Face à la crise liée au coronavirus, les commerces sont durement impactés et voient leur chiffre d’affaires en berne. Yohann Petiot, directeur général de l’Alliance du commerce, et Emmanuel Le Roch, délégué général de la fédération du commerce spécialisé Procos, reviennent sur cette situation inédite.
Quelle est votre analyse de la situation actuelle ?
Yohann Petiot : Dans un premier temps nous essayons faire comprendre aux bailleurs qu’ils doivent faire preuve de solidarité. En effet, il y a un gros impact sur la trésorerie du fait de la fermeture des magasins. Il y a vraiment zéro recette donc il faut vraiment
qu’on aille sur le principe de zéro charge. Alors l’activité partielle est une solution pour les salaires mais le poste qui est le plus important reste celui des loyers. Donc il faut appeler à la solidarités des bailleurs. Les mesures qui sont mises en place sont aujourd’hui insuffisantes.
Emmanuel Le Roch : Certains bailleurs sont d’ailleurs déjà dans cette démarche. Mais la grande majorité attendent de voir combien de temps cela va durer et ne font que reporter les échéances. Mais il est primordial que les bailleurs entendent que cela est vital pour les commerçants. Car, quelle que soit leur taille, il faut qu’ils puissent avoir suffisamment de trésorerie afin d’avoir un fonds de roulement suffisant pour relancer leur activité.
Sur le terrain, comment se portent vos adhérents ?
Yannick Petiot : C’est simple, la grande majorité de nos adhérents ont fermé leur boutique.
Donc le chiffre d’affaires c’est rapide, il n’y a plus rien. Bien sûr, ils sont très inquiets. Il s’agit de la troisième crise que l’on traverse depuis deux ans. Et la crise sanitaire du coronavirus est d’une ampleur exceptionnelle et que l’on a jamais connu. Donc l’inquiétude est forte et les commerçants se demandent comment ils vont redémarrer. Donc il faut mettre en place toutes les conditions pour que la reprise soit la meilleure possible et qu’il n’y ait aucun commerce mort sur le bord de la route. Il faut donc que tous, nous puissions les aider à traverser cette crise, à faire en sorte que la reprise se passe dans les meilleures conditions possibles. Aujourd’hui on est vraiment mobilisé sur ce que l’on peut mettre en place
pour assurer la survie et la pérennité de tous ces commerçants qui auront été fermés pendant un mois et demi et dont les difficultés de trésorerie vont être importantes.
Emmanuel Le Roch : 90 % de nos adhérents ont fermé leur magasin. Si le e-commerce fonctionne très bien, cela reste des petits chiffres d’affaires et à terme, il sera compliqué de gérer les entrepôts et la livraison. Et cela ne suffit pas pour combler le manque d’activité des magasins. Ils sont donc très inquiets et se demandent effectivement comment l’activité va repartir. Plus ça va être long, plus cela va être compliqué de générer aucun chiffre d’affaires. Car il y a encore des coût fixes à payer, notamment les fournisseurs.
Outre le fait de militer pour l’annulation des loyers est-ce que pour vous il y a d’autres mesures à mettre en place sur long terme pour aider les commerçants ?
Yohann Petiot : À la reprise, sur les loyers, il faut que ces derniers puissent être mensualisés, payés à terme échu et non à échoir, qu’ils puissent être variables et adaptés à la réalité de l’activité. Car nous savons, aux vues de ce qu’il se passe en Chine, que l’activité repart lentement et qu’elle ne retrouve pas son rythme normal immédiatement. Donc les mois qui arrivent seront difficiles. La question du chômage partiel se posera également. Les commerçants pourront-ils toujours y avoir recours une fois la crise passée ? Car si l’activité ne reprend pas tout de suite, il faudrait que ce soit toujours possible d’en bénéficier. Il faudra peut être aussi permettre des ouvertures dominicales en plus que celles initialement prévues parce qu’en semaine les salariés vont être considérablement pris par leur travail et le retard à rattraper. Et donc il faut que l’on puisse permettre aux commerçants de faire leur métier, y compris le dimanche, du moins les premiers dimanches. Il y a aussi une question qui se pose sur les soldes, à la fois sur leur date et sur leur durée, qu’il faudra probablement adapter. Nous allons d’ailleurs lancer un sondage massif par rapport à cette question.
Emmanuel Le Roch : Au-delà du fait que les commerçants ne payent pas les loyers et les charges
pendant la période de fermeture, il faut en effet que ces loyers ré-augmentent progressivement une fois la reprise actée. Car il va falloir que leurs montants s’adaptent à l’activité des commerçants. Cela sera impératif pour sauver les commerces mais aussi les emplois.
Plusieurs experts estiment que les consommateurs n’hésiteront pas à consommer à l’issue de la crise puisqu’ils auront été confinés et frustrés. Quel est votre avis ?
Yohann Petiot : Nous ne sommes pas pas certains que la reprise sera rapide, car ce n’est pas du tout ce qui est constaté en Chine. Puis sur quoi se portera les achats des consommateurs dans un premier temps ? On n’en sait absolument rien. D’autant plus qu’il ne faut pas oublier que pour un certain nombre de consommateurs il y aura eu une baisse de pouvoir d’achat, du fait de la mise au chômage partiel de ces derniers.
Emmanuel Le Roch : L’activité ne repartira pas du jour au lendemain. Il faut avoir en tête que quand les magasins ouvriront à nouveau, il y aura toujours les mesures barrières, elles ne seront pas supprimées. On peut penser que la restauration va rapidement redémarrer, mais à conditions que ces mesures barrières ne soient pas trop lourdes. Il y a des secteurs comme la mode, où l’enjeu sera important avec l’écoulement des stocks, l’arrivée des soldes et de l’été. Il y a beaucoup d’inconnues concernant la reprise. Quand on voit ce qu’il se passe en Chine, cela remonte doucement. Un mois après la réouverture des magasins, les commerçants atteignent 50 % du chiffre d’affaires devant la crise. Alors certes, il y a bien une appétence à consommer mais elle reste limitée dans les premières semaines.