En 2018, le climat du marché des commerces a affiché une certaine morosité, selon la dernière étude de Cushman & Wakefield. Un ralentissement qui s’expliquerait notamment par les mouvements sociaux consécutifs qui ont émaillé l’année, des blocages universitaires à la grève des cheminots, en passant par les Gilets Jaunes.
Le climat du marché des commerces a été très morose en 2018, d’après la dernière étude de Cushman & Wakefield. En début d’année, avec une envolée de la croissance à 2,3%, « les espoirs » de reprise économique « étaient de mise » (avec des ménages qui avaient « repris le chemin des commerces »), et « rien ne laissait présager d’un quelconque décrochage », note pourtant le service spécialisé en immobilier d’entreprise. Mais les retombées des « conflits sociaux » qui se sont succédé (grèves des cheminots, occupation des universités, Gilets Jaunes) en 2018 auraient « calmé l’enthousiasme des plus optimistes », et la croissance économique aurait finalement été moins soutenue que prévue.
Gilets jaunes : « le commerce voit rouge »
« La rupture s’est clairement manifestée en novembre avec une croissance des dépenses de consommation des ménages de – 2 %, impactée principalement par les premières manifestations de Gilets Jaunes pour stagner en fin d’année (cumul 12 mois de +0,1%). En conséquence, la Banque de France faisait état fin novembre d’un décrochage des chiffres d’affaires du commerce de détail de -4,1% par rapport à 2017, à son niveau le plus bas depuis 2012. L’année s’est terminée avec un recul de -0,9 % en cumul par rapport à 2017 », indique Cushman & Wakefield.
Selon l’étude, « les mesures obtenues par les Gilets Jaunes en faveur du pouvoir d’achat devraient relancer l’activité des commerces et apporter un peu d’optimisme pour les mois à venir. Mais ceci n’empêche pas les chefs d’entreprise d’envisager l’avenir avec une grande prudence et un indice de perspectives générales d’activité en fin d’année en chute libre (-37,5 points par rapport à décembre 2017), à son plus bas niveau depuis décembre 2014 ».
Face à un essoufflement de la fréquentation et un « tassement » des chiffres d’affaires, le rythme des ouvertures de nouvelles surfaces de ventes a ralenti en 2018, dans tous les formats de commerce, avec 28 % de surfaces en moins qu’en 2017. Cette baisse a principalement concerné les centres commerciaux (- 37 % par rapport à 2017). « Les retail-parks et parcs d’activités commerciales périphériques sont resté les plus grands pourvoyeurs de nouvelles surfaces commerciales en réunissant plus de la moitié des ouvertures de l’année, malgré un total de mètres carrés inaugurés en recul de – 23 % », indique en outre l’étude de Cushman & Wakefield.
Pour Christian Dubois, directeur du département commerce de Cushman & Wakefield, « la vacance qui progresse sur certains sites, conjuguée à une réglementation qui se complexifie, aura pour effet de prolonger voire d’amplifier le ralentissement des ouvertures dans les mois à venir ». Selon lui, « ces facteurs sont autant de sujets de préoccupation pour les bailleurs et développeurs d’un côté, et les enseignes de l’autre, qui doivent rivaliser d’inventivité pour tirer parti au mieux d’une situation conjoncturelle complexe, que tous espèrent temporaire ».
« Des opportunités » dans le sport et le jouet
En ce qui concerne les enseignes, certains secteurs d’activité commerciale continuent à « très bien se porter, qu’importent les perturbations du moment », selon l’étude. Ainsi le sport (via notamment Nike et Adidas) continue sa « percée » sur le marché français, tandis que les enseignes spécialisées en bijoux (Lovisa, L’Esprit Parisien) et en beauté/cosmétique et bien être (Granado, Rituals) « poursuivent le rythme de leurs ouvertures », notamment à Paris. « Parfois lassés par une offre traditionnelle qui peine à se renouveler, les consommateurs plébiscitent généreusement les concepts nouveaux et différenciants », commente Cushman & Wakefield.
De son côté, le secteur du textile demeure en difficulté, la progression des ventes ayant notamment été perturbée par « l’effet gilets jaunes » et les « aléas météorologiques » – avec une baisse de 20% en un an du chiffre d’affaires des commerçants de la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH) sur les six semaines précédant Noël. D’après l’étude, « tous les formats semblent affectés par les effets de cette crise d’identité » – et de grandes enseignes internationales comme Zara et H&M ont notamment réorganisé leur réseau « en arbitrant les emplacements en difficulté pour se concentrer sur les flagships les plus rentables pour une sélection de leurs enseignes », avec « moins de magasins, mais des points de vente plus spacieux » et une offre différente, répondant à « la demande d’une consommation responsable ».
Du côté du jouet, Cushman & Wakefield observe « des signes de ralentissement » (-2% au 1 er semestre 2018 selon la Fédération française des industries du Jouet Puériculture) en France et à l’international, notamment face aux difficultés rencontrées par La Grande Récré (reprise par son PDG après avoir été placée en redressement judiciaire) et Toys’R’US (mis en liquidation judiciaire, repris en France par Jellej Jouets). Selon le service spécialisé en immobilier d’entreprise, qui observe « des opportunités » dans le jouet, le marché français s’est finalement réorganisé « à la faveur » des réseaux du commerce associé (JouéClub, King Jouet). Et de noter que les ventes en ligne soutiennent le secteur « grâce à la présence et au dynamisme des sites marchands des enseignes ».