Avec l’épidémie du Covid-19, les acteurs de la restauration à table feront face à de nombreux défis lorsque la reprise de l’activité aura lieu. Nicolas Nouchi, directeur des études CHD Expert, revient sur les enjeux qui se dessinent.
Quels sont les principaux challenge auxquels seront confrontés les restaurateurs quand l’activité reprendra ?
Avant la crise sanitaire, les restaurateurs avaient un défi majeur qui était de maintenir, travailler et augmenter leur trafic en point de vente afin de générer du résultat. Maintenant, le défi sera de créer du trafic pour survivre. Les enjeux ne sont donc pas forcément les mêmes et les difficultés sont exponentielles pour les acteurs de la restauration. Car créer du trafic risque d’être encore plus difficile
après la crise du Covid-19.
D’après vous, que se passera-t-il au moment de la reprise ?
Il y aura forcément un déconfinement qui entraînera la réouverture des points de vente. Et en fonction de la réglementation sanitaire ou de l’existence d’un traitement, il va y avoir un retour des consommateurs en points de vente. On peut donc éventuellement s’attendre à un éventuel pic d’activité, comme à la libération de Paris en 1945. Mais dans les faits nous ne savons pas s’il y aura un regain d’activité. Il y aura évidemment une sorte de lâcher prise et une volonté de consommer ou de sortir. C’est tout à fait concevable mais uniquement dans une situation médicale qui pourra justifier que les consommateurs se sentent sereins et en sécurité à l’extérieur. S’il n’y a pas cette situation, il n’y aura pas de “pic de libération” et il y aura surtout une volonté de la population de rejeter les établissements qui sont trop fréquentés. Cet état des lieux de la sortie de crise va réguler le niveau de paranoia de la clientèle. En fonction de s’il y a un traitement ou pas, les consommateurs sortiront avec plus ou moins d’inquiétude. Ce qui impactera la fréquentation des restaurants. Il faut avoir conscience qu’il y aura toujours des personnes inquiètes et il faut s’attendre à une période d’attente avant une reprise normale de l’activité. Et à ce stade, nous ne pouvons pas dire
si cette reprise sera supérieure, inférieure ou de même niveau qu’avant le confinement.
Cette crise inédite entraînera-t-elle des changements dans les habitudes des consommateurs ?
Effectivement, on l’a déjà vu à plusieurs reprises, le comportement du consommateur hors domicile va forcément changer. Transitoirement, les clients auront plus de mal à s’installer à table dans les restaurants et risquent de privilégier la vente à emporter ou la livraison. La tendance de fond des offres à partager et de l’happy hour qui avait drivé la restauration ces deux dernières années risque de s’essouffler et d’être fortement impactée. Les clients auront en effet du mal à partager une planche apéritive de fromage ou de charcuterie, même avec leur famille proche, ne se sentant pas forcément en sécurité. Ce que l’on ne sait pas en revanche, c’est le comportement des consommateurs vis-à-vis des chaînes de restauration. Est-ce que cela sera plus rassurant pour les clients de se tourner vers ces acteurs, où les process et la traçabilité sont clairement identifiables ? Ou au contraire, y aura-t-il un rejet de ces grandes enseignes ? Pour le moment, impossible de prédire ce qu’il se passera.
Les restaurateurs devront donc convaincre les clients de revenir en point de vente. Que devraient-ils mettre en place selon vous ?
Ce sera évidemment l’un des principaux défis des restaurateurs :
attirer de nouveau les clients. Alors soit les consommateurs reviendront spontanément, soit il faudra les séduire. Pour cela, il faudra adapter son point de vente en matière de configuration, de disposition des tables, de nettoyage, de réglementation sanitaire nouvelles, de façon à proposer les plats ou encore de la proximité avec son consommateur. Il y a de nombreuses règles, souvent implicites, qui imposeront aux acteurs de la restauration d’avoir une certaine intelligence dans la façon de s’adresser à la clientèle. Nous sommes même en train de se dire, que si le point de vente avait les moyens, nous conseillerions de refaire les peintures. Car il va falloir que le restaurateur montre que tout a été nettoyé ou désinfecté pour régler ce niveau de paranoïa de la clientèle que nous ne maîtrisons pas à date. Ensuite, cette période peut avoir un impact positif sur le tempérament des consommateurs qui seront peut être moins exigeants et plus souples vis-à-vis des restaurateurs. En revanche, je pense que les acteurs de la restauration, qu’il s’agisse des grandes chaînes ou d’indépendants, devront effectuer un gros travail en matière d’offres. Peut-être que dans un premier temps il faudra rationaliser la carte et proposer des offres promotionnelles alléchantes. Là, les enseignes ont clairement un rôle à jouer pour orienter les consommateurs et les faire revenir au sein des points de vente.