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Les effets pervers du projet de loi El Khomri

La loi El Khomri contient aussi des propositions pour la franchise : celle notamment de la création d’un “comité d’entreprise” dans les réseaux. Une idée contestée par Hubert Bensoussan, avocat au barreau de Paris, membre du Collège des Experts de la FFF. Le droit du travail n’a vraiment pas sa place dans les rapports franchiseur – franchisés ! Le projet El Khomri qui va à l’encontre de ce postulat en instaurant une instance de dialogue de type comité d’entreprise dans les réseaux, fait logiquement couler beaucoup d’encre. La loi serait applicable, rappelons-le, dès lors qu’un réseau compte au moins 50 salariés parmi les franchisés. La quasi-totalité des réseaux de franchise est donc concernée. L’instauration de cette instance sociale au sein d’un “réseau” qui n’a pas la personnalité morale engendrerait des effets pervers pour tous les acteurs de la franchise. Le petit franchisé qui recherche l’indépendance tout en jouissant des atouts d’une grosse structure, se trouverait soumis aux contraintes lourdes des grandes entreprises : en cas d’élection de son seul salarié au “comité d’entreprise”, il devrait lui accorder a minima 20 heures par mois pour sa fonction d’élu. Irréaliste, sans compter qu’avec un salarié faisant régulièrement des allers-retours au comité organisé par le franchiseur, ce dernier serait informé des moindres faits et gestes du franchisé. À n’en pas douter la moindre insatisfaction des salariés à l’égard de leurs employeurs remontrait sans délai vers “l’autorité de tutelle”. Voilà une bien curieuse perception de la franchise où l’on occulte les règlements européens et les multiples décisions judiciaires qui valorisent à l’envi l’autonomie du franchisé. Ce dernier serait injustement victime d’un dol, trompé cette fois par ses gouvernants.  

Effets nuisibles

Le franchiseur n’est pas mieux loti. Il recourt à la franchise parce qu’il souhaite pour partenaires de véritables chefs d’entreprise et non des salariés. Le lien de dépendance ainsi créé par le contact direct avec les salariés des franchisés ne pourrait qu’être contraire à l’efficacité franchise. Pas content non plus le banquier. Il saurait le franchiseur plus fragile avec les obligations engendrées par la loi El Khomri (reclassement, information, comptes à donner, etc.). Le lien juridique entre franchiseur et franchisé pourrait créer une solidarité nuisible. En cas de faillite, les créanciers s’en réjouiraient ; il n’est pas exclu que le projet de loi ait pour conséquence perverse des extensions de procédures de liquidation judiciaire de franchisés au franchiseur lorsque ce dernier n’accepte pas d’assumer les dettes du premier. Il s’agirait de l’un des effets nuisibles de la forme de personnalité morale donnée ainsi au réseau. Aberrant. De leur côté les fournisseurs seraient tentés de solliciter des cautions solidaires de la part du franchiseur sur les achats des franchisés. Et si les consommateurs n’ont pas totalement conscience aujourd’hui de la distinction entre franchiseur et franchisé lorsqu’ils entrent dans un magasin, ils seront certains désormais de pouvoir s’adresser à l’un ou à l’autre indifféremment, pour acheter, se plaindre ou récupérer un acompte versé. Une bévue d’un franchisé à l’égard d’un client ou dans le cadre de sa communication, et le consommateur ne manquerait pas d’engager la responsabilité du “réseau” représenté par le franchiseur. Sans aucune concertation, à l’évidence sans réflexion préalable, les rédacteurs du projet de loi donnent un coup de balai sur tous les acquis profitables de la franchise. Espérons que le projet sera vite classé au rang des mauvais cauchemars.  

Hubert BENSOUSSAN, avocat à la Cour de Paris, dirigeant du cabinet Hubert BENSOUSSAN, membre du Collège des Experts de la FFF.

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