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La renonciation du franchiseur à un droit issu du contrat ne se présume pas et doit être non équivoque

Parfois, pour s’affranchir de ses obligations, le franchisé soutient, en guise d’axe de défense, que le franchiseur a renoncé à l’exercice d’un droit qu’il tient du contrat de franchise. Par Sandrine Richard, avocat, associée, Simon Associés. En pratique, l’argument est généralement avancé lorsque la validité de la clause considérée ne prête pas à discussion et que le franchisé n’a finalement pas d’autre choix que de soulever la renonciation du franchiseur à se prévaloir de son droit ; l’argument peut encore être soutenu alors même que la validité de la clause serait remise en cause, les deux types d’arguments n’étant pas exclusifs l’un de l’autre. La question est d’autant plus importante en pratique que le contrat de franchise comprend un nombre important de droits au bénéfice des deux parties, qui peuvent, au moins potentiellement, permettre au franchisé d’envisager un tel axe de défense dans toutes les hypothèses qui s’y rapportent. À titre d’exemple, et sans que cette liste soit limitative, le franchisé peut tenter d’invoquer la renonciation du franchiseur au bénéfice d’une clause de non-concurrence applicable pendant le contrat (s’il exerce une activité similaire en marge du réseau), d’une clause de non-concurrence post-contractuelle (s’il a décidé de rejoindre une enseigne concurrente), d’un droit de préemption (s’il cède son activité à un tiers), d’une clause d’arbitrage (si le franchisé préfère saisir les juridictions étatiques). La liste est longue. Au cas présent, le franchisé soutenait que le franchiseur avait renoncé au bénéfice d’une clause d’arbitrage. La décision commentée (CA Lyon, 3 décembre 2015, n°15/05020) retient fermement que la renonciation du franchiseur à un droit qu’il tient du contrat de franchise ne se présume pas et doit être “non équivoque”. Cette décision est intéressante : elle est parfaitement fondée, et s’inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence trop souvent méconnue.  

Une décision fondée

En droit, la renonciation est une manifestation de volonté unilatérale, par laquelle une personne éteint un droit dont elle est titulaire (Cass. civ. 1ère, 3 oct. 2000, n° 98-22132). L’existence de la renonciation, qui suppose une volonté abdicative, ne se présume pas et doit être non équivoque. Le caractère unilatéral de la renonciation et la perte qu’elle entraîne pour son auteur, expliquent que la renonciation ne se présume pas (Cass. civ. 1ère, 3 oct. 2000, n° 98-22132). Ces mêmes considérations justifient la nécessité que la volonté de renoncer soit exprimée “sans équivoque” (Cass. civ. 2ème, 20 juin 2002, n° 99-15135 ; Cass. civ. 1ère, 3 février 2004, n° 01-16083 ; Cass. com. 5 octobre 2004, n° 03-17757). Il y a là un principe (Cass. civ 2ème, 10 mars 2005, n° 03-11302) régulièrement appliqué par les juridictions du fond (CA Lyon, 16 sept. 2011, RG n° 10/07711 ; CA Chambéry, 7 juill. 2011, Juris-data n° 2011-015719 ; CA Paris, 24 févr. 1986, Juris-Data n°1986-021391). Il ne s’ensuit pas que la renonciation ne puisse qu’être expresse : la jurisprudence admet la renonciation tacite, mais impose alors que la volonté de renoncer soit non équivoque (Cass. civ. 1ère, 3 février 2004, n° 01-16083 : “Vu l’article 1134 du Code civil ; Attendu que la renonciation à un droit ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté expresse ou tacite de renoncer”. Cette dernière exigence réduit les cas d’admission des renonciations tacites. La Cour de cassation impose aux juges du fond d’asseoir sur des circonstances précises, multiples et suffisamment révélatrices d’une volonté abdicative la décision de renoncer à un droit. Ainsi, le seul fait d’être “resté taisant pendant trois années” ne suffit pas à établir une renonciation tacite (Cass. civ. 3ème, 1er avril 1992, Bull. civ. III, n° 115). N’est pas plus caractéristique d’une renonciation tacite “l’abstention prolongée pendant seize ans de toute réclamation amiable ou contentieuse alors [que le créancier] disposait d’un titre exécutoire qui lui aurait permis de procéder au recouvrement forcé” : la volonté non équivoque de renoncer suppose des “actes positifs” (Cass. civ. 2ème, 20 juin 2002, n° 99-15135 ; Cass. civ. 1ère, 3 février 2004, n° 01-16083 ; Cass. com. 5 octobre 2004, n° 03-17757).  

Autres applications

Dans le contentieux du droit de la distribution et de la franchise, la renonciation à un droit peut se poser en différentes circonstances. Parfois, le franchisé fait valoir que le franchiseur aurait renoncé à se prévaloir d’une clause de non-concurrence post-contractuelle. Ainsi, la cour d’appel de Colmar (CA Colmar, 19 juillet 2011, R.G. n°09/04846) à l’occasion d’un litige au cours duquel un franchisé tentait de se prévaloir du fait que le franchiseur n’avait pas réagi pendant une durée d’un an et demi après avoir eu connaissance de la violation de la clause de non-concurrence. La cour d’appel relève que “cette tolérance ne conférait pas au franchisé un droit acquis à poursuivre indéfiniment l’exploitation concurrente”. De la même façon, la cour d’appel de Paris a pu juger : “c’est à celui qui est tenu par une clause de non-concurrence introduite au contrat et lui interdisant explicitement d’assurer la représentation et la vente de produits identiques ou similaires aux produits contractuels de démontrer l’accord, éventuellement tacite, de son cocontractant à renoncer à cette clause ; que la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu’elle peut être non expresse mais doit être non équivoque” (CA Paris, 7 janv. 2009, Juris-data n° 2009-000130).    

Par Sandrine Richard, avocat, associée, Simon Associés

Sandrine Richard

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