Ouvert il y a trois ans en plein cœur de la Moselle, le centre commercial B’est, opéré par le promoteur Codic joue sur une double zone de chalandise franco-allemande. Avec en ligne de mire, la volonté d’atteindre 8 % de clients outre-Rhin. Entretien avec Barthélemy Jeanroch, directeur du centre.
Après trois ans d’existence, quelle est la répartition entre succursalistes et franchisés au sein du centre ?
Nous sommes sur une tendance de 55 % d’indépendants et de 45 % d’enseignes nationales en succursale. Mais tout ce que l’on ouvre aujourd’hui se fait en franchise.
Quel est le profil de vos franchisés ?
L’ancrage est résolument local. Ce sont des chefs d’entreprise originaires de la Moselle qui viennent donc régulièrement sur leur point de vente. La population sur le centre commercial est très hétéroclite. Il y a des gérants qui ont plusieurs magasins et d’autres pour qui c’est le projet de leur vie. Il n’existe donc pas de profil type. Ce qui fait d’ailleurs la richesse de l’expérience. C’est un centre à taille humaine, je reçois moi-même les porteurs de projets. Nous échangeons alors sur la viabilité de ces futurs commerces. Nous pouvons alors nous rendre compte qu’une enseigne concurrente est déjà présente sur site et qu’il ne sert à rien de diviser le gâteau. Il vaut mieux alors se créer une nouvelle part, avec un tout nouveau gâteau. Nous faisons donc, bien en amont, une analyse des besoins du gérant et nous le mettons en relation avec une enseigne qui va lui permettre de créer un projet pérenne.
Que recherchez-vous aujourd’hui comme activité au sein du centre ?
Nous essayons désormais de compléter notre offre. Nous aimerions beaucoup avoir un caviste. Nous souhaiterions également voir s’implanter un multimarques dans le domaine de la chaussure, pourquoi pas plus haut de gamme. J’ai ouvert ce site il y a trois ans. C’est un peu comme chez moi, à la maison. Comme je vous le disais plus haut, nous sommes sur des projets à taille humaine : tout passe par moi. Il n’y a pas d’équipe dédiée.
Comment convaincre les franchisés qui hésitent encore à s’implanter chez vous ?
Par la fréquentation ! D’avril à décembre 2020, nous sommes à + 21 % par rapport à la même période en 2019. Sur les 11 derniers jours de mai 2021, nous avons enregistré une évolution de la fréquentation en hausse de + 63 %. Certes, les valeurs de charge et les investissements sont plus importants en centre commerciaux mais quand vous multipliez votre chiffre d’affaires par cinq, vous savez que les valeurs locatives et les charges ne sont pas multipliées par cinq.
En termes d’investissements justement, quel coût cela représente-t-il ?
Tout dépend du contexte. Si vous remplacez un locataire qui avait déjà aménagé sa cellule ou si vous ne partez de rien. Je discutais récemment avec une enseigne. Le coût serait, dans ce cas le premier cas de figure, de l’ordre de 15 000 euros. En revanche, si vous partez d’une coque brute, disons de 100 m2, il faut compter 80 000 euros de travaux et d’aménagement. Plus entre 140 000 et 170 000 euros, selon la valeur du stock de l’enseigne. Mais je le répète encore une fois : sans droits d’entrée. Vu le niveau actuel de vacances commerciales, je ne comprends pas que ce genre de pratique puisse encore perdurer.
Depuis trois ans, date d’ouverture du centre, vous avez organisé quelques 70 opérations marketing ? Savez-vous quelles ont été les retombées de ces événements ?
Il est difficile de le dire pour ce qui est du chiffre d’affaires car nous recevons chaque mois des données compilées. Même si le retour des commerçants est bon. Car qui dit trafic supplémentaire, dit achats d’impulsion. Lorsque que nous organisons des opérations marketing, nous constatons entre 15 % et 45 % d’activité en plus. Nous avons la volonté de faire des choses que l’on ne voit pas ailleurs. Je dis souvent à mes équipes : il faut se différencier en faisant du non-marchand pour faire venir des gens. Nous verrons bien après s’ils ont envie de consommer.
La frontière allemande est toute proche. Quid aujourd’hui des clients venus d’outre-Rhin ?
Avant la Covid-19, nous étions à 5 % de clientèle allemande. Avec cette difficulté de passer les frontières, nous avons récupéré beaucoup de clients français qui allaient jusque-là en Allemagne. Pour ce qui est de l’avenir, nous souhaitons atteindre 8 % de consommateurs venant d’Allemagne. Mais avant toute chose, il a fallu s’ancrer régionalement car nous sommes ici sur une zone de chalandise de 260 000 habitants contre 340 000 outre-Rhin.
Quelle est la progression du trafic aujourd’hui?
Si au départ, les consommateurs venaient en moyenne une fois par an, puis deux et trois fois, nous sommes désormais sur une moyenne d’une fois par mois. Pour un centre qui n’a que trois ans d’existence, c’est plutôt bien. D’autant que les personnes restent en moyenne 1h44 sur site. Une ouverture de centre, c’est toujours compliqué mais nous sommes satisfaits. Dans une période compliquée, nous avons enregistré tout de même 15 signatures d’enseigne en 2020. D’autant que si l’on a beaucoup parlé de proximité durant la crise, le retour à la vie normale risque de changer la donne. Certes, les hypermarchés ont perdu en fréquentation mais ils ont gagné en panier moyen. Si chez nous, le gros du trafic est, certes, assuré par l’hypermarché Auchan, je dirais que le shopping, en règle générale, est la locomotive de ce centre commercial. D’autant plus que notre emplacement, dans l’hyper-centre de la zone de chalandise, a conduit les enseignes à arbitrer en notre faveur. C’était cela ou bien l’obligation pour elles d’installer un magasin dans les quatre villes situées à vingt minutes du centre.
Entretien réalisé en collaboration avec Camille Boulate.