Comme chacun sait, la mise en place d’un système de distribution sélective permet de réserver la commercialisation des produits à des revendeurs choisis sur la base de critères qualitatifs. Afin d’assurer l’étanchéité du réseau, ces revendeurs ont interdiction de vendre les produits à des distributeurs non agréés. Par Gauthier Moreuil, avocat associé, Péchenard & Associés.
Ce type de réseau est par essence fermé, ce qui assure en principe le respect des normes de qualité définies par le fabricant et préserve ainsi l’image de ses produits. Il arrive cependant que des revendeurs hors réseau parviennent à se procurer ces produits et qu’ils les commercialisent, souvent en cassant les prix et toujours au mépris des critères qualitatifs définis, en particulier sur Internet.
La tête de réseau doit alors agir pour faire cesser cette concurrence déloyale et deux fondements à cette action sont envisageables : l’usage illicite de la marque, ce qui suppose que le tiers ne puisse se prévaloir du principe d’épuisement du droit des marques, ou la participation à la violation de l’interdiction de revente hors réseau prévue par l’article L.442-6-I-6° du code de commerce.
Cette seconde voie peut être empruntée à la double condition que le tiers se soit approvisionné auprès d’un distributeur agréé, ce qui est présumé s’il refuse de communiquer ses factures d’achat, et que le réseau soit exempté au regard des règles du droit de la concurrence, ce qui implique en principe que le contrat ne contienne pas de restrictions caractérisées, notamment au regard des prix de revente ou de l’usage d’Internet.
Une étape nécessaire
Dans le cas contraire, le réseau n’est pas opposable et aucune faute ne peut être reprochée au revendeur non agréé.
C’est ce qu’a rappelé la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 25 mai 2016 (Pôle 5 – Chambre 4, n°14/03918), dans une affaire qui opposait un groupe de parfums à un pure player Internet.
Ayant constaté que le contrat de distribution versé aux débats contenait plusieurs restrictions caractérisées (ou « clauses noires ») au sens du Règlement (CE) 2790/1999 sur les restrictions verticales, la Cour en a logiquement déduit qu’il ne pouvait bénéficier de l’exemption catégorielle prévu par ce texte. Aucun argument n’étant par ailleurs développé quant à une éventuelle exemption individuelle, la Cour a jugé que la preuve de la licéité du réseau n’était pas rapportée. Elle a par voie de conséquence débouté l’animateur du réseau de ses demandes.
Cette affaire souligne la nécessité, préalablement à l’engagement d’une action à l’encontre d’un vendeur hors réseau, d’auditer avec minutie le contrat de distribution sélective en vigueur, afin de vérifier qu’il ne contient pas de restriction caractérisée.
Cet exercice ne doit pas être négligé, les contrats étant le plus souvent inchangés depuis de nombreuses années, malgré l’évolution des textes et de la jurisprudence, sans être challengés.