a n’enregistré aucune fermeture de salle depuis sa création.
“Notre situation nous permet d’obtenir encore des financements même sur un secteur autant impacté depuis plus d’un an”, précise Romain Le Nagard. On le voit. Il faut rassurer. Encore et toujours. Quoi de mieux en effet que de révéler, comme le fait Fitness Park, que certains franchisés du réseau ont profité de cette période pour monter en puissance en ouvrant un autre club.
“Nous avons aujourd’hui des investisseurs qui viennent de notre propre réseau puisque 53 % des partenaires exploitent au moins deux clubs mais aussi beaucoup de nouveaux investisseurs en reconversion professionnelle, en recherche d’une nouvelle vie sur leur région d’origine ou sur une nouvelle région, voire même en Espagne où nous sommes implantés depuis 2017”, note Vincent Olivier, directeur du développement L’Orange Bleue.
Pour Sylvain Bartolomeu, les candidats doivent plus que jamais s’attarder sur la qualité de la transmission du savoir-faire et la solidité financière du franchiseur ou encore l’état d’esprit du réseau en sortie de crise. D’où la nécessité, somme toute logique, de choisir une enseigne forte.
“Sur les secteurs fermés comme celui des salles de sport ou la restauration, la crise risque de provoquer un rééquilibrage entre l’offre et la demande. La demande sera peut-être stable ou légèrement moins importante qu’avant la crise. Nous ferons alors face à une offre affaiblie avec certains acteurs (parfois franchisés mais surtout indépendants isolés) qui ne pourront tenir après la crise et après la fin des aides”, estime le dirigeant associé du cabinet Franchise Management.
Un modèle éprouvé
Parmi les autres points rassurants pour le candidat, le fait que les enseignes ont suffisamment confiance en leur concept pour ne pas le changer en cours de route. Chez On Air Fitness, par exemple, on estime que le modèle a permis à l’enseigne de résister voir de progresser en nombre d’adhérents sur les clubs ouverts au public prioritaire. “
Le fait que notre cœur de cible soit les 18-35 ans nous rassure quant à la fréquentation de nos salles dès la réouverture, cette typologie de clients étant particulièrement pressée de retrouver leurs habitudes de consommation et se sentant moins concernée par les risques de l’épidémie”, estime Frédéric Vallet. Chacun voit midi à sa porte pour mettre en avant un modèle ultra-résilient.
“Non, notre modèle ne change pas : les studios de 80 m² où le client est avec son coach personnel pour un entraînement de 20 minutes par semaine est un concept pérenne. Le point mort étant facile à atteindre, ce modèle peut être développé dans toutes sortes de zones”, évoque Samuel Gay, responsable développement du réseau fit20. Chez Fitness Park, on avance que dans le contexte actuel, leur format de plus de 1 000 m² permet une bonne distanciation des adhérents.
“Les protocoles sanitaires que nous travaillons déjà depuis plus d’un an nous permettent de proposer le meilleur cadre afin de s’entraîner en toute sécurité”, note Romain Le Nagard.
Nouvelles tendances
Attention, si les enseignes mettent, bien entendu, en avant leur assise conceptuelle, elles se doivent impérativement d’être à l’écoute des nouvelles tendances. Avec la pandémie, des envies différentes chez les abonnés ont vu le jour qu’il ne faut pas mésestimer. Fitness Park a mis en place Home Park qui permet un entraînement à domicile en direct/live avec les coachs de l’enseigne. L’innovation pour conquérir de nouveaux abonnés mais également pour rassurer le porteur de projet quant à la capacité de l’enseigne à proposer des concepts adaptés à l’époque.
“Nous innovons donc dans toutes les strates de l’entreprise qu’il s’agisse des types de cours collectifs, des supports de communication digitaux ou en formations en présentiel ou à distance mais aussi sur nos produits distribués par la centrale d’achat”, note Vincent Olivier.
Et le directeur du développement L’Orange Bleue de poursuivre :
“notre modèle Wellness s’est aussi enrichi en offre de service avec des cours de pilates et yoga, un espace bien-être avec cryobain, hammam et sauna très appréciés des partenaires et adhérents.” Du côté de l’enseigne Iron Body Fit, on met en avant l’ouverture des master-franchise aux États-Unis durant le mois de juillet prochain. On le voit, les enseignes bandent leurs muscles mais le mot de fin pourrait revenir à Sylvain Bartolomeu pour qui ce secteur est un métier plein d’avenir :
“Après la crise sanitaire, nous entrerons dans un monde où le lien social et le besoin de faire de l’activité physique n’auront jamais été aussi importants. Les consommateurs expriment d’ores et déjà aujourd’hui un besoin de liberté et de rompre l’isolement. Si l’offre est affaiblie mais que la demande consommateur est là, il y aura forcément des opportunités entrepreneuriales.”